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|  | |  | | | | | | | | | | | | | | | | | | | |  Première partie: Kiev (1) |
|  | Quelques bonds motorisés me propulsent à Blagnac dans l'appartement miniaturisé de Valérie. Une maison de poupée vivante. 22 m2. Une entrée, un coin cuisine et un coin nuit, séparés par un rideau amovible. 2 portes battantes de placard donnent sur une salle de bain avec WC, sans lavabo. Retenue par nos conversations aux saveurs sibériennes, Valérie file en retard à une invitation pour un concert de jazz. 14 février- la saint Valentin. Elle qualifie ce rendez-vous de rencart à moitié foireux. Quant à moi j'ai beau chercher, je ne vois pas de trappe dans le sol, ni de porte cachée. Je partagerai bien le lit de Valérie, les présentations faite, bien entendu, braves gens bien éduqués que nous sommes. Tandis que je vais la vaisselle dans l'évier minuscule qui vomit les assiettes indigestes, je pouffe de rire à l'idée de cette intimité.
4h10. Le bip bip de ma montre me sort de ma nuit trop courte. Passage éclair dans la salle de bain- pardon dans la cuisine- pour un brossage de dent qui lance la journée, la laine fraiche sur le dos, pour braver les températures de la nuit. Tu parles. Une douceur incroyable ! Bref. Le plan que j'ai esquissé me parait suffisamment précis pour rejoindre à pied en 40 minutes l'aéroport. C'était sans omettre un détail. Je ne retrouve pas le point de départ de mon itinéraire. Evidemment ça se complique. J'interroge les premiers marchands qui installent leur stand sur le marché. Ils m'aiguillent…ou plutôt me perdent. L'heure tourne. Moi aussi…en rond. Pas de voiture pour arrêter. Pas de piétons pour interroger. 5h. SMS à Valérie. Je la sors du sommeil. A prêt tout notre proximité nocturne m'autorise à cet excès de courtoisie. Enfin disons, ultime recours. Elle m'aiguille. Je reviens sur mes pas. Me voilà bien. Il fait trop doux. J'ai retiré depuis bien longtemps ma parka trop lourde, que je porte de mon avant-bras replié en porte manteau. L'autre main tire une valise, mais pas la mienne. Je reviendrai sur ce détail. Je retrouve l'itinéraire planifié sur ma feuille A4. Je le suis. Je le reperds. Il commence à y avoir urgence. 5h30. Le temps s'affole. Moi aussi. Je suis en sueur. L'avion est dans une heure et je suis paumé à un rond-point. SMS…Appel. Nouveau point de géolocalisation. Valérie enfourche sa monture et vient m'enlever au stress montant. Elle me dépose à la porte d'entrée de l'aérogare. Ma valise est enregistrée. Valérie rejoint sa couche. Je rejoins la douche. Tout au moins les toilettes de la porte d'embarquement où je peux me rafraichir. Le voyage vient de commencer. Le voyage va pouvoir continuer !
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| |  De Borispol à l'avenue Glushkova : |
| Vol, transit, vol…itinéraire d'un non enfant qui a failli gâter son voyage à cause d'une montre dont les aiguilles tournent trop vite. Quelle histoire. Me voilà reparti à faire le coup du temps qui perd toute notion…de temps. Bref. Atterrissage sans bavure dans la brume de Kiev. Je récupère ma valise. Non. La valise que je tirais, perdu en pleine nuit, mais qui n'est pas la mienne. Jusque là le lecteur interrogateur ne comprend rien à mon récit.
- A qui donc est cette foutue valise ?
- C'est une valise pour Luda
- Mais qui est Luda ?
- C'est une amie de Tanya
- Tanya ?
- Oui Tanya…une ukrainienne qui vit en France.
- C'est donc la valise de Tanya…
- Oui…enfin pas tout à fait.
- ?
- En fait c'est la valise de Bogdan.
- Bogdan ? Mais qui c'est celui-là ?
- Le fils de Tanya…
- Donc Bogdan doit remettre une valise pour Luda.
- Voilà….enfin non. C'est pour sa femme en fait.
- La femme de Tanya ?
- Non…de Bogdan…
- Ah ok !!! Donc la valise est pour sa femme.
- C'est ça. Enfin pas exactement. C'est pour son fils.
- Le fils de Tanya ? Bogdan donc ?
- Non le fils de Bogdan, Volodymir.
- ….
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| | | Luda m'attend à la sortie de l'aéroport, accueillante et souriante, accompagnée de sa fille (la sienne !). Premiers échanges vains de russe bafouillant dont je ne trouve pas les mots. Je lui remets le colis porté à bon port…enfin bon aéroport… et les layettes qu'il contient. Je m'assure avant d'en avoir retiré des bouteilles de vin que je ne pouvais transporter en cabine. Luda me conduit chez Tanya. Non…je sens l'interrogation surgir! Une autre Tanya, rien à voir avec la précédente. Tanya chez qui je vais poser mon sac, pour quelques jours, et qui m'accueille avec une assiette de borsh en guise de bienvenue. Au 13ième étage de l'immeuble, dominant les artères importantes qui mènent au centre-ville, je me pose finalement. Je suis en Ukraine.
S'il est une tradition à laquelle je ne peux déroger, il s'agit bien de celle du ballet. Point de Bolchoï à Kiev, mais l'opéra National qui affiche souvent complet pour des représentations de haut niveau. Pour mon premier soir, je flirte avec l'élite culturelle, et rejoint les élégants dans le théâtre tout aussi pimpant. Magnifique coupole au centre garni d'un énorme lustre. Les balcons attendent les bras du public pour soutenir la passion des danseurs. Les tenues habillées déambulent dans les rangs à la recherche de leur numéro de fauteuil. Ce soir c'est Schéhérazade qui tient la dragée haute à Carmen dans l'enchainement de deux représentations entrecoupée d'un entracte qui me laisse le loisir de découvrir des merveilles en parcourant les étages du théâtre. Je découvre le ballet et la fascination de Tanya pour cet exercice plein de grâce et de sensualité. De magnifiques danseurs maitrisent leurs pointes qui virevoltent sous les ruades de l'orchestre philarmonique. Je suis conquis par la gestuelle et les courbes de la bohémienne. Je suis charmé par la beauté de la légendaire reine persane. Je suis ébloui par la puissance dégagée par le sultan. Je suis dans l'antre de la culture slave. |
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| | |  Impressions et parcours d'histoire: |
| J'aime m'immerger dans l'atmosphère d'une ville, sans chercher à percer ses mystères. Juste me laisser guider. M'imprégner lentement, au rythme ralenti que l'hiver inflige à ceux qui la traversent. Laisser diffuser la mémoire de la pierre figée jusqu'à l'inconscient. Rien de mieux que de me laisser porter pour cela dans les pas de Tanya. Je la suis et l'écoute me narrer l'histoire de sa ville natale. Depuis le parc qui fait face à l'imposant bâtiment rouge de l'institut de philologie, devant laquelle chaque jour le métro la déposait, Tanya m'évoque son passé d'étudiante. Belles et imposantes bâtisses colorées qui éclairent la journée embrumée. Je fais connaissance avec la richesse des édifices religieux. Omniprésence des églises orthodoxes. De petits joyaux architecturaux ont germé sur les pentes de la capitale. Saint Michel, Saint André, Sainte Sophie. Ah ! Sainte Sophie…priez pour nous…pour moi…enfin pour qui vous voudrez…mais ce magnifique édifice me captive. Je n'en ai pas visité l'intérieur, pas encore, mais je tombe en admiration devant les coupoles vertes qui s'élèvent dans le ciel de Kiev. Aurais-je soudain été foudroyé par la grâce de Stendhal qui en sortant de l'église Santa Croce de Florence craignait de tomber en marchant, subjugué par une somme de culture qui l'envahit d'émotion? Je l'ignore, mais j'ai peut être en cet instant été foudroyé par un éclair de génie. Bien sûr nous parcourons la rue Saint André- la Montmartre de Kiev- cette rue ou plutôt cette descente longue et pentue, artistique et bohême. Les artistes s'affichent. Les souvenirs se défient. Magnets, chapka, œuf peints, de quoi remplir les valises lorsque le carillon " Saint je dois rentrer " sonnera l'heure du départ. Hommage aux grands écrivains en l'honneur de Chevtchenko, Boulgakov. Juste pour impressionner. Juste pour susciter, pour ébaucher, balayer d'une longue marche la richesse d'un berceau, affuter le regard sur les marque burinées d'une sculpture. Que dire du métro ? Une descente dans un gouffre. Impressionnant escaliers roulants sans fin qui s'enfonce à plus de 100 mètres sous terre. Chute interdite. Les pictogrammes de mise en garde se multiplient. Malgré la marche, le froid transperce les gants de Tanya qui me fait entrer dans un de ses lieux de prédilection. Un chocolat chaud artisanal et une grosse part de gâteau apportent les calories nécessaires pour retourner braver les petits degrés qui testent ma parka kaki.
Lorsqu'au 11ième siècle Iaroslav le sage fondit la cathédrale Sainte Sophie, il devait être loin de se douter que 1000 ans plus tard des étrangers franchiraient les frontières redéfinies de l'Ukraine pour venir se nourrir de culture et d'histoire sur les traces du fondateur. Sainte Sophie fût longtemps un centre essentiel de la vie tant religieuse que politique, sociale et culturelle de la Russie Kiévienne. Pour ma part je me recueille devant le tombeau du prince, qui a atteint sa renommée à Kiev mais aussi à travers la Russie. Quittant l'iconoclaste échafaudé et laissant derrière moi les mosaïques millénaires, je quitte les pas de Iaroslav dont le destin sera lié à celui de la France après que sa fille Anna ne devienne reine de France en épousant le prince Henri 1er de France. Ce sont mes propres pas que je retrouve alors. Ceux parcourus hier avec Tanya. Dans la descente Saint André je pousse la porte de la maison Boulgakov. Le musée donne vie à des personnages de l'écrivain. Si la scénographie en lumière peut apparaitre subtile, le manque d'explications compréhensibles et la brièveté de la visite ne me permettront pas d'en apprendre davantage sur le célèbre écrivain dont j'ignore tout en pénétrant dans la maison. Je la quitte donc refermant sur elle le mystère épais qui appartient à l'ancienne Russie, d'un médecin écrivain d'origine Ukrainienne. Je fais un bond dans l'histoire contemporaine, et tragique. |
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| | Il y a moins de 30 ans, l'effroi, l'incompréhension puis la terreur ont résonné au-delà des frontière physiques du pays. C'est à moins de 130 kilomètres de Kiev qu'un des réacteurs nucléaires allait répandre ses vomissures radioactives aussi invisibles que mortelles. Tchernobyl ou le premier accident nucléaire qui restera dans toutes les têtes. Une page terrifiante du pays s'écrit, lorsque la technologie au service du citoyen sème la terreur et répand la mort, la maladie, l'infirmité dans une géographie impalpable. Des villages entiers sont peu à peu évacués d'un périmètre de sécurité qui s'agrandit d'heure en heure. Pour la population, les nouvelles des médias ne sont pas alarmistes. Bien entendu, les dégâts sont minimisés. Aujourd'hui à Kiev un musée témoigne de cette tragédie. Documents, photos, vidéos attestent ce qui s'est passé. Des sites sont contaminés pour des siècles par un mal incurable, sinon par le temps qui prend son temps. A travers les témoignages j'ai la sensation que les murs du musée eux-mêmes rayonnent leur radioactivité à haute dose. Je revisualise Victor Iouchtchenko, leader de la révolution orange, empoisonné au polonium, dont le visage se déforme sous l'action du poison radioactif. Cynique ironie. Répétition de l'histoire à l'échelle d'un homme. Que souhaitiez-vous montrer messieurs les politiciens corrompus aux méthodes barbares ? Je quitte la mémoire du réacteur et rejoint le Dniepr. L'avenue trop large me barre la route. Je le suis à distance, et franchis d'autres barricades. Je pénètre une autre page de l'histoire agitée, rugueuse, de l'Ukraine. Une histoire qui s'écrit encore dans le présent. Depuis 3 mois le peuple crie son exaspération sur la place de la libération pour se défaire du joug d'un pouvoir qui les prend à la gorge. Non à la toute puissance oligarque qui précipite l'Ukraine dans l'abime. Pas de violence. Pas de sentiment d'insécurité. Sur la place une foule de pacifistes est rassemblée. Des chants sont entonnés, drapeaux levés. Des étudiants se font prendre en photos, déguisés en lapin ou en tigre pour gagner quelques hryvnias. Un rassemblement populaire, calme. On est loin des affrontements houleux et violents parfois décris. Tout autour sont organisés les camps. Un réseau d'abris de fortune, de tentes, s'est dressé. On coupe et stocke le bois pour se protéger du froid lorsque la nuit viendra et élever des flammes comme rempart contre les offensives armées. On s'active dans les cuisines improvisées pour préparer à manger aux bénévoles, aux volontaires protestataires ou actifs. Des amoncellements de sacs emplis de neige ou de pierres élèvent les barricades qui cerclent l'entrée d'un périmètre contrôlé par des opposants. Autour de la place d'autres barricades comme ultime protection. Aux abords du sas d'occupation, des opposants vont et viennent, matraque à la main. On nettoie des boucliers rangés comme une première ligne de régiment prêt à en découdre. Au centre de la place, une affiche géante de Lioulia Timoshenko, l'opposante charismatique et controversée, actrice de la révolution orange, et emprisonnée pour abus de pouvoir, est le symbole d'une révolution en marche qui ne s'arrêtera pas sans résultat. |
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| | |  La sérénité de la Laure et la ville sous tension: |
| Une journée ensoleillée s'annonce. Chaude. Le terme est bien choisi. Ou mal. Ce sera selon les points de vue. Tandis que je traverse les couloirs souterrains du métro au niveau de la place Maidan, des cris, des champs harangués par la foule se mêlent à des explosions. Je comprends que la situation a évolué. La clameur monte, les détonations se succèdent. Je change de ligne et grimpe un arrêt plus loin les escaliers qui me remontent en surface. Je croise des groupes de milice. Je croise d'autres groupes cagoulés. Des ambulances déboulent sirènes en action. Toujours les détonations qui résonnent. Des agents font la circulation, matraque à la main, et filtrent les véhicules pour emprunter la route qui mènent vers le centre. Oui, vraiment, quelque chose a changé mais j'ignore en quoi. Je feins de l'occulter et poursuis ma marche en remontant l'avenue Sichnevoho Povstannya pour rejoindre la Laure de Pechers'k. Monastère dont les premiers bâtiments furent érigés au 11ième siècle, il constitue un ensemble fortifié unique au monde qui s'étale sur plus de 20 hectares. Centre spirituel de l'Ukraine, la réserve historique et culturelle d'Etat est créé sur son territoire. Plusieurs musées sont visibles dans la forteresse paisible. Malheureusement nombreux sont fermés. Peu de visiteurs. La visite est apaisante, reposante, et les monuments aux coupoles dorées luisent au soleil d'hiver. Seules les explosions du centre viennent briser le silence monacal. Je prends un café à un distributeur. Je le savoure, emmitouflé contre le vent frais, ébloui par le soleil radieux. Je parcours les allées, pousse des portes derrière lesquelles un sourire accueillant m'invite à parcourir une exposition, où un visage glacial me renvoie à mes chères expériences. 12h47. SMS de Tanya : " Thierry be carreful on Pechersk ! Dangerous situation near parlement ". Nouvelle détonation. Une fumée noire s'élève au-dessus de Maidan. Deux ensembles de souterrains labyrinthiques, initialement creusés par des moines, livrent des catacombes où reposent des Saints dans des cercueils de verre. Claustrophobes s'abstenir. Les allées sont étroites, les plafonds bas. Seules les bougies allumées à l'entrés des cavités par les pèlerins éclairent les pas et les reliques centenaires. Je suis toujours aussi admiratif du spectacle proposé par les croyants qui se signent et se prosternent avec une passion déconcertante. Les femmes agenouillées en pleurs adorent leurs saints.
Je quitte la Laure, un village dans une ville, ceint d'une ceinture de pierre. Dans le parc dédié à la seconde guerre, un arsenal militaire est exposé. Je longe des blindés en même temps que retentissent de nouvelles explosions. Une mise en scène guerrière. Une vue majestueuse sur le Dniepr et les immeubles de la rive opposée apparait depuis les terrasses du parc. Un fleuve donne une âme à une ville. Il lui apporte la vie. Toujours plongé dans l'histoire de l'Ukraine, Kiev à chaque tournant me dévoile une page de son passé. Un hélicoptère de combat soviétique me laisse pensif. 16h27. Nouvel SMS. " Don't go to the red ligne metro. It closed. You are near the battle". Comment je suis near the battle? Mais je suis in the battle! Les hélicoptères assourdissants s'apprêtent à décoller. Les canons sont rangés dans l'ordre de bataille. Oui…mais ceux-là ne cracheront plus leur obus. Je poursuis jusqu'à l'imposant monument de la mère patrie et ses 100 mètres de sculptures en métal. Dans son socle circulaire le musée de la seconde guerre mondiale se tapis comme les combattants dans les tranchées. Malheureusement, lui aussi sera fermé.
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| | 16h35 " Metro doesnt' work. Take a taxi and go home ". Le métro ne fonctionne plus. 1,5 millions de passagers au quotidien. A l'heure où Kiev s'apprête à débaucher, cela donne une idée sur la problématique qui en ressort. Le centre-ville est paralysé. Je m'éloigne en marchant en direction opposée de la place. Les sirènes assourdissantes des ambulances s'entrechoquent. Je remonte le boulevard Akademik. Je tente de prendre un bus. Ils sont assaillis, bondés. Les gens se ruent dessus et s'entassent. Les bus dégueulent à n'en plus pouvoir fermer les portes. Je me résigne et tente d'arrêter un véhicule. La nuit est tombée. Le long des routes les files continues de piétons rejoignent leur domicile. Une femme s'arrête prendre deux jeunes filles. Je lui demande de m'emmener. Elle accepte. Je monte. Elle m'apprend ce que je n'avais que pressenti. Ce matin des affrontements ont débutés entre opposants et milice gouvernementale. Des ripostes ont eu lieu et des jets de grenades assourdissantes ainsi que des bombes lacrymogènes ont été échangées. La situation a dégénéré. Les oppositions sont devenues frontales. Qui a dégainé les premiers ? Les réseaux sociaux penchent pour la police. Les impressions des premières heures étaient justifiées. La réalité des affrontements. 6 morts, qui se transforment rapidement en 9. 150 blessés dont plusieurs dizaines gravement. Les chiffres ne feront que s'accroitre. Tout a dégénéré autour du parlement. On a demandé à ce que les femmes et les enfants évacuent la place. Le métro a été fermé au public pour éviter des rassemblements et donner l'accès aux forces spéciales. Je me fais déposer à côté d'une station de métro et termine à pieds. Je rejoins l'appartement. Avec Alexandre nous commentons les événements. Avant de partir, ce matin, sans s'étaler, il m'avait dit de ne pas aller dans le centre, que c'était dangereux pour moi. Bien sur je n'ai pas suivi ses conseils qui me préconisaient de prendre un bus direct pour la Laure, mais je lui occulte la vérité. Inutile de donner des inquiétudes supplémentaires. Il a préparé des pommes de terre en purée, et du poisson. Nous attendons le retour de Tanya, bloquée temporairement à son travail, à cause du trafic engorgé en ville. Lorsqu'elle rentre, les discussions s'articulent autour de l'évolution du conflit. Bien sûr. Le poids de la situation est important. Peu à peu elle se livre, s'ouvre, confie ses craintes et ses peurs. Je comprends le ras le bol de la population, tout au moins celle qui manifeste, activement ou non, contre le pouvoir. Tandis que le peuple renfloue les caisses de l'état qui alimente les comptes princiers de ses favoris, l'ukrainien de base se bat contre un pouvoir d'achat misérable. Le revenu moyen tourne aux alentours de 200 euros par mois. La retraite plafonne à 150 pour Alexandre issu d'un rang social relativement élevé. Ce qui me surprend le plus est le prix élevé des produits de consommation. Tanya me dit qu'elle ne sait pas comment les gens font pour vivre. En sortant des rayons de supermarché je peine à comprendre les étiquettes aux prix affichés parfois terriblement haut. Je lui confie que pour moi également ces prix sont élevés. C'est une des raisons de la révolte populaire qui manifeste sa désapprobation. Personne ne sait où cela ira mais c'est évident le peuple ne fera pas marche arrière. Leur combat n'acceptera pas le compromis.
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| | |  | La nuit a été très violente. Les accès principaux de la place sont protégés par les barricades et les opposants en première ligne qui font front à la tentative de prise de force de la police gouvernementale. Des affrontements frontaux, sanglants ont eu lieu. Alina avec qui je suis en contact rentre de la nuit passée à Maiden et me décrit, comme d'autres le feront, un champ de bataille. Du sang sur les pavés, des maisons brûlées. Tanya n'ira pas travailler, comme beaucoup, pour des raisons de sécurité et des raisons de transport, le métro étant toujours hors de fonctionnement. Du coup je reste sage et me plis à ses inquiétudes. En fin de matinée nous allons nous promener dans le grand parc Feofaniya. Ballade agréable dans les bois dépouillés de l'hiver. La glace s'est emparée des petits bassins d'eau bien que les températures soient en journée largement positives. Nous grimpons jusqu'au monastère où j'observe les croyants se livrer aux rituels devant les icones favorites. Au retour nous nous octroyons un déjeuner composé de borsh et de varinneky, ravioles locales qui nous rend les forces laissées dans les sentiers boueux. Tanya est journaliste et travaille en ce moment à l'élaboration d'un site de cuisine et de gastronomie à travers les pays du monde. Elle se montre discrète, réservée même si avec le temps la méfiance s'atténue. A l'époque du régime soviétique le choix de sa nationalité était donné. Elle a choisi d'être Russe. Elle ne souhaite pas que l'Ukraine rentre dans l'Europe. Pour autant elle est attristée par la corruption qui ronge son pays, et si elle ne participe pas aux rassemblements de la place Maidan, son souhait est de voir tomber le pouvoir en place. L'état taxe le citoyen, mais l'argent va au pouvoir et aux oligarques. " Si tu payes tu as tout mais si tu n'as pas d'argent, tu n'as rien ". Elle résume en ces mots une situation qui apparait aux yeux de tous comme insupportable. Elle aime le vin, elle aime la nourriture. " We have got good wine, good food, so live is beautiful ". A plusieurs reprises elle me donne cet adage comme conception d'une vie loin d'être parfaite, loin d'être facile, mais dont il faut tirer le meilleur parti. Une façon de se détourner de la réalité pour accepter le quotidien dans un fatalisme narquois. Elle rêve de France et de Provence. Bientôt elle ira suivre un stage intensif de français à Paris.
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| | |  | | Alexandre me conte la même version que j'entends de tous ceux que je croise. Il me dit que le pouvoir est dirigé par des bandits. Il n'est pas ici question de haine envers la Russie. Ce qu'ils demandent c'est de mettre dehors un système politique vérolé qui appauvrit le peuple en même temps qu'il permet à des oligarques milliardaires de s'enrichir davantage encore. Le pays est contrôlé par la corruption. Et le combat est là. Pas ailleurs. Le rêve de l'Europe se résume à une idée de la démocratie. Chacun pourra le discuter mais le désir de se libérer du joug qui les assomme ne m'apparait que légitime. Son avis n'est peut-être pas unanime mais il croit que Timoushenko peut changer les choses. Pour lui la conviction et la fermeté qui l'animent font d'elle une femme avec la capacité de modifier la politique du pays. Peut-on croire que les choses soient si simples ? Tout ceux que j'ai croisé, rangé derrière ce vent de liberté sont des gens réfléchis et éduqués. Alexandre en est l'illustration. C'est un ancien chercheur en biologie, passionné de nature. Il ne sort que très peu car ses jambes fatiguent trop vite. Parfois l'ascenseur est en panne. Alors il reste bloqué dans l'appartement, attendant que les réparations trop longues se fassent. La nature, il continue à l'aimer et l'explorer à travers sa collection de timbres du monde entier. Je parcours ses albums classés par pays en ordre alphabétique, aux motifs d'animaux, d'oiseaux, de cascades ou autre lieu qui le fascinent. Des combats de politiciens, de partis corrompus, de lutte de pouvoir, de financement extérieur, on pourra en dire tout ce que l'on voudra, débattre des journées entières sur le bien fondu, la réalité de la révolution. Tous ne sont pas d'accord avec ce qu'il se passe sur la place. Mais la réalité que je touche est celle d'ukrainiens et d'ukrainiennes qui demandent un droit à vivre dans une société décente et respectable. Au-delà de la politique, c'est un cri du cœur, un désir de fractionner une chape pesante qui plombe leur vie. Alexandre me prépare des œufs, du porridge, pour un petit déjeuner que nous partageons, séparés par nos générations. Il me parle encore du Kiev verdoyant, coloré, fleuri lorsque le printemps redonne vie à la nature. Dans le porridge, il m'incite à ajouter de la confiture qu'il a lui même faite. Et puis nous buvons du thé, boisson privilégié dont il s'abreuve à longueur de journée. Je ne me résous pas à quitter Kiev comme un touriste insoucieux. Je m'interroge sur les faits. Que se passe-t-il en sur Maidan à présent ? Je ne partirai pas de la ville sans y retourner. Alors je lance des appels pour rencontrer des opposants qui occupent depuis des mois la place forte bien protégée de la révolution.
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| | | | |  | | Tanya va finalement travailler en milieu de matinée. Elle prend un taxi. Je quitte l'appartement vers midi. " The best for you " me souffle Alexandre avant de refermer la porte. Je monte dans un bus. Les gens payent leur ticket virtuel en faisant passer aux voyageurs les billets qui remontent jusqu'au chauffeur. Une femme me tend 3hryvnias. " Adin ? " lui fais-je, satisfait de me mêler aux locaux, totalement inaperçu. Elle lève les épaules et fronce les sourcils, l'air désolée. Je réalise la stupidité de ma question. Problème de CE2 : " J'ai 3hryvnias. Combien puis-je acheter de billets de bus sachant que le billet de bus vaut 2,5hryvnias ? " Je suis autant désolé qu'elle. Parfois être plongé dans une atmosphère inconnue crée une naïveté absurde ! Je descends trop tôt. Du coup je remonte une longue avenue et demande ma route à un passant. Il me demande ce que je fais là. Je lui explique brièvement. Il me répond : " You're crazy. Excuse me but you're crazy ". Il m'apprend que des snipers sont postés autour de Maidan et auraient déjà fait de nombreuses victimes. Pas de quoi me faire paniquer. Il y a 2 jours, lorsque le métro a cessé de fonctionner, il a marché 2,5 heures pour rentrer chez lui. Ce matin son patron l'a renvoyé, par peur de ce qui pourrait arriver ce soir. Beaucoup de gens font de même. Beaucoup aussi ne sont pas allé travailler. Du coup de nombreuses boutiques sont fermées, ce qui donne à la ville une ambiance étrange. A marche rapide je suis l'homme en bavardant. Je bifurque à gauche. Il file tout droit. Je rejoins la gare. J'ai rendez-vous avec Igor. Mieux vaut anticiper pour se procurer un billet de train car ce qui pourrait être une formalité n'en est en réalité pas une. Les files d'attente devant les guichets de la gare sont toujours d'étonnantes scènes. Surtout que certains ne s'en font pas pour se faufiler, jouer du coude, ou doubler. C'est de patience qu'il faut donc s'armer. Stressante tout au plus, mais inoffensive. Nous nous dirigeons à présent vers Maidan. Les bâtiments publics et les magasins, sinon détruits, sont tout au moins occupés par les révolutionnaires. La mairie est un centre de l'organisation de la vie de la place. On centralise de la nourriture, des médicaments, qu'apportent les participants. Restauration. Infirmerie. Camp de nuit, et de jour, où les manifestants viennent dormir ou se reposer. Dehors, les barricades de reconstruisent après les assauts de la nuit, ou se renforcent. Des barrières antitanks sont installées. J'observe une scène incroyable d'arrivées ininterrompues de manifestants apportant des pneus, dégotés au fond d'un garage ou de je ne sais où. Ils forment des tas auxquels ils mettront feu pour constituer des barrières aux offensives policières. Les pavés sont arrachés du sol et assemblés en piles parfaites de munitions. Une organisation de fourmis s'active dans discontinuité. Des chaines humaines remontent d'autres pavés pour former d'autres murailles. Là, ce sont des bouteilles de bière qu'on apporte pour préparer les cocktails Molotov. Je constate le spectacle affligent. Des bâtiments incendiés. Des zones d'affrontements intenses au sol recouvert de cendres et de caoutchouc brûlé. Ca sent le plastique et la fumée. C'est de l'hôtel Ukraina que les snippers ont ce matin fait les victimes. C'est au moment où nous sommes dans la zone de tir que le speaker annonce que le snipper est de nouveau en position, posté à une des fenêtres.
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| Un observateur tente de cerner la position du tueur. Nous sortons de la zone mortelle. Un instant plus tard une ambulance fait retentir sa sirène et vient s'arrêter devant une nouvelle victime. Pas de panique. Aucun affolement. Tout le monde reste calme et c'est ce qui m'apparait comme le plus frappant. Les activités se poursuivent. Comme si la mort était un état de fait. " Lorsqu'il y en a 1 qui tombe, il y a un 5 qui prennent sa place ". La liberté n'a pas de prix, quitte à ce que la dote à rembourser prenne la vie. C'est ainsi que s'affirme la conviction de ceux qu'y sont appelés les héros. On croise des hommes casqués, armés de matraques. Des jeunes en treillis militaire, protèges tibias comme vaine protection, gilet rembourrés comme protège balles. A ce qu'on me dit, hier soir la police a saccagé le musée de Kiev. J'en fais la visite. Tout est cassé et désormais occupé. Je monte au second étage. En dégainant mon appareil photos, un gars de la sécurité intervient d'un ton agressif. On me demande d'éteindre la caméra et de partir. Je visualise mentalement les scènes de films où l'appareil est arraché et détruit sur le champ. Je montre ma coopération, et devant son insistance, disparais. Des documents administratifs du musée sont éparpillés sur le sol. Je croise des regards qui se taisent de mots. J'échange quelques phrases avec une femme au visage fatigué qui s'installe un instant à une petite table métallique pour boire un thé fumant. Depuis trois mois elle est ici et travaille à aider la résistance. Elle vient de Kharkiv, à l'est du pays, à la frontière russe, et dors chez sa fille qui vit Kiev. Qui a dit que les gens de l'est étaient anti-Maidan ? Un jeune me parle des combats qui sont menés. La propagande s'étale sur les groupes d'extrême droite qui propageraient la violence dans la place. Mais lui affirme que depuis qu'il est ici il n'en a vu qu'un, que tout cela n'est que mensonge. Je ne ressens pas non plus une quelconque atmosphère malsaine. Igor tient à m'immortaliser devant les barricades, faire de moi un combattant. Il plaisante pourtant cela n'a rien d'un jeu. Je suis surpris de ce ton qu'ont les ukrainiens que je croise. Ils sont déterminés, engagés, et font preuve de beaucoup de dérision et d'un second degré déroutant. Chaque fois ils adoptent ce discours déconcertant de plaisanter avec ce qu'il se passe. Même dans la mort. |
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| | Une sorte d'exorcisme pour affronter une situation qui bien sur ne les satisfait pas. Tanya m'envoie un SMS pour savoir si ça va et si je suis dans le train. Je lui réponds que pas encore mais que j'ai mon billet…histoire de la rassurer. Jour de deuil national décrété par Ianoukovitch. Pas de musique sur le podium cette nuit. Je fends la foule qui fait masse devant le podium. Un corps est allongé sur le sol. On fait de la place pour permettre aux soins d'approcher. Un sniper ? Non. Un arrêt cardiaque. Je passe mon chemin. Plus loin les bâtiments de la police. Dans la rue, un journaliste s'est fait tuer par un groupe de rebelles venus d'autres villes. Payés par le gouvernement dit-on. Il semble que cela soit avéré et vérifié. Rassurant ! Nous poursuivons. Un car entier d'hommes casqués est stationné sur une petite place. Police ou rebelles ? Je ne prends pas la peine de leur poser la question. Nous passons. " Vive l'Ukraine " scandent les speakers qui se succèdent sur le podium. " Gloire à ses héros " riposte la foule massive et calme. En bas sur le fleuve, l'éclairage des haubans du pont Rybal's'ky Bridge scintillent de couleurs changeantes. |
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| | |  |  | Il est temps que je quitte le centre et les quartiers effervescents. Nous marchons vers la gare. Je récupère mon sac laissé en consignes à bagages. 21h56. Mon train de nuit à destination d'Odessa démarre avec une ponctualité à faire rougir la SNCF. Je partage un compartiment avec trois ukrainiennes auxquelles je laisse le temps de se changer avant de me joindre à elles. Elles me disent que ce n'est pas le meilleur moment pour visiter l'Ukraine. " Mesdemoiselles je ne vois vraiment pas de quoi vous voulez parler ! " Ce qui se passe sur Maidan les effraie. Moi, ça m'interpelle. Après un thé bien chaud et bien parfumé, je grimpe sur ma couchette supérieure, installe mon couchage et prend en main " Les âmes mortes " de Gogol, l'enfant du pays, écrivain, dont le héros Tchitchikov aurait eu en ces jours tragiques une bien belle aubaine dans sa recherches de corps défunts à faire revivre. Mes voisines ont entamé la nuit et je fais défiler les pages à l'allure du train qui fuit incognito la ville meurtrie sous les balles, sous la protection d'une icone angélique à la chevelure blonde. La nuit est hachée par les secousses qui me rappellent un certain transsibérien, la chaleur du compartiment dont le chauffage s'est affolé balayant l'idée même de penser que l'hiver rode toujours. 6h15. Le chef de wagon réveille le petit monde. Il faut dire que pour le coup j'étais retourné rejoindre mon icone dans mes rêves. 6h59. Ponctualité déconcertante. Je suis surpris par la douceur du matin. Je déambule, franchis la porte de deux églises. Dans la seconde se tient une cérémonie. Mon téléphone s'est affolé pendant la nuit à la recherche des antennes qui défilent. Il s'éteint au moment où j'ai besoin de lui. Pas de chance ! En face, le London hôtel, 3 étoiles, et un accueil anglophone assuré ! Of course…it is London hôtel quoi ! Tu voudrais qu'ils parlent quoi ? Népalais ? Du coup en très mauvais client je demande l'utilisation gracieuse de leur réseau, le temps d'envoyer un SMS à Valéria et lui dire que je suis devant l'immeuble. 10 minutes plus tard, sortie du lit, la voici qui apparait au portail. Au terme d'une longue promenade, Valeria me comptera l'histoire de sa ville. De cette visite émergent de splendides monuments et se dégage une atmosphère paisible. Odessa m'a déjà conquis.
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| | C'est seul que je m'imprégnerai plus tard de ce que la belle portuaire aura à m'offrir, depuis si longtemps qu'elle plane au dessus de mes fantasmes slaves. J'arpente les allées qui ne sont plus tout à fait inconnues, pas encore totalement connues. Je franchis la porte d'un restaurant. On me sert un sandwich au poulet chaud accompagné d'une sauce tomate et de frites, une bière blonde. J'en apprécie les saveurs point trop enrobées. Rien d'extraordinaire. Je continue de ralentir le temps et m'installe à une table d'une brasserie. Ambiance cow boy pour des serveurs en chemises à petits carreaux et chapeau tendance far ouest, musique lounge, rock. Je commande un café. Dans le clip qui tourne sur un des écrans, un couple d'amants roule sur un parterre de feuilles. Mon esprit déroule ses pensées sur un parterre suave. Les arômes du café tournoient en bouche et m'irriguent d'aromes. Des images empruntées aux souvenirs de Kiev défilent en filigrane. Des interrogations s'adressent à des visages inconnus. Le tout se conjugue dans une ivresse non alcoolisée. Je m'interroge. Y avait-il une part d'inconscience à être sur la place ? Je ne le pense pas. En revanche il existait un risque. Faible, certes, mais bien réel. J'entends les mots d'Igor, de cette femme inconnue. J'entends les clameurs de la foule. " Vive l'Ukraine. Vive ses héros ". Un drapeau jaune et bleu se déploie devant moi. Dans mon film intérieur. Personne n'en verra les images. Cette réalité n'est que la mienne. Elle est suffisante. Pas toujours. Non pas toujours. La musique m'envoute. Il fait chaud dans le café comme la nuit précédente dans le train. Il fait chaud comme devant les flammes qui jaillissent devant les barricades. La lumière qui pénètre à travers les carreaux de la grande fenêtre vitrée s'affaiblit tandis que la nuit dévore une belle journée ensoleillée. Le froid vient mordre, comme il a mordu les corps allongés. Je pose mes doutes sur les pages de mon carnet. Jamais je n'ai compris de si près le sens de ces mots, prononcé trop naïvement : " La vie n'a pas de prix ". Dehors un groupe de manifestants défilent pacifiquement. Qui sont-ils ? Odessa te voilà. Tes histoires de marins ont posé leurs empreintes dans le port. |
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| |  | | Quant à moi, j'ai posé mon sac dans un appartement d'artistes. Odessa est un berceau culturel, un savant mélange d'inspiration à la rêverie et de création littéraire. Je ne pouvais mieux tomber pour retranscrire cette richesse du passé que de rencontrer Valéria. Elle peint, dessine, crée des bijoux en cuivre tressé. Boris, son colocataire, fabrique des ceintures en cuir dans son petit atelier installé dans sa chambre en mezzanine. La pièce de vie est tapissée de photographies imprimée en gros format, noir et blanc, de nue. Ils ont inauguré cette exposition il y a deux semaines, en présence d'un groupe de jazz. L'appartement est un lieu d'expositions régulières, un lieu de passage fréquent, une sorte de studio où l'on va et vient et où se produisent des artistes locaux. Ce soir un poète vient lire ses textes. Pendant plus d'une heure nous tapissons les murs de ses écrits. L'artiste est un personnage atypique. Incarcéré à plusieurs reprises pour des délits mineurs comme le vol, il se qualifie lui même de dragon. Un humain dans son for intérieur mais dont la part obscure peut ressortir à la moindre tentation. Je range mon argent et mon téléphone ! Sa production est incessante. Il écrit encore et encore. La pile de feuillets en témoigne. Il dessine également avec le talent de ceux qui ne laissent pas deviner ce que deviendra le trait de crayon. Pour illustrer un instrument ukrainien à corde dont j'ignore le nom, il brosse une interprétation caricaturale de mon portrait jouant sur le dit instrument. Ce soir un groupe d'amis se réunit dans l'appartement, accompagné d'invités inconnus. Nous sommes une quarantaine, au moins, lorsque débute la prestation. Si je n'en comprends pas le contenu j'en capte l'émotion puisé dans son passé de tolard. Un musicien tzigane au long pardessus noir l'accompagnera à la guitare. Pour les plus courageux, la soirée se prolonge tard dans la nuit. J'attends patiemment le départ des dernières convives sous les fesses desquelles se trouve le canapé lit qui m'attend pour une conversion non religieuse.
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| | |  Du musée Pouchkine à l'opéra national |
| | L'appartement est endormi et je sors sans un bruit à la recherche du musée d'art où je parcours 2 siècles de peintures russes et ukrainiennes. Je rejoindrai les hauteurs d'Odessa jusqu'à la statue de Richelieu qui contemple l'immortel escalier Potemkine de Serguei Eisenstein. Entrée officielle de la ville pour celui venant de la mer, il en est un des symboles forts. L'escalier a la remarquable particularité de présenter une double perspective selon que l'on se place en haut ou en bas des marches. On n'en voit d'en haut que les paliers qui illusionnent une longue allée lisse et pentue. On n'en visualise d'en bas que les marches. Je poursuis ma visite des personnalités en saluant Pouchkine qui tourne le dos à l'ancienne résidence hivernale du conte Vorontsov. Mal aimé par ce dernier, le poète russe, en exil après la censure de ses textes dans son pays, a rédigé à Odessa plusieurs de ses poèmes, faisant la fierté des Odessites. Plus loin le parc Chevtchenko rend hommage à un autre illustre personnage. Odessa présente une situation privilégiée sur les bords de la mer noire. Un grand port exhibe des dizaines de grues de chantiers, des centaines de conteneurs. A en écouter ses citoyens la ville arbore une entité particulière. Ce n'est pas vraiment l'Ukraine. Son passé est lié à celui de la Russie. Son présent l'est d'ailleurs toujours. Ici on ne parle que le russe. J'en suis très surpris. 1 million d'habitants et pourtant règne une atmosphère paisible de faubourg. On ressent cette lenteur de vie en remontant la rue pavée de Deribasovskaya lorsqu'en fin de journée les éclairages commencent à s'allumer et que les odessites se promènent à pas lent aux abords du jardin de ville. Je sors d'un café et je regarde tout ce monde qui vit loin des turbulences et pour qui je suis invisible. Je rentre à l'appartement vide. La guitare mongole est posée sur un des canapés, la pipe à tabac étendue sur le bar. Du gâteau géorgien et des tasses encombrent le comptoir. Valeria et Boris ne tardent pas à rentrer les bras chargés de sacs de courses. Une nouvelle soirée se prépare. C'est le second jour de deuil décrété pour les victimes de la révolution. Boris m'apprend la nouvelle. Le président Ianoukovitch a été destitué, l'opposante Timoushenko libérée. Je lui fais répéter car j'ai du mal à le croire. Je suis estomaqué. Je ne sais pas comment réagir. Un vaste sentiment de joie, de soulagement, m'envahit mais je reste stoïque. Je suis dans une région russophone et je fais preuve de pudeur, de retenue, ne sachant quelle réaction adopter. Je me précipite sur mon ordinateur et je joins immédiatement Nataliya depuis Skype. Elle me reconfirme les événements récents. C'est donc bien vrai ! Dans quelques heures Timoushenko sera sur Maidan. J'envoie un SMS à Alina : " You won "… "Of course we won !" me répond-elle. J'assiste à une page de l'histoire ukrainienne. Au musée Pouchkine je prends le temps de passer en revue des pages griffonnées par l'écrivain, des portraits esquissés au crayon. Lecteur insatiable et grand connaisseur de la culture et de la langue française, il était à ce titre surnommé le " Français ". Pouchkine occupa cet appartement, seul témoin de pierre de son passage, anciennement hôtel, abimé et restauré à l'identique. S'il demeure peu d'affaires personnelles, les trois pièces aux murs blancs ornementés de tableaux, et mobiliers d'époque suffisent à remonter le temps. Des livres de Byron, Shakespeare, Rousseau tiennent leur place en vitrine. Le plus grand poète russe aura marqué d'une empreinte forte la rayonnante et culturelle Odessa.
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| Par le boulevard des Français je rejoins les plages de la mer noire. Beaucoup de monde profitent de la douceur pour venir prendre les embruns. Les boutiques fermées que j'imagine prises d'assaut l'été durant ont un aspect désuet et vétuste. Des bateaux ondulent au loin. De l'autre côté, Sotchi embrasse les foules rassemblées et s'apprête à en découdre avec les jeux olympiques. Les couples se bécotent sur les bancs de sable public. Les femmes en manteau de fourrures se photographient devant l'horizon maritime et jettent aux mouettes des miettes de pain.
Ce soir j'ai rendez-vous avec Verdi. Décidemment Odessa ne badine pas et son cosmopolitisme pénètre jusque les portes de l'Opéra National, pour venir magnifier la richesse des dorures qui décorent l'intérieur sublime. Derrière la Scala de Milano, l'opéra d'Odessa fait la course des concurrents de prestige et de renommé. Plus de 130 musiciens et choristes emplissent la scène au dôme suspendu d'un lustre gigantesque. Les voix des ténors et des altos virevoltent dans une acoustique raffinée.
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| | | |  | Je quitte Valéria et Boris. Un ticket en poche je grimpe dans un mini bus qui sent l'humidité, où le chauffage ne fonctionne que trop mal. A moins que ce ne soient des remontées marécageuses qui s'invitent en provenance du Danube. Quelques flocons vite éteints rappellent que l'hiver rode toujours. La nuit est tombée lorsque je descends au terminal de Vilkova. La priorité est de trouver un hôtel, ce que je fais sans difficulté, renseigné par les quelques passants nocturnes. Je m'installe dans une chambre au confort minimal. Il y a 4 mois j'avais rejoint le bras inférieur du delta du Danube et passé plusieurs jours dans le village de Sfanta Georghue. Ce soir j'ai atteint la frontière Roumano Ukrainienne et le dernier village du bras supérieur. Si la région est un formidable rendez-vous pour les passionnés de nature et d'ornithologie à la belle saison il va sans dire qu'en hiver le décor affiché est quelque peu différent. Après une nuit confortable, j'enfile ma tenue d'explorateur emmitouflé pour partir à la recherche vaine d'un petit déjeuner consolidant. Une statue à l'effigie de l'ancien gouvernement a été démolie pendant la nuit. Des curieux s'immobilisent devant l'œuvre arrachée de force de son socle impuissant. La journée est oisive, errant entre promenade austère dans le village assoupi, rédaction de quelques lignes qui aspirent avec peu de conviction mon inspiration déroutée, et passage au bar de l'hôtel pour un objectif affirmé de réhydrater des idées asséchées. Des canaux et des passerelles en bois drainent le centre, au milieu des rues de terre et de boue. Un pélican s'envole sur la cime des arbres. A moins qu'il ne soit que pur produit de mon imaginaire. Des chiens me suivent et déclenchent leurs aboiements en une réaction en chaine qui tracent mon parcours sans relevé GPS. Le km 0, seul point géographique mobile d'Europe se trouve à quelques kilomètres mais il n'est atteignable que par voie fluviale. C'est à cet endroit que la bras supérieur ukrainien du Danube se jette dans la mer noire. Je me contenterai de l'imaginer. Le lendemain matin le décor a changé. La neige timide de la veille a pris place et recouvert les toitures de quelques centimètres de poudre bl anche. Le lieu prend une autre allure. L'atmosphère hivernale que j'attendais depuis mon arrivée s'installe. Les villageois défilent sacs à la main, pour faire les provisions dans les magasins concentrés sur la route principale, à l'entrée du village. Les chapkas vissées sur la tête s'harmonisent au manteau blanc. Le marché quotidien s'anime. Je me remplis les poches de biscuits secs. Le moment est déjà venu de laisser Vilkova. Le bus fonce à toute allure sur les routes défoncées et enneigées, faisant voler au niveau des fenêtres des gerbes de mélasses de neige fondue. La conduite est sportive, et les nids de poules provoquent des secousses virulentes. Inutiles de réfléchir. Il suffit de se laisser porter. Le chauffeur connait sa route par cœur. C'est ce qui la rend dangereuse. Le décor blanchi s'étend uniformément dans un relief plat. L'itinéraire sans panneau se perd dans un paysage plat. J'aime ces grands espaces vierges. Arrêt au stand pour faire le plein. Arrêt aux toilettes pour faire le vide. Déjà les panneaux " I love Odessa " balisent le tracé.
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| | | |  | | Je suis de retour dans la ville cosmopolite. Je me dirige vers la gare de train pour une opération " j'achète un billet pour cette nuit ". Je prépare mon spitch. Toujours la même file qui s'étend devant les guichets. Je poirote une heure. La femme devant moi n'en finit plus avec ses billets à profusion. Enfin mon tour. Ravi, je demande une place en seconde classe pour Kiev.
- Quel jour ? me demande la jeune guichetière qui soudain devient beaucoup moins charmante.
- euh…ce soir !
- ……
- pajalousta ?
- …….
La blonde amicale et souriante que j'observais depuis la file d'attente se montre légèrement arrogante. Ce que je comprends de son charabia est que le billet que j'attends patiemment depuis un long moment ne s'achète pas à ce guichet mais au rez-de-chaussée. Merci pour le renseignement ! Je descends. En 5 minutes une autre guichetière fort peu enthousiaste me délivre mon laisser passer pour la nuit! Revenir dans une ville connue c'est la garantie du confort rassurant de connaitre un univers autrefois pur imaginaire. Je traine mon sac, encapuchonné et molletonné, ébloui par les bâtiments superbes qui déjà éclatent dans le jour pointant. Je reviens dans la rue Deribasovskaya et je me délecte de poissons crus, fumés et salés, et de pommes de terre bouillies. Un vrai régal que je ne cesse de faire tourner en bouche, ravivant les repas d'Elena sur les rives du Baïkal. De la Russie à l'Ukraine, il n'y a qu'un pas. Un pas de géant chaussé de bottes géantes pour enjamber la mer noire qui les sépare. Aznavour et Sardou m'accompagnent. Je me rends à l'appartement de Valeria et Boris saluer mes hôtes des jours passés. Valeria travaille sur un tableau commencé depuis déjà longtemps tandis que Boris termine une ceinture. D'autres passeront, réfléchir ensemble sur d'autres travaux artistiques, puis repartirons. Je me prélasse ainsi avant de ressortir pour quitter définitivement la perle de la mer noire.
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| | | |  |  | Reconnaissons aux russes la faculté d'établir le lien. Le train est un lieu de vie et de rencontre qui en fait une expérience singulière. La situation politique est de toutes les conversations. Mon voisin embaume le compartiment d'odeurs de poissons séchés. Pas de chance, la lampe au dessus de mon couchage ne fonctionne pas. Je me contenterai de mes lumières intérieures ! Les nuits en train sont toujours agitées. C'est ce qui les fait durer et les rend mémorables. En sortant de la gare je cherche le point de repère qui m'avait servi de rendez-vous avec Igor ; la cité de la mondialisation au nom de Mac Donald. Le mystère surgit : je me retrouve face à Burger King ! Y aurait-il eu aussi la révolution des fast food durant mon absence ? Une explication plus raisonnable m'apprend que je suis de l'autre côté de l'imposante gare. Passons les détails ! C'est au musée de la mère patriotique que je me dirige. La visite rend compte de la seconde guerre mondiale dans un décor et une mise en scène magnifiquement organisés. 15 salles, aérées comme des musées londoniens présentent une grande richesse d'objets racontant l'héroïsme des soldats soviétiques. La guerre a beau être salle et horrible, elle peut être magnifiquement présentée. Des objets insolites captivent mon attention : des gants en peau humaine, du savon en graisse humaine ou une égreneuse servant à fabriquer de l'engrais à partir des os humains. Je suis interpellé et ma mémoire ravivée par le point de non-retour franchi par les nazis. Une dernière salle particulièrement émouvante montre plus de 5000 photographie de disparus, suspendues et affichées dans une abondance troublante. Dans l'allée centrale sont exposés des objets privés. La musique qui accompagne la visite se substitue aux commentaires. Le petit musée de l'art folklorique ukrainien présente quelques belles pièces 18 au 20ième siècle, qui ont l'aptitude de toucher ma sensibilité. L'art slave atteint sa cible européenne. Le musée de l'arsenal est quant à lui en préparation d'exposition temporaire sur Chevchenko, le musée Chehvchenko est en travaux, et celui dédié à l'art russe est fermé. Voici le lot de portes closes que je ne forcerai pas. |
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| | |  | | La nuit tombante je descends l'avenue Valadimirskaya. Quelques jours après la chute du pouvoir la vie semble reprendre son cours normal. La rue est toujours encombrée de barricades et de tentes, mais les contrôles sont assouplis, et les gens traversent leur corridor de passage sans faire cas d'un contexte décalé du rythme quotidien. A l'organisation minutieuse d'un camp retranché qui se prépare aux affrontements a succédé un lieu meurtri de recueillement. Maidan a cessé de répandre la poudre et aux odeurs persistantes de caoutchouc brûlé se mêlent d'autres fumées de bougies qui par centaines, par milliers, illuminent une à une la place pour que cesse la noirceur du ciel de et du sol cendré. Les visages des héros de la révolution s'affichent au milieu des décombres. Des allées de fleurs jonchent le sol et déguisent les barricades. Les hommes et les femmes défilent en continu. Je ne cesse de repenser à l'odeur de la mort, le goût amer du combat, l'excitation qui tient la foule. L'adrénaline est retombée. Un jeune homme agenouillé, une main contre son visage, s'abandonne à de longs sanglots ininterrompus. Je ne peux contenir l'émotion. Des larmes glissent sur mes joues. Je parcours encore les allées qui scintillent dans le souvenir des combats mortels. Je m'invite au restaurant. La pizza est presque un plat traditionnel m'a-t-on dit. Et bien allons y pour une pizza ! Seul je sirote ma bière, et me gargarise de thé avant d'aller voir l'église Saint André, qui perchée sur sa colline, s'exhibe fièrement avec une élégance feutrée qui perce l'obscurité. La nuit m'enveloppe. Je marche encore. Soudain un petit groupe de quelques hommes apparait sur le trottoir d'en face. Gilet pare balles, bonnet noir, arme à feu. Les hommes rejoignent le funiculaire. Je rejoindrai mon lit.
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| | | |  Dernieres visites…dernières sensations |
| Mon dernier rendez-vous culturel se fera au Musée Bohdan et Varana Tharenko, un musée d'art oriental et occidental dont l'intérieur du bâtiment est déjà une belle découverte. Je me dirige vers la section occidentale. Aurais-je choisi mon camp ? J'y trouve de belles pièces italiennes. Parmi elles un Della Robia dont j'ai admiré de nombreuses œuvres dans son berceau florentin. Pour ne pas faire de jalousie et ajouter aux tensions de l'actualité mon indécision sur un choix artistique, je descends la rue Tereschenkaya et accède au musée d'art russe. Je défile devant les tableaux dont seules quelques peintures de nature automnale de Chichkine capteront réellement mon regard. Je foule les pavés-tous n'ont été arrachés au bitume-et marche là où me porte l'inspiration. Je découvre le jardin botanique et son parc juxtaposé à flanc de colline, un petit lieu pittoresque qui scintillera de couleurs dès que le printemps viendra exposer sa palette florale. Je flâne toujours en quête de nouvelles découvertes, tandis que les véhicules déboulent sur les boulevards. Je reviens sur les lieux de Saint André, féérique à la nuit tombée, puis Saint Michael devant lequel se dresse un samovar géant et des passants qui s'approchent prendre un thé bouillant. Ces lieux religieux sont devenus les lieux de recueillement des événements politiques. Il en est ainsi partout dans la ville. Sur la place de l'Indépendance, les parterres de fleurs grossissent. Des objets souvenirs à l'effigie de la révolution ont été créés. On y trouve des magnets de la place en flamme, des drapeaux aux couleurs jaune et bleu du pays mêlés au drapeau de l'Europe, des portes bougies colorées, des bonnets au trident symbolique. Les stands fleurissent comme les bouquets. Je ramasse un éclat de pavé. Une femme installe son stand et esquisse un sourire de compassion. Je rentre à mon hôtel et dissipe l'énergie du dernier soir en me vengeant sur un fleurilège de cochonnerie que je dévore sans concession.
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| |  | Sur la passerelle qui enjambe le Dniepr, le fleuve s'écoule dans la quiétude qui a caractérisé les kiéviens que j'ai rencontrés. De l'autre côté les plages de sable font face au convoi de voiture qui filent sur l'avenue…L'été on y vient se baigner. Sur la passerelle une jeune femme tient un bouquet de ballons de baudruches par une ficelle. Elle se fait photographier et filmer pour le clip vidéo d'une chanson…Antytila. Est-ce parce que je m'apprête à quitter Kiev et l'Ukraine que d'un coup je croise toutes les plus filles de la capitale ? Durant mon séjour j'ai croisé des femmes élégantes, mais je n'ai pas été absorbé par leur beauté. Au jour de mon départ ma sensibilité doit être plus affinée. Je veux encore y voir un appel, une invitation à un nouveau voyage. Et puis je n'ai pas eu le temps de rencontrer Alina, avec qui on s'était promis de cuisiner local. Je n'ai pas pu non plus rencontrer Nataliya, guide et amoureuse de sa ville, pour qui j'aurais encore beaucoup de questions. J'en termine avec cette belle rencontre que fût l'Ukraine, tourmentée, engagée, historique, culturelle. Formation ou déformation scientifique, je boucle mon voyage par une symétrie non recherché du début : dans le stresse de manquer mon avion, puis dans l'appartement de Valérie…à Blagnac !!!!
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Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux | Marcel Proust |
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