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Sommaire

  
Introduction
Première partie: Windhoek, une capitale presque Européenne
        Voyage épique
        Une journéee avec Justin
        Grand nettoyage
        Mais ou est passée Tashia?
        Brève soirée
        Un peu de culture
        Hélène et le garçon
        Pied à terre pour Luisa
        Mais où est le problème?
Deuxième partie: Etosha, le mondes des animaux...
        Le départ attendu
        Une faune abondante
        Le roi de la savane
Troisième partie: Le désert du Kaokoland, symbiose des hommes et de la nature
        De Ruacana à Opuwo
        Rencontre d'un autre type
        Epupa Falls
        Kriss et l'école d'Etanga
        Le conseil du village
        Omukurukaze
        Le retour de Tom
        La famille Tjambiru
        Quel projet pour l'école?
        Un passager inattendu
        Soirée agitée
Quatrième partie: Le Damaraland et la côte ouest
        Twyfelfontein
        Suivons le Brandberg
        Un springbok encombrant!
        Swakopmund 
        La vallée des Welwitschias
Conclusion
Annexe: Plan du parc Etosha

Introduction

" Je partirai en premier, en repérage, en observateur averti, et tu me rejoindras ". Telle est l'ébauche de notre futur voyage, le dessin d'une organisation à la logistique réfléchie.
Je décollerai mi juillet de la France, en anticipant d'une dizaine de jours le départ de Luisa qui s'envolera d'Italie. Mais pour aller où ? Je ne peux pas partir à l'aveugle, billet en poche, guide dans le sac, sans but, sans projet ni finalité pour régler la ligne de mire, définir un cap bien visible, et tracer ainsi la trame du périple. L'Indonésie fait miroiter la magie de Bali, l'exotisme de ses plages, la luxuriance de ses forets. Lombok, Sumatra, Java, autant d'îles que d'atouts. Alors aller où ? Comment ? Pourquoi ? Beaucoup de possibilités mais pas de fil conducteur, pas de lien sensible pour privilégier un sens particulier. La beauté des lieux est un attrait, mais je ne saurais en faire de complaisance. Magie ou illusion ? Les deux probablement. La magie des lieux remarquables, le dépaysement culturel, et l'illusion que la beauté mise en avant n'est que parade, façade ou fantasme. Trop de superficialité peut être derrière une image rituelle enjouée. Je veux être et non paraître. Acteur, un peu tout au moins, et non voyeur, participant au grand bluff du tourisme passif. Les images tournent mais toujours pas d'arrêt pour coller à une réalité du sensible. Alors changement de cap, de continent et direction l'Afrique. Des thèmes prédéfinissent des filtres sélectifs. Luisa souhaite un contact privilégié avec le monde animal ; quant à moi je désire une proximité ethnique, un rôle à définir. L'Afrique de l'ouest avec la Tanzanie, le Kenya mais aussi l'Afrique australe deviennent dès lors de potentiels élus. Je fouine, furète, cherche encore et découvre l'existence d'une tribu de nomades vivant au nord de la Namibie. Ce pays est aussi représentatif d'une faune sauvage exceptionnelle. Je me documente, surfe sur la vague du web comme plus tard sur les dunes du Namib. L'engrenage est amorcé. A partir ce cet instant, toute notre énergie peut se focaliser sur ce pays aux dimensions relativement importantes et à la densité humaine faible. " Rendez vous en terre inconnue " a fait connaître les traditions d'éleveurs de ce peuple en y envoyant Muriel Robin plusieurs mois avant. Je découvre Ovahimba, une association de lutte pour la préservation culturelle de cette tribu. Solenn Bardet est la fondatrice de l'association dont la lecture de son livre me plonge dans l'univers presque ancestral de ce peuple. De fil en aiguille des contacts avec Solenn nous emmènerons jusqu'à Hélène, une jeune ethnologue prête pour son premier terrain en terre Himba. Tout s'enchaîne. Nos recherches nous relierons à Rina Sherman, une anthropologue sud africaine qui deviendra une interlocutrice précieuse grâce à laquelle il nous sera possible de nous insérer dans la vie d'une famille locale. Mais la Namibie est aussi un vivier extraordinaire de faune sauvage, avec un des plus grands et riches parcs animaliers d'Afrique. Un contact rapproché avec la faune africaine est à porté de rêve. Voici les deux axes définis. Nous irons, oui avec assurance, nous rejoindrons Windhoek, capitale élégante d'un pays qui s'ouvre aux visiteurs. A travers la lentille de nos appareils photographiques ne perdons pas de vue que nous resterons pour l'indigène de simples invités à l'affût de clichés originels. Il nous appartient d'être les garants du respect de notre éthique, décents par nos faits et nos gestes pour ne pas manipuler nos saines intentions en vaste mascarade.
Je passerai une semaine dans la capitale, m'intégrant autant que possible dans le mode de vie. Si je ferai la rencontre de Tashia, une jeune namibienne, c'est auprès de Justin que j'aurai le privilège de passer l'essentiel de mes soirées, généreusement accueilli par ce jeune garçon d'origine sud africaine. Lorsque Luisa me rejoindra nous partirons à la découverte du parc Etosha, un des plus riches parcs animaliers du continent. Nous y ferons des rencontres animales étonnantes, captant par moment des émotions difficilement descriptibles.
Nous ferons route à travers la région la plus peuplée du pays, pour nous rendre dans la partie de l'extrême nord. Le Kaokoland laissera les animaux pour les hommes. En compagnie d'Hélène à Opuwo, puis plus tard de Kriss, un instituteur dévoué d'une petite école, à Etanga, nous pénétrerons progressivement dans la vie du peuple Himba. C'est au cours de nombreux échanges et d'une rencontre émouvante avec une famille chez laquelle nous serons invités, que nous prendrons toute la mesure des conditions de vie de ce peuple.
Enfin nous descendrons à travers le Damaraland, région aux paysages époustouflants, avant de longer la côte et son climat parfois inhospitalié.
Un projet ficelé par quelques éléments majeurs est à présent prêt à aboutir, alors le moment est venu de s'envoler pour l'hémisphère sud, à la découverte de merveilles tant espérées, qu'inattendues...
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Première partie: Windhoek, une capitale presque Européenne

Voyage épique

Jour1 :
  • Dis, c'est où la Namibie ?
  • En Afrique australe, à la frontière nord de l'Afrique du sud.
  • Ah daccord…
Jamais un trajet aller ne m'aura été aussi long et compliqué pour me rendre à la destination voulue. Départ de Bergerac jeudi 13h05, arrivé à Windhoek samedi 8h…pfouh ! Entre temps un bon scénario pour un sketch à la Chevalier/ Laspales et Patrick Timsit réunis pour l'occasion.
        Bergerac-Londres Stansted
            Londres Stansted- Londres Heathrow
              Londres Heathrow- Francfort
                  Francfort- Windhoek.
Des connexions hasardeuses parfois! A mon compte je tiens une recherche laborieuse de mon hôtel vers lequel on m'aiguille puis me déroute, parcourant des allers et retours en bus. Je peux y ajouter une gentille altercation nocturne avec mon voisin de pallier, sympathique probablement, mais fort bruyant lorsqu'il téléphone en pleine nuit depuis sa chambre mitoyenne à la mienne, et séparé par des murs avares en isolation phonique. Mais le meilleur viendra le lendemain, à 5 heures du matin lorsque je me retrouve devant le guichet de la compagnie aérienne qui me dit que mon billet a été annulé !
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Moment de stress. Situation insensée. Après rachat d'un billet pour Francfort je me retrouve contraint de passer 12 heures en Allemagne à errer dans les terminaux de l'aéroport pour attendre mon vol qui me conduira de nuit, assurément, jusqu'à Windhoek.
Mais oui, l'entrée en matière fut éprouvante, longue, jamais ennuyeuse, mais alarmante parfois. Sympa les vacances ! De quoi donner l'envie de rester bien sagement devant le tour de France à guetter l'attaque de Contador dans les pentes alpines.

Jour2 :
Lorsque le soleil monte haut dans le ciel jusqu'à ce que le rougeoiement de l'horizon se transforme en lumière vive, nous survolons l'Angola. Bientôt nous sommes sur le territoire namibien. Perdant de l'altitude, je découvre un paysage aride, hostile, désertique, pigmenté de brun. Je viens de commencer les premières pages de " La route ", le roman de Conan Mac Carthy, dans lequel  un père et son fils font marche vers le sud, dans un monde désolé où la vie a quasi disparue. Aurais-je été projeté avec douceur dans cet univers inanimé ?
La terre se rapproche, les pistes fendent le sol comme autant de failles parfaitement dessinées. Le même relief à l'identique s'étend dans toutes les directions. Quelques habitats. Des collines au loin rompent la monotonie du paysage. Le sol se présente sous la carlingue. Jamais de souvenir je n'ai atterri avec autant de fluidité et de délicatesse. La piste aurait pu se dérober que la sensation n'aurait pas été plus parfaite. Pas la moindre secousse. Exceptionnel. Finit les terminaux de Londres ou de Francfort à n'en plus finir. Bergerac peut entrer en compétition par la taille ! A la descente de l'avion une vingtaine d'employés, gilet fluo sur le dos, les mains dans les poches, forment une haie d'honneur pour nous indiquer le passage. Situation comique d'autant que nous sommes les seuls sur le tarmac. A présent les doutes, s'il y en avait, peuvent s'évanouir : je suis bien en Afrique. Les douaniers sont équipés de masque ; grippe H1N1 oblige ! Sans argent je monte dans un schuttle qui prend rapidement la grande route goudronnée qui mène tout droit vers Windhoek. Nous fendons le bush, avalés dans ce paysage étonnant qui n'en finit pas. J'y aperçois quelques animaux à moins que ce ne soit mon imagination qui les crée. Sur le bord de la chaussée un singe sembler faire du stop. 30 minutes et voici déjà la capitale. Le chauffeur m'indique une banque où je peux retirer du liquide et par la même occasion payer la course. Quelques instants plus tard, je retrouve Justin avec qui j'ai rendez vous. Justin est sud africain mais est venu vivre en Namibie il y a quelques années. C'est chez lui que je vais passer les prochains jours. Installés dans sa BMW, nous rejoignons sa maison, dans un quartier peu éloigné du centre. Je m'imprègne lentement du pays, le questionnant et échangeant sur nombreux sujets. Discussion, supermarché, ballade, dîner avec son amie, je prend possession des lieux et des gens. Les deux nuits précédents ont été courtes et interrompues, mais étant donné qu'ici à 18 heures la nuit tombe déjà, les circonstances sont favorables pour écourter une soirée paisible.
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Une journée avec Justin

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Jour 3 :
Les nuits sont froides à Windhoek. Je suis confortablement emmitouflé dans mes couvertures et malgré une température basse dans l'appartement sans chauffage, je passe une très bonne nuit. La Namibie est située en hémisphère sud, et c'est par conséquent actuellement l'hiver dans le pays. L'avantage d'être à cette saison ici est que dès le matin le soleil réchauffe rapidement l'atmosphère. A 9 heures du matin, on peut se promener en manches courtes au soleil ; par contre la fraîcheur matinale est bien palpable à l'ombre. Le petit déjeuner avalé, j'accompagne Justin en ville. Ce qui apparaît comme très surprenant est d'être dans le centre de la capitale et de ressentir l'impression d'être dans le cœur d'une petite cité. Peu de monde, peu de voitures. Quel calme, quelle tranquillité ! Les quelques rues qui constituent le quartier animé ne sont pas désertes mais l'agitation y est réduite. Bien sur nous sommes dimanche matin, mais beaucoup de boutiques sont, dans ce secteur, ouvertes jusqu'à 13 heures. Pas de métro, pas de tramway ; la ville n'en aurait d'ailleurs pas la nécessité. Pas de transport en commun autre non plus. En réalité il existe un réseau de bus de ville, mais ceux-ci sont très peu utilisés, et difficile à trouver. Justin me montre quelques lieux représentatifs du cœur de la ville. La fontaine de météorites représente 33 fragments de la plus importante pluie de météorites tombée sur Terre il y a plusieurs centaines de millions d'année de cela dans une région du sud du pays. Le centre est très réduit. Pour autant la ville s'étend en périphéries sur de plus grandes distances, et forment les différents quartiers de la capitale, que Justin me montre grossièrement en voiture.
A 20 kilomètres à l'ouest de Windhœk se trouve Amani lodge. Une route goudronnée bien vite transformée en piste de graviers et de sable nous conduit jusqu'à l'embranchement d'une piste secondaire. 5 kilomètres pentus et ensablés mènent au lodge. Ce site est en association avec la fondation Cheetah, reconnu pour son travail de protection des félins. Dans un enclos autour du lodge, nous apercevons un guépard. De nombreux animaux vivent en semi captivité mais il faut pour les voir prendre part à des sorties accompagnées. Situé à plus de 2100 mètres d'altitude, c'est l'habitation la plus élevée du pays. La vue domine sur le bush. A perte de vue une végétation aride, 
un paysage vallonné de collines aux teintes brûlées s'étend dans le silence le plus pur, à peine perturbé par le chant des oiseaux.
Sur un chemin qui serpente un versant de colline, nous faisons une petite promenade avec la recommandation de ne pas nous éloigner du sentier car non loin vivent des lions. N'ayant pas l'intention de déranger leur quotidien, assurément nous respectons les consignes ! Le lodge est isolé. Deux petits phacochères tentent en vain de manger tout ce qui se présente à eux. Après avoir profité dans la chaleur de l'après midi de l'environnement agréable d'Amani lodge, nous rentrons et nous arrêtons boire un café et manger un petit bout chez les parents de l'amie de Justin. Son père nous conte le gain de son trophée du jour. Le  kudu, chassé et tué ce matin est déjà dépecé et coupé en morceaux qui emplissent le congélateur de la maison. Je sais à présent très précisément d'où proviennent les petits bout de viandes séchés que l'on vend un peu partout sous l'étiquette de " biltong ", que j'ai goûté cette après midi même dans la voiture. 17h30, le soleil baisse. 18h. Nuit noire ! Je dois m'y faire. Si le soleil fait oublier la présence de l'hiver, le cycle court des journées me le rappelle.
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Grand nettoyage!

Jour4 :
A 7h, Sarah, la personne qui vient hebdomadairement faire le ménage et le rangement chez Justin, sonne au portail. Je suis à peine levé. J'enfile rapidement mon pantalon. Justin par travailler, quand à moi je ne tarde pas à sortir avec comme mission de trouver une voiture de location pour les semaines à venir. Je m'attendais à ce que les agences soient plus où moins regroupées dans un quartier de la ville ; il n'en est rien et ces dernières sont reparties un peu partout dans la périphérie. Si le centre proprement dit est de taille très réduite, parcourir les quartiers qui s'échelonnent aux extrémités de la ville s'avère une opération longue lorsqu'il s'agit de les rejoindre à pied. Elle apparaît encore plus délicate lorsqu'on recherche une adresse car il est parfois difficile de trouver une cohérence dans les numéros de rues. Après une vaine tentative, et une longue marche dans la zone industrielle sud, je renonce à aller directement prospecter. J'en aurais pour des jours !
Muni du listing récupéré au point d'information pour touristes, je n'envoie pas moins d'une cinquantaine de mails à toutes les adresses dont je dispose. Après un petit temps de repos à l'ombre des arbres du parc zoo je repars à l'assaut des rues de la capitale, arpentant le quartier nord est surélevé du Klein Windhoek. Le soleil chauffe fort. Lorsque je rentre à l'appartement, Sarah est encore là. Le linge sèche devant la porte. Nous communiquons autant que cela se peut. D'origine Hérero, elle parle l'Africaner, mais pratique peu l'Anglais. Justin sera déjà rentré lorsqu'elle partira, à 17 heures, après 10 heures de présence. Certes, je ne doute pas du travail accompli, mais je 
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m'interroge sur sa productivité durant tout ce temps. Cela ne surprend pas Justin. Temps et travail n'ont pas ici les mêmes significations que pour nous autres occidentaux.
Justin repart bientôt pour son entraînement de karaté. Je reste veilleur des lieux pendant son absence. A vrai dire ce rôle m'est un peu inutile, car ici les habitations sont protégées contre les intrusions. Portail électrique, lignes sous tension tout autour des bâtiments, grille en fer devant les portes. De quoi refroidir les pilleurs qui sans ces précautions s'en donneraient à cœur joie dans ces zones " riches " de la ville.
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Mais où est passé Tashia?

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Jour5 :
Pas de question à se poser quant au temps. Lorsque je mettrai les pieds dehors, un soleil radieux illuminera un ciel azur. Une journée poursuite m'attend ! Premier rendez de la matinée avec ma boite mail, et un abondant courrier consécutivement aux demandes envoyée aux agences de locations de voitures. J'étais plutôt pessimiste quant aux disponibilités de véhicules, et me voici avec de bonnes nouvelles et pas moins de 4 réponses favorables. Etape numéro deux : me rendre à l'appartement de Tashia, qui doit m'héberger à partir de ce soir pour quelques jours. J'ai rendez vous avec elle. Après quelques difficultés à trouver l'adresse, alors que je suis enfin devant la résidence, je me retrouve coincé devant le hall d'entrée. Je n'ai pas pris soin de noter son nom, et malgré l'aide de la personne de l'accueil, je dois me résigner à retourner au cyber café relever son nom de famille dans ma boite email. Ceci fait, je rentre à l'appartement de Justin afin de récupérer mon sac que j'avais pris soin de laisser pour éviter de le porter en cas de déconvenue comme celle-ci. Ca monte, ça descend, ça chauffe, et chaque point que je rallie représente un temps de marche conséquent. Me voici de nouveau devant la résidence de Tashia. Je parcours des listes de noms qu'on me fournit. Nouvel échec. Le numéro de téléphone que j'essaie est erroné. J'interroge les résidents que  j'aperçois. Une femme se renseigne, et trouve une fille, amie de Tashia. Ouf ! Appartement 116…Oh non ! J'avais ce numéro depuis le début, mais j'étais persuadé qu'il s'agissait du numéro de rue !  Etant donné la relative incohérence de la numérotation, j'avais abandonné la recherche de l'adresse par ce biais, pensant être bien au 116 de la rue ! Que de temps perdu ! Bref…Tashia est maintenant absente, et son amie la joint par téléphone. Elle arrive peu de temps après, me remet les clés, puis repars aussitôt. Je bois un café chez son amie qui me montre ensuite ma chambre, puis me laisse. Ca y est, j'y suis. Dur dur de parvenir jusqu'ici. Aie !! Je fais une brève halte car j'ai encore beaucoup de choses à faire. Je tente de joindre l'agence de location que j'ai sélectionnée. Personne ne répond. Je file alors en ville au huitième étage du Salam Building, après avoir obtenu un badge pour y accéder. J'ai rendez vous avec Justin sur son lieu de travail afin de lui remettre les clés de son appartement. Je le demande à la réception. On l'appelle. Le voici qui sort de son cabinet dentaire, masque sur la bouche. Je reste peu de temps, mais nous devons
nous revoir. Direction à présent la zone industrielle sud, à la recherche de l'agence que je n'ai pas réussi à joindre par téléphone. Bien entendu, sur place, je ne trouve rien alors que j'ai l'adresse exacte. Je me renseigne. Une personne rappelle l'agence pour moi, et cette fois un interlocuteur répond. Il lui fournit les informations pour arriver à l'agence. On m'y conduit. Situé à l'intérieur d'un bâtiment de concessionnaire, je n'aurais jamais trouvé seul.
Je rencontre Coenie avec qui j'étais en contact mail. Nous discutons longuement de l'itinéraire, des conditions de location, de certains usages de précaution. Coenie me met la pression. Oups ! Je réserve finalement le véhicule ainsi que du matériel de camping. Le temps tourne. Je traverse quelques avenues principales jusqu'à entrer dans le Klein Windhoek, et rejoindre l'appartement. Je devais être là avant 17h car Tashia ne dispose pas de doubles de clés que je possède. Il est 16h45. Stop chrono. Course terminée. Mission accomplie. Beaucoup de kilomètres parcourus, de la sueur, mais à présent je peux m'asseoir, soulagé d'avoir enfin la voiture indispensable pour la suite du voyage.
Tashia rentrera en réalité bien plus tard avec 2 amies à elle. Une des deux est sa colocataire. La seconde vit à Katututra, l'ancien ghetto noir du nord de la ville créé au temps où sévissait l'apartheid. Cette dernière assure à elle seule la conversation ! Changement radical d'ambiance et d'atmosphère par rapport à la veille. Un peu plus tard, celui que je prendrai pour le petit ami de Tashia rejoint également l'appartement…
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Brève soirée

Jour6 :
J'ai dormi dans un lit, et pourtant ma nuit a été moins reposante que les précédentes. A 7h30 Tashia entre dans sa chambre, c'est-à-dire dans ce qui est temporairement devenu la mienne, pour choisir ses vêtements, prendre sa douche dans la salle de bain attenante. Le plus naturellement elle apparaît enroulée dans une simple serviette de toilette. Réveil plutôt atypique lorsqu'on dort chez quelqu'un qu'on ne connaît pas ! Sa colocataire la rejoint pour finir de se peigner, et de se maquiller devant le miroir qui fait face au lit. J'assiste aux préparatifs matinaux des filles, allongé tel un pacha dans ma couche. Je suis spectateur, mais pour moi également la journée ne tarde pas à débuter. Direction le centre de la ville. J'ai encore quelques formalités à effectuer : réservation du camping pour le parc d'Etoshaqui 'avère impossible car ils affichent complets à cette période- réservation également de l'hôtel pour l'arrivée de Luisa dans quelques jours. Puis je passe du temps dans le parc zoo, devenu mon quartier général, profiter du soleil et d'un emploi du temps plus serein. Je jongle entre soleil et ombre, à me prélasser, manger, boire, étudier les itinéraires en consultant cartes et guides. Un étudiant en partance proche pour l'Alabama me tient compagnie. Le parc est propre, agrémenté de bancs, pourfendu par un petit ruisseau à sec. Beaucoup de monde vient ici se détendre, où passer un moment entre amis. Je flâne dans les rues du centre. Dès qu'on s'élève sur le flanc est de la ville, Windhoek prend des allures plus vallonnées. A la lumière descendante d'un soleil sur le couchant, le panorama sur la ville et ses environs révèle une impression de calme dans un environnement aéré. Je
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monte jusqu'au château Heinitzburg  reconvertit aujourd'hui en hôtel, sur les hauteurs de la ville, avant de redescendre sur l'autre versant et de laisser disparaître le centre. Je rentre peu avant Tashia et sa colocataire. Sympathiques, agréables, l'échange reste néanmoins stérile. Elles semblent plus préoccupées par leur téléphone portable que par des échanges oraux. On ne peut pas gagner à tous les coups ! Tashia s'éclipse, probablement partie voir son enfant de quelques mois qu'elle a laissé chez ses parents pour la semaine. Tout en lisant, et tandis que la colocataire travaille sur son ordinateur portable, nous discutons de choses et d'autres. Je n'ai pas très chaud. Il n'y a pas de chauffage dans les appartements. Seul un petit radiateur électrique sert d'appoint mais il n'est pas allumé. Depuis hier soir les filles parlent de sortir, et tiennent à ce que je sois des leurs, mais à présent Tashia n'est plus là et sa colocataire n'en a plus l'intention car elle doit terminer un travail. Rien n'est bien clair. Je ne suis pas très motivé et cela représente un bon prétexte pour rester ici. Finalement cette dernière disparaît un instant de la pièce puis réapparaît changée, en jupe et petits talons, prête pour aborder la soirée. Tashia rentre. Pas le temps de discuter. Une de leurs copines nous emmènent en ville devant un bar connu, puis repart. Il est assez tôt. Le bar est vide. La colocataire disparaît. Un instant après, Tashia me dit qu'elle souhaite rentrer. Nous prenons un taxi et rentrons donc, à peine arrivés. Un type est dans l'appartement lorsque nous arrivons. J'ai du mal à suivre. Tashia semble fâchée. Je ne cherche pas à comprendre et rejoint ma chambre, me glissant rapidement sous la couette. Décidemment cet appartement n'est pas pour moi. Je prends la décision que demain je le quitte.
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Un peu de culture

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Jour7 :
Pas de bruit dans l'appartement. Sans en faire davantage, je sors laissant derrière moi un petit mot à l'attention de Tashia. Plutôt que de contourner la colline qui me sépare du centre, je me hisse sur les hauteurs en empruntant l " aloe trail ", un sentier qui se faufile dans une végétation aride et dense d'aloe, de cactus et diverses espèces d'arbres. Sur les sommets, des citernes d'eau potables sont surveillées et entourées de protections. Serpentant à travers les chemins qui divergent je rejoints la route de l'autre coté de la colline, et reprend mon itinéraire coutumier. Un petit vent frais rafraîchit l'atmosphère. J'erre dans le centre, sur un secteur que je connais désormais très bien. En début d'après midi je vais visiter le musée Owela. Deux secteurs principaux constituent ce musée aux dimensions raisonnables. Une première partie d'ornithologie présente certaines espèces animales et végétales du pays. On note en particulier l'emblématique welweschia, plante millénaire aux feuilles qui s'étendent sur le sol, et remarquablement adapté à la vie dans le désert. Une section spéciale est développée au sujet du guépard et du travail de conservation fait sur cet animal. La deuxième partie aborde la diversité culturelle et présente certains aspects des différentes tribus identitaires du pays. Il est également intéressant de lire quelques cartes dont la première du pays, dessinée par les explorateurs du 19ième, dont faisait partie Francis Galton
Je rend une petite visite à Justin qui me présente à quelques collègues, puis je pars à l'assaut des jardins du parlement. Le site est très agréable, ombragé, fleuri, et le long des pelouses centrales sont disposés des bancs sous des couloirs de tonnelles. Une vue admirable donne sur l'église Kristuskirche qui s'élève dans un fond d'un bleu limpide. Il est aisé d'approcher les façades des bâtiments, et de se rendre sous les fenêtres d'où travaille le premier ministre. Impensable lorsqu'on pense aux mesures de sécurité qu'il existe chez nous !
Retour chez Tashia. Elle ne travaillait pas aujourd'hui, et boit une bière avec la copine que j'ai rencontrée l'autre soir. Je me joins à elles. Après une séance photos pour immortaliser les rencontres, j'enfile mon sac sur le dos, prend un taxi, et me rend chez Justin. Je retrouve dès lors la sérénité et l'aisance qui m'habitaient ici les premiers jours.
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Hélène et le garçon

Jour8 :
J'ai retrouvé mes repères du début de semaine. 7h00. Justin descend de l'étage où se trouve sa chambre. Je m'éveille lentement, en douceur, dans le confort de la couverture polaire. Je me lève sans trop tarder, prépare un café, prend une douche dans la salle de bain très agréablement réchauffée par la lumière filtrée à travers la vitre opaque. Je parcours le chemin qui sépare l'appartement du centre de Windhoek, puis me fait acheminer en taxi jusqu'à l'agence de location où j'ai rendez vous afin de finaliser les démarches, et ainsi être prêt à partir dimanche matin. Désillusion. La banque refuse le paiement. Je dépasse le plafond de prélèvement autorisé. Plus surprenant, le débit de la franchise, plus modeste, est également refusé. Il reste donc un doute sur la date du départ car nous sommes vendredi, et mes tentatives de joindre la banque afin de débloquer la situation restent vaines. Je passe d'un rendez vous à un autre. A 11 heures je rencontre Hélène sur le parking central de la ville. Hélène est une  étudiante belge en ethnologie, tout juste arrivée en Namibie. Dans le cadre d'un projet de fin d'étude, elle doit passer 4 mois dans le Kaokoland, pour vivre auprès d'une famille Himba. Son travail consistera à étudier et comprendre le point de vue de ce peuple face au développement et l'évolution de leur condition de vie. Que souhaitent-ils vraiment ? Qu'espèrent-ils ? Sous quel œil voient-ils cette évolution, et qu'en attendent-ils ? Nous échangeons longuement sur ces questions cruciales qui menacent leur propre culture.|Hélène a des contacts sur place mais une part importante de son voyage est vouée aux aléas du terrain. Son travail est sous la
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direction de Solenn Bardet, ethnologue française qui a vécu plusieurs années dans la région, après s'être faite adopter par une famille Himba. Solenn connaît parfaitement les questions qui touchent ce peuple, et j'ai durant les mois qui viennent de s'écouler souvent pu la voir apparaître dans divers reportages écrits ou télévisés. C'est elle qui nous a orientés vers Hélène à qui nous tenterons d'apporter autant que possible notre aide une fois sur place. Nous déjeunons dans le parc zoo, puis nous promenons dans les allées du jardin du parlement. Après quoi nous regagnons chacun notre chez soi ; elle dans une auberge de jeunesse proche du centre et moi chez Justin chez qui je dois arriver le premier car je possède les clés pour entrer.
J'avais envie de découvrir Katutura et bien que j'ai rencontré plusieurs personnes du quartier, je n'ai pas eu l'opportunité ou le temps de m'y rendre. Il est préférable d'être accompagné par des locaux car être étranger et y aller seul n'est pas recommandé. En revanche la découverte de Katutura m'est décrite comme une expérience étonnante, loin du rythme tranquille du centre de la ville ; ce que m'a confirmé Hélène qui y a fait un bref séjour.
Justin rentrera une pizza dans les mains ainsi qu'un DVD dont il me parle depuis le premier soir : " Paris je t'aime ". Le film est une succession de courts métrages réalisés dans différents quartiers de Paris. A travers le regard et l'imaginaire, à presque 10 000 kilomètres de mon pays, je ressens une certaine fierté d'avoir cette ville comme capitale. Je me sens aimant de cette ville que je ne connais en fin de compte que si peu. A mes yeux Paris n'est pas une ville pour vivre, mais pour rêver, pour aimer. Je pense aux Himbas qui sous le ciel étoilé du Kaokoland ne connaîtront jamais les hauteurs de Montmartre, ni la grandeur de la tour Eiffel. A vrai dire cela n'a pas grande importance. Je pense à Solenn Bardet qui a vécu las bas, adopté pendant plusieurs années. Je pense à Hélène qui rejoindra bientôt cet univers clos. Je pense à Luisa qui s'apprête à quitter le vieux continent pour rejoindre ce grand pays d'Afrique australe. Je retrouve un moment de vérité, de paix, songeur à l'essentiel, aux questions primordiales. A cet instant je ne souhaiterais être nulle part ailleurs. Besoin de rien, ni de personne. Seulement écouter le silence intérieur, éclairé par la lumière diffuse de la cuisine, allongé sur le canapé déplié, écoutant la musique de la radio allumée du premier étage.
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Pied à terre pour Luisa

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Jour9 :
Depuis que je suis arrivé à Windhoek, j'ai adopté un rythme de sommeil aux longues nuits, et aux réveils matinaux. Ce matin je dois définitivement quitter l'appartement,  pour retrouver Luisa qui s'apprête à atterrir après avoir passé la nuit en avion. J'avale un thé, puis boucle mon sac. Justin doit aujourd'hui passer une évaluation pour obtenir sa ceinture orange de karaté. Il me dépose en ville devant l'hôtel Kalahari où une semaine plus tôt il m'avait donné rendez vous. Même lieu, même heure, excepté qu'aujourd'hui c'est moi qui aie donné rendez vous à Luisa. Je regarde les schuttles qui passent à proximité du parking. Les quelque uns qui s'arrêtent sont vides et à l'heure où elle aurait déjà du être arrivée, je ne la vois toujours pas apparaître. Je tente de joindre l'aéroport par téléphone afin de m'assurer qu'il n'y a pas de retard trop important. Finalement, après plus d'une heure d'attente, tandis que je traverse l'avenue principale pour aller chercher des informations,  la voici qui descend d'un taxi. Retrouvailles au fin fond de l'Afrique. Premiers pas sur le continent. Premières impressions. Premières sensations. Nous nous abritons du petit vent froid qui balaye les rues, malgré l'omniprésence coutumière du soleil, et nous installons sur la terrasse d'un café, en bordure du parc. Vers 11 heures nous allons nous étendre dans l'herbe. Nous avons rendez vous avec Hélène, pour des présentations entre filles, et afin d'établir nos plans de voyage. Elle nous remet un sac que nous porterons à Opuwo. Pour le moment notre contribution à son séjour s'arrête là. Nous échangeons nos coordonnées afin de pouvoir communiquer le moment voulu, du moins tant 
que nous serons sous la couverture du réseau téléphonique.
Divers points logistiques sont encore à régler. A la veille du départ prévu, nous n'avons toujours pas l'assurance de pouvoir louer le véhicule, pour des raisons d'interdit bancaire. Il reste une probabilité non négligeable de devoir le reporter de 24 heures. A 17 heures nous avalons notre premier repas de la journée sur les tables de la cuisine de l'hôtel. La nuit nous enveloppe rapidement. Le froid nous accapare. Pour la première fois depuis que Luisa est arrivé, à l'abri des regards inquisiteurs, là où les signes affectifs ne sont pas coutume, nous nous retrouvons totalement, en pleine intimité.

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Mais où est le problème?

Jour10 :
A 8h45 nous sommes devant l'agence de location. Coenie est déjà arrivé. Nous sommes dimanche matin, tout est fermé, mais nous avons rendez vous. J'avais un mauvais pressentiment  qui se confirme : nous nous retrouvons une nouvelle fois bloqués devant le comptoir à cause d'un refus de la banque. Malgré les démarches entreprises, et même à deux, nous ne pouvons libérer la somme due. Nous avons pour autant l'impression qu'un problème dont nous ne sommes pas responsables s'ajoute aux limites qui nous sont imposées. Le véhicule est prêt, chargé du matériel demandé, mais nous ne pouvons que le regarder stationné…nous sommes coincés pour 24 heures de plus à Windhoek…24 heures de moins de conduite à travers le pays !
Nous retrouvons donc la chambre d'hôtel que nous réservons pour une nuit supplémentaire. Je commence à m'impatienter de véritablement entrer dans le voyage, de quitter la ville et partir à la rencontre du monde sauvage, et des populations locales. Luisa peut  profiter de la ville, découvrir un peu plus ce qu'elle a à offrir. Quant à moi je sillonne les rues 100 fois parcourues, dans une répétition sans nouveauté. Bien imprégné dans l'atmosphère de la ville je prend plaisir à lui montrer les lieux qui m'ont le plus marqué. Une différence remarquable anime cependant cette journée par rapport aux précédentes dans le fait qu'elle est partagée, et ces allées et venues dans ces conditions brisent la routine installée depuis quelques temps.
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Photos de Windhoek

http://picasaweb.google.com/Destinationphotos/Windhoek?authkey=Gv1sRgCND7zIb4-YDjpwE#
   

Deuxième partie:Etosha, le monde des animaux.

Le départ attendu!

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Jour11 :
Dernier coup de téléphone à la banque…que de difficultés pour pouvoir nous lancer dans l'aventure namibienne ! Passage par les bureaux de la compagnie arienne pour modifier nos billets retour ; les problèmes engendrés par les changements de plans de vols nous y contraignent. Tout semble à présent prêt. Cependant, une fois de plus, dans le bureau de l'agence, la banque bloque notre demande de débit, et cela même pour un retrait de somme modeste s'élevant à 450 euros pour la caution du véhicule. Nous sommes certains, pour nous être renseignés, que cela n'est pas possible. Il y a bien un problème qui n'est pas de notre ressort ! Nous procédons différemment en effectuant un prélèvement direct de la caution plutôt qu'une mise en suspend de la somme. Enfin l'autorisation nous est donnée ! Avant de me remettre les clés, Coenie me remet la pression. Il me stresse. J'ai l'impression qu'avant même avoir mis les pieds dans le véhicule, la caution est déjà retenue. Nous filons rapidement faire quelques courses. Pendant que je termine Luisa rentre à l'hôtel afin de libérer la chambre avant l'heure de sortie. Je la rejoins, peu à l'aise au volant de ma nouvelle voiture au châssis surélevé, dans une conduite à gauche inédite.
Avec la journée de retard nous décidons de modifier notre itinéraire afin de s'assurer d'avoir le temps nécessaire pour réaliser nos principaux objectifs. Au lieu de filer plein ouest vers la côte, nous prenons la direction du nord vers la porte d'entrée du parc Etosha. Nous pénétrons dans le bush. La route asphaltée fend la végétation d'une ligne quasiment rectiligne. Par moment, sur un secteur
surélevé, nous découvrons un panorama à perte de vue sur un décor uniforme jusqu'à la ligne d'horizon. Des blocs granitiques s'élèvent de manière éparse. Sur les bords de route de nombreux phacochères mangent la végétation sèche. Les arbres à la cime aplatie note leur adaptation à la pluie raréfiée. Ici un groupe de singes ; là une colonie d'autruches où encore quelques antilopes animent les kilomètres de route qui défilent dans un paysage qui semble figé. Okahandja, Otchiwarongo, Outjo. Nous filons toujours tout droit, sur des centaines de kilomètres, pendant des heures jusqu'à atteindre, avant la tombée de la nuit, l'entrée du parc. Nous installons notre premier camp dans un camping, quelques kilomètres avant. Nous faisons la fâcheuse découverte que notre tente est dans un état médiocre. La nuit tombe rapidement. La fraîcheur du soir n'a plus rien à voir avec le froid de la capitale. Nous organisons le campement à la lumière de nos torches. Un ciel pur s'affiche et dévoile une mozaique céleste inconnue.
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Une faune abondante

Jour12 :
Le réveil sonne à 5h30. La première nuit sous la tente n'a pas été très froide. La clarté est déjà suffisante à cette heure ci pour voir distinctement. A 6h20 nous avons plié notre campement et quittons le camping, afin d'être à l'entrée du parc dès son ouverture pour le lever du soleil. Nous remplissons les documents attestant notre présence et franchissons le portail. A peine avons-nous pénétrés dans le parc qu'une girafe apparaît en bord de piste, allongeant son long coup pour attraper les feuillages les plus hauts. Sur les bas cotés, des zèbres, des springboks. Nous arrivons rapidement au camp d'Okaukuejo. Le temps de prendre un café, d'acheter un plan du parc qui illustre toute la faune présente afin de nous permettre d'identifier les espèces animales ainsi que les nombreuses espèces d'oiseaux présentes : l'aube a déjà filé. Nous nous lançons à l'assaut des pistes de cailloux blancs d'Etosha. Un éléphant ne tarde pas à imposer sa masse colossale, le pas lent. Des kudus au loin dessinent des formes géométriques dans la savane. Des oiseaux inconnus au plumage coloré volettent dans les airs, où juchent les cimes des arbres. Le parc étend son paysage infini aux couleurs austères. Les salines dessinent des étendues blanchâtres. Les hordes de zèbres et de springboks  errent, souvent ensemble. Des cris, des sauts, des bonds, la nature nous fait observateurs minutieux de son spectacle journalier. Au bord d'un point d'eau, trois lionnes sont allongées, passives, camouflées sur le sol brun et rocailleux qui dissimule leur pelage. Sept lionceaux sont étendus à quelques dizaines de mètres de leurs mères. Nous observons attendris les peluches vivantes prendre
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un bain de soleil. De l'autre coté du point d'eau des proies potentielles paissent paisiblement. Une quatrième lionne s'approche, tapie dans l'herbe sèche, attentive aux mouvements des animaux. Tantôt elle disparaît totalement, enfouie dans l'herbe, tantôt sa tête réapparaît. Prépare-t-elle une attaque ? Springboks et kudus passent non loin, avancent, hésitent puis, semblant avoir repéré le prédateur, s'éloignent. Longtemps nous sommes suspendus à une chasse plausible. Le festin semble écarter. L'heure de manger est remise à plus tard.
En milieu d'après midi nous installons notre tente au camp d' Halali, et profitons des chaudes heures ensoleillées pour nous relaxer. Au couché du soleil nous nous rendons au point d'eau emménagé du camp. Nous arrivons juste à temps pour voir l'astre rouge disparaître au fin fond de la savane. Comme sur une photo de carte postale, un éléphant se tient de profil. Sa masse imposante est immobile. Il plonge sa trompe dans l'eau, comme une paille dans un verre, et s'abreuve. Des mouvements lents, saccadés, rythment les déplacements du pachyderme qui, un long moment plus tard, repartira dans la nuit venue. Beaucoup d'oiseaux crient, des antilopes tentent de s'abreuver, ainsi qu'un kudu. Bientôt un rhinocéros et son petit prennent le relais du spectacle nocturne. Chaque animal succède pour des actes bien rodés qui s'enchaînent sans temps mort.
A l'heure où nous avons réservé pour manger, nous quittons le point d'eau pour la salle de restaurant. Après cette première journée au contact privilégié avec le monde sauvage des animaux, nous célébrons l'anniversaire de Luisa autour d'un buffet sans prétention mais en abondance.

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Jour13 :
Nous sommes levés aux aurores afin de profiter de la lumière montante et de tenter d'observer aux meilleures heures des animaux venus s'abreuver aux points d'eau. Une seule hyène au programme des nouveautés viendra compléter notre liste qui déjà s'allonge. Le soleil grimpe rapidement dans l'azur. Nous rentrons au camp, et lorsque la voiture est chargée, nous reprenons la route, direction plein est à l'intérieur du parc. Une quinzaine de girafes sont regroupées pour ce début de journée qui s'annonce déjà bien riche et prometteur en rencontre avec la faune sauvage. Ici ou là, deux ou trois autres posent pour notre plus grande contemplation. Le nombre nous impressionne autant que la taille et la silhouette fine du grand mammifère nous amusent. Des pauses comiques rythment des scènes usuelles, notamment lorsque pour boire la girafe écarte ses pâtes avant, raides comme des piquets, vers les extérieurs, puis les redresse d'un seul coup pour se relever, comme dans un pas de danse léger mais sans souplesse. Lors de ses déplacements, son long cou oscille d'avant en arrière, assurant l'entraînement de son corps encombrant, comme la bielle entraîne le piston du moteur. Sa longue bouche fine et allongée, au sommet de ce cou sans fin lui donne un air sympathique et jovial. Pendant qu'elle mâche les feuilles arrachées à la cime des arbres, ses gros yeux ronds scrutent les alentours comme deux caméras au sommet d'une tour d'observation.
Impalas et oryx apparaissent dans le décor homogène qui donne à chaque instant une raison nouvelle de nous émerveiller. Ici et là nous stoppons le moteur de notre Isuzu pour contempler quelques
instants d'autres animaux que croise notre parcours, puis poursuivons notre itinéraire sur les pistes caillouteuses, poursuivis sans discontinuité par un nuage de poussière qui s'élève dans les sillons des roues. Nous roulons vers le camp de Namatoni, à l'extrême est du parc. Le long du pan, une réserve immense d'eau, sèche à cette saison, s'étalent de grandes salines blanchâtres aux reflets changeant. Le paysage très aéré m'évoque la Camargue. Ce ne sont pas les chevaux qui peuplent ses rives, mais bien d'autres animaux insolites. Des mangoustes nombreuses jouent sur les abords du camp. Nous les observons longuement, fascinés par une nouvelle découverte. A l'accueil nous ne pouvons que constater que le camping est complet. Nous n'avons pas réservé et ne pouvons espérer une place pour ce soir. Il ne nous reste plus qu'à quitter le parc. En dix kilomètres nous atteignons la porte de sortie où nous sommes contrôlés. Venant de Namatoni, et à destination du nord (dans les jours à venir), on nous dit de retourner au camp, et de demander à ce qu'on nous trouve un emplacement. Avec l'appui des gardes, nous nous exécutons, faisons demi-tour et après quelques discussions, obtenons finalement un emplacement pour la nuit.
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Le roi de la savane

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Jour 14 :
Les campings sont souvent bien équipés : éclairage individuel, électricité, barbecue, table et chaises en ciment. Notre emplacement est bien agréable et présente un confort satisfaisant. Nous prenons le petit déjeuner à coté de notre tente, puis faisons un petit tour jusqu'au point d'eau du camp. Plusieurs espèces d'oiseaux endémiques au plumage coloré et aux traits souvent caractéristiques attisent notre curiosité. Nous levons le camp et prenons par erreur une piste qui contourne un immense plan d'eau asséché, sur plusieurs dizaines de kilomètres. Le paysage vierge dévoile un aspect nouveau du parc avec d'époustouflantes étendues désertiques. Peu ou pas d'animaux dans ce secteur mais de nombreuses variétés d'oiseaux que nous tentons d'identifier grâce à notre petit guide illustré. La savane sauvage étend sa végétation couleur paille, parsemée d'arbres secs. Soudain, sur le bord de la piste, une tête dépasse des herbes jaunâtres. Nous traquions le félin, et nous voici face au roi. A quelques mètres de buissons secs, la crinière discrète d'un lion rompt la platitude du paysage. L'animal scrute son territoire, baille, tantôt relève la tête tantôt disparaît furtivement si bien que nous aurions tout aussi bien passer à coté sans jamais imaginer sa présence. C'est une voiture de rangers qui a attiré notre attention et notre vigilance pour débusquer l'animal. Son pelage se confond avec la végétation. Le camouflage est parfait. Soudaine montée d'adrénaline à la vue de l'animal. Luisa est sous le choc,  fortement éprouvée par la vue de l'emblématique représentant de la savane qu'elle espérait plus que tout autre animal pouvoir approcher. Après un long moment qui s'éternise à scruter les mouvements du félin, le lion se lève, dévoilant son corps robuste aux lignes symétriquement parfaites. Il attrape dans sa gueule une carcasse gisant à ses cotés. La dépouille d'un oryx semble se dessiner, identifiable par les longues cornes de la proie succombée. De sa gueule puissante, il tire son garde manger vers les branchages secs afin de commencer son repas, à l'abri d'éventuels autres prédateurs et de curieux non conviés au festin. Il déchiquette la proie morte. Les os craquent, les tendons se déchirent, la chair ferme se rompt sous l'assaut des mâchoires acérées. Le sang dégouline et rougis la gueule du carnassier affamé. Un renard rode, alléché par l'odeur de la viande facile, puis un second. Ils s'approchent, les oreilles pointées, tout en gardant un périmètre de sécurité suffisant afin de ne pas déranger le repas frugal. Le festin dure jusqu'à ce que le lion décide de changer de lieu, probablement dérangé par notre présence, même discrète. Il
reprend sa dépouille dans sa gueule, sort de son camouflage incertain, puis s'avance dans notre direction vers la piste. Les renards en profitent pour se jeter les lieux du festin et se régaler des restes. Le lion s'approche de nous, à quelques mètres derrière la voiture, traverse la piste d'une démarche nonchalante, trainant entre ses pattes la bête qu'il ne s'est pas résigné à abandonner. Il se dégage une impression de puissance, de force qui contraint à l'admiration et à l'humilité. La nature nous offre ce qu'elle a de plus élégant autant que ce qu'elle présente de plus terrifiant. Nous nous écrasons derrière les vitres de notre véhicule, laissant dans le silence le plus total et le pouls battant d'une mesure soudainement accéléré, circuler le roi de la savane qui à bien des égards, pour nous autres, méritera désormais ce titre honorifique dont nous le gratifions.
Poursuivant vers le nord du parc, en tête les images récentes, le paysage s'ouvre encore. Des chacals s'abreuvent autour d'un point d'eau. D'autres animaux, nombreux encore, peuplent les ultimes heures de notre voyage au sein du monde sauvage. Les salines blanches reflètent de rose la lumière du soleil, offrant une parfaite illustration pour un cours pratique de physique à l'usage de mes futurs élèves. La savane immense s'étend infiniment. Une route longiligne s'étire longuement, le long de laquelle de plus en plus spartiatement apparaissent quelques mammifères, alors que nous pensons chaque fois qu'il s'agira des derniers. La porte " King Nehale "marque la sortie du parc Etosha après trois jours d'émerveillement. Encore des dizaines et des dizaines de kilomètres sans virage. Nous traversons quelques villages. La faune a changé : chèvres, vaches, qu'ici ou là traversent la route. Méfiance donc car la vitesse moyenne s'est formidablement accrue depuis qu'Etosha appartient au passé. Nous quittons la route principale pour rejoindre une ancienne mission connue comme la plus ancienne construction du nord du pays et qui abrite un petit campement privé. Nous avons pénétré dans la région la plus peuplée du pays, et plantons ce soir notre tente dans un petit campement isolé, loin de la faune d'hier, et loin des populations de l'Ovamboland. Afin d'assurer la sécurité et d'éviter de mauvaises surprises, comme il est souvent d'usage, un vigile armé passe la nuit à surveiller le site. Pour l'accompagner dans la fraîcheur de longue nuit qui débute nous lui offrons un thé bien chaud.
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Photos d'Etosha

http://picasaweb.google.com/Destinationphotos/ParcNationalDEtosha?authkey=Gv1sRgCLKPl9Sm2LmXZQ#
   

Troisième partie: Le désert du Kaokoland, symbiose des hommes et de la nature

De Ruacana à Opuwo

Jour 15 :
Au rythme établi depuis le départ de Windhoek, nous sommes debout à 6 heures. Le jour pointe déjà. Dans le calme du site nous préparons un café brulant pour nous réchauffer et patienter de l'arrivée des premiers rayons de soleil. De l'autre coté du grillage qui délimite le camp, des enfants en uniforme longent un chemin de terre pour rejoindre l'école du village. Souvent les même phrases, les mêmes intonations : un bonjour, un stylo en demande& ! La tente est pliée mais devons attendre le réveil des propriétaires afin de nous ouvrir le portail cadenassé. Sous la paillotte qui abrite une table et des bancs de bois, nous recherchons les premières bandes ensoleillées. Je parcours les premières pages de " Ma vie avec les Ovahimbas ". Nous avons longuement hésité, et nous optons finalement pour prendre la direction de Ruacana, à la frontière angolaise. A Oshakati nous nous approvisionnons afin de subvenir aux jours à venir, ne sachant pas trop ce que nous offriront les destinations futures. Nos cartes bleues sont refusées au guichet automatique. Qu'importe, nous retirerons à
Ruacana. Nous traversons l'Ovamboland. Les villages se succèdent. Maisons de tôles, de parpaing, ou habitations traditionnelles Ovambo. Ces dernières ont cela de particulier qu'elles présentent une organisation labyrinthique de multiples huttes circulaires dont chacune assure une fonction spécifique.
Voici Ruacana Falls ! A cause du barrage construit en amont, ce site grandiose est aujourd'hui asséché à cette période de l'année. Un immense cirque étend sur plusieurs centaines de mètres un
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rideau d'eau lorsque celle-ci inonde le domaine. Ce détour ne valait en fin de compte la peine que pour pouvoir emprunter une piste secondaire qui rejoint plus au nord l'axe Opuwo-Epupa. Nous obtenons la confirmation de la praticabilité de la piste, après vaines interrogations en d'autres lieux sur son accessibilité. Malheureusement, le distributeur de billet de Ruacana ne fonctionne pas. Nous ne pouvons pas non plus utiliser nos cartes bleues pour remplir le réservoir de la voiture ; il nous faut payer en liquide et il nous reste en poche qu'une poignée de dollars. Après avoir fait une nouvelle estimation, il s'avère que nous n'aurons pas l'autonomie en carburant suffisante pour le trajet envisagé et nous n'avons plus d'argent sur nous pour pallier a quelque éventualité. La décision s'impose de rejoindre Opuwo ce soir même, par la route principale, tandis que nous avions envisagé de passer la nuit en chemin sur cet axe secondaire. Voici donc du temps, des kilomètres et de la fatigue dont nous aurions pu nous dispenser mais la situation reculée et isolée de la région demande une adaptation que nous ne pouvons ignorer.
Nous roulons à présent sur une piste de graviers et de sable blanc. 85 kilomètres de ligne droite. Quelques ranches isolés, quelques maisons disséminées et une abondance d'arbres dans une végétation sèche. Par ci par là nous dépassons un homme ou un enfant sorti de nulle part et qui nous tend la main, nous croisons une voiture qui soulève une poussière épouvantable. Nous atteignons un carrefour où nous sommes soumis à un contrôle de papiers. J'imagine l'attente impatiente des touristes pour meubler les longues heures de ces officiers de police, sur un poste de contrôle au milieu du néant, dans une région quasi désertique. De là nous bifurquons à 90 degrés pour monter à présent plein nord et avaler les 50 derniers kilomètres qui nous séparent d'Opuwo. Le paysage change. Les terres planes s'étirent et s'allongent pour dessiner des collines boisées. Les bords de routes sont jonchés de plantes. Le ciel s'éclaircit pour devenir d'un bleu limpide. Apparaît Opuwo, une ville peu développée qui s'étire le long d'une unique artère principale, mais dernier rempart avant de s'enfoncer dans le désert du Kaokoland. Nous venons d'arriver et, traversant le village, nous rencontrons Hélène en compagnie de Jimmy, son traducteur. Nous lui remettons le sac que nous avons transporté pour elle depuis Windhoek. Elle est arrivé hier soir après une journée de taxi et a déjà fait la rencontre de Kantjambia et Omouniangué, chez qui elle doit vivre les semaines et mois futurs. Ces derniers sont venus à Opuwo pour diverses raisons personnelles et habitent sous une tente installée un peu plus haut dans le village. Avant que le soleil ne disparaisse, nous grimpons au sommet d'une colline par une piste de terre défoncée, installer notre propre campement dans un camping sur les hauteurs de la ville.
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Rencontre d'un autre type

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Jour 16 :
Tard dans la nuit ou tôt sur le matin, lorsque la lune a disparu, un ciel limpide scintille d'étoiles et dessine un toit illuminé de milliers de lanternes. Je ne reconnais pas ce plafond nocturne qui n'existe pas dans notre hémisphère nord. Pas de camp à lever ce matin ce qui représente un confort oublié. Nous profitons de la chaleur des sacs de couchage et laissons le soleil monter dans l'azur et ainsi le soin de réchauffer l'intérieur de notre maison de fortune. Le vent fait claquer la toile. Lorsque nous passons la tête à l'extérieur de la tente, les emplacements voisins, la veille occupés par d'autres voyageurs, sont tous vidés. Nous sommes seuls occupants du camping,  et ces heures matinales sont l'occasion de nous remettre à neuf, sans avoir comme impératif proche de tout ranger et de quitter notre espace d'une nuit. Première matinée où nous prenons le temps d'avoir le temps. Petit déjeuner dans l'herbe, lessive, vaisselle…Posté sur les collines d'Opuwo, je réalise ma présence dans le Kaokoland. Depuis des mois, j'ai appréhendé cette région à travers la lecture du  récit de Solenn Bardet, le visionnage de reportages et documentaires télévisés, l'échange écrit avec Rina Sherman et bien d'autres encore ayant côtoyé de près ou de loin la vie dans ce milieu si particulier. J'ai appris à connaître et ressentir autant que cela reste possible, la vision et la vie de la particularité ethnique qui peuple cette région : Les Himbas. A mon tour, aujourd'hui, je me trouve dans le nord du pays, sur les hauteurs de la dernière ville avant de pénétrer dans le Kaokoland, sur le territoire de ce peuple de pasteur nomades.
A travers un sentier qui sillonne dans les terres arides, nous descendons au village. Une rue principale orientée selon l'axe nord-sud permet de se repérer facilement: Epupa vers le nord ; Sesfontein vers le sud. Une station d'essence, quelques supermarchés. Des cases cubiques disséminées ici et là. A Opuwo il semble ne rien avoir à faire ; rien sinon observer la vie locale, le mélange des cultures, des communautés. Les femmes Héréros arborent leur typique tenue colorée : robe longue et coiffe surmontée de deux sortes de cornes horizontales, un peu à l'image des femmes noires américaines de Louisiane. Les femmes himbas, la peau rougis par l'ocre, les seins nus, parées de leurs ornements traditionnels attirent l'œil du curieux. D'autres cultures se mêlent à ce mélange atypique, telles les Dzimbas, dans un échange oral réuni autour du socle commun de la langue Otjihéréro, même si chaque peuplade possède son propre dialecte. Scène étonnante si l'on sort du contexte et de la réalité présente, que d'être à la caisse d'un supermarché avec son caddie, se retourner et se retrouver nez à nez avec une femme rouge, à demi nue.
Nous croisons Hélène et Jimmy avec qui nous passons quelques instants à discuter. Jimmy nous donne des informations utiles pour le suite de notre voyage. Sur ce, nous les laissons pour aller manger. Nous nous installons à l'ombre d'une petite bâtisse rectangulaire peinturlurée de jaune et de vert, sur laquelle on peut lire : "Kaoko info center". Juste à coté un campement Himba est installé derrière une clôture grillagée. Plusieurs tentes sont dressées. Un feu brûle, entretenu par un homme assis en tailleur. Des enfants s'approchent, un peu craintifs puis moins timides lorsque nous commençons à jouer avec eux. Le chef de famille vient nous trouver. Il nous montre un coquillage, symbole de fertilité chez la femme, qu'il renferme dans une poche en plastique. Il souhaite probablement nous le vendre. Devant notre refus, nous poursuivons une tentative de dialogue, usant de gestes pour traduire nos langages respectifs. Sa femme nous rejoint. Elle nous montre comment porter le coquillage. Nous rions. Ils nous laissent. Nous échangeons avec multiples personnes, parfois recourant à l'anglais dont quelques uns possèdent des rudiments. La littérature m'a faite découvrir ce peuple comme un trésor de l'humanité, non pas à conserver, le terme serait probablement déplacé, mais à aider à évoluer selon ses propres attentes et espérances. Comme souvent les trésors le sont, ce peuple est aujourd'hui en danger, et menacé d'une évolution qui entraînerai la disparition de leur culture. Ces premiers échanges sont souriants, touchant et accueillant.
Nous retrouvons Hélène comme convenu. Nous commandons des boissons dans un bar ; simple comptoir entre quatre murs, sans chaises, et animé d'une musique très forte. Nous traversons la route pour nous installer sur une bordure de trottoir, boire nos consommations en discutant de ce peuple Himba et de leur culture ; sujet qui retiendra une attention particulière pour la suite des événements.
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Epupa Falls

Jour 17 :
Nous reprenons le rythme des premiers jours. Levé à 6h15. Préparatifs matinaux. Le réchaud chauffe la bouilloire dont l'eau peine à bouillir. Une enveloppe lumineuse habille progressivement, de haut en bas, la colline face à nous, en même temps que le soleil grimpe et nous réchauffe bientôt. Bref passage au supermarché, puis à la station d'essence pour faire le plein de la voiture, beaucoup plus assoiffées que nous et difficilement rassasiable, à mois de la laisser inactive. Nous quittons la colonne vertébrale d'Opuwo pour nous diriger au nord, sur la C43, en direction de la frontière angolaise et des chutes Epupa. La ville est bien vite dissimulée tel un mirage derrière un nuage discontinu de poussière, avant de disparaître définitivement derrière les ondulations du relief. Alternance de pierre blanche et de terre rouge. Des campements et des villages apparaissent en des espaces plats et dégagés. Des huttes de bois et de terre brune entourées et protégées par une palissade de bois constituent le "graal", c'est dire l'habitat familial. Ici surgit dans un désert humain un être à la peau rougis, revêtu de peaux et coiffé de tresses étranges. Vision décalée d'une vie inconcevable dans un milieu hostile. Encore une illusion ? Non. Un Himba sorti des terres, qui sûrement précède son troupeau. Dans la voiture nous répétons des mots de vocabulaire local empruntés à notre lexique. Echange hésitant ! Des enfants nous font des signes depuis le bord de la piste. Nous stoppons le véhicule afin de mettre en exercice nos premiers acquis. Echec ! La première confrontation s'avère dénuée de sens. Nous nous appliquons, répétons les termes employés
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mais l'enfant n'en saisit le contenu. La prononciation est à revoir ! Il reste du travail…Le paysage s'aère davantage. La piste cabossée ondule, monte, descend, franchit de nombreux cours d'eau à sec. Les baobabs au tronc géant sont de plus en plus fréquent. Des collines et des petites montagnes donnent de plus en plus de relief. La vue prend une dimension  panoramique sur les versants bleutés de l'Angola qui barrent l'horizon. Des étendues gigantesques dessinent les limites du désert du Kaokoland. La présence d'arbres se densifie. Les palmiers se multiplient. Des amas rocailleux complètent le décor sauvage. Voici  Epupa. Nous rejoignons un lieu de pèlerinage en quelque sorte, où j'imagine Solenn Bardet en compagnie d'un ranger débarquer pour la première fois par la même et unique route. Le Kunune barre la route, unique rivière du pays à couler toute l'année. De l'autre coté c'est l'Angola. L'eau bouillonne déjà en amont des chutes, animé par des fonds rocheux. Et puis le brouhaha du déversoir qui laisse le cours descendre bruyamment son lit. Un site splendide, vaste, exotique se dévoile de manière inattendue. Non…pas une…mais deux, trois, dix chutes, bien davantage encore, plus petites ou plus grandes, qui fendent le sol et le fissurent d'autant de cascades qui dévalent un paysage rocheux, brun, à la végétation dense verte, jaune, grise. Nous suivons l'étendue des chutes le long d'un petit sentier difficilement visible. Avec le soleil qui baisse, la lumière donne des reflets vifs aux couleurs contrastées. Au bord de la chute principale, l'eau gronde. Un arc-en-ciel enveloppe le rideau blanc et lourd qui s'abat avec fracas. La vision est vertigineuse. Depuis la terrasse surélevée du camping situé sur les rives, nous prenons un verre avec un couple de français, profitant du couché du soleil sur la rivière. En terre étrangère, je n'apprécie pas forcément les rencontres avec mes compatriotes, même s'il est intéressant d'échanger. Parfois il semble que ceux à qui on parle ont déjà tout fait et tout vu. Pas besoin d'aller à l'autre bout du monde pour faire ce genre de rencontre mais il est plus difficile d'échapper à la promiscuité lorsqu'on se trouve isolés à l'autre bout du monde.
Sur la rive opposée un énorme crocodile ne se préoccupe pas de ce genre de litige. Etendu sur un tronc d'arbres, il somnole, inerte depuis un long moment déjà. Lorsque la nuit tombe, la douceur étonnante de la soirée rend très agréable les derniers moments nocturnes.
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Jour 18 :
L'écoulement d'une rivière est apaisant et son bercement relaxant. Pourtant, je ne sais pas s'il s'agit du vrombissement des chutes ou bien de la légère inclinaison du sol- probablement un peu des deux- mais ma nuit a été saccadé par des réveils successifs. Au lever du soleil, Epupa s'éveille dans le flot ininterrompu de la rivière. Le lit du Kunene est recouvert par les couleurs pales d'une palette qui s'éclaircit de plus en plus vivement avec l'aurore fuyant. Nous profitons du début de journée bucolique. Nous avons peine à quitter ce lieu enchanteur et vaquons à d'autres occupations pour retarder le départ. Longuement nous observons les berges depuis la terrasse. Nous scrutons les formes animalières des rochers immergés avec une attention redoublée pour tenter de mettre à jour la présence d'une carapace granuleuse d'un géant des eaux. Seules des empreintes de pas sur un îlot de sable parviendra jusqu'à nos rétines à travers les verres de jumelles. Nous quittons finalement " Epupa falls ". Le retour est aussi peu monotone que l'aller. Le paysage dévoile un visage nouveau avec une découverte de la vue côté sud. Nous ralentissons, nous arrêtons, et prenons le temps d'observer. Il y a beaucoup de monde sur les routes. Des hommes, des enfants qui conduisent les troupeaux de chèvres. Pour aller où ? Une jeune Himba nous fait signe sur le bord de la route. Nous nous arrêtons. Elle va à Epembe. Nous lui faisons signe de grimper à l'arrière du véhicule. Nous avons des difficultés à nous faire comprendre. Nous installons un petit coin délicat ou elle pourra
s'asseoir sur un de nos matelas déplié, au milieu des caisses et des sacs de provisions. La jeune femme porte tout ce qui permet de distinguer une fille de son âge ; le corps enduit d'ocre, les cheveux tressés d'une manière bien particulière, vêtue d'une jupe en peau. Elle porte bracelets, coquillage de fertilité au cou. Elle a peut être 15 ans. Nous dépassons l'embranchement du village mais elle nous fait signe de continuer. Plus loin, guettant ses indications, elle nous montre la direction opposée. Elle s'apprête à descendre mais nous lui indiquons que nous faisons demi-tour. Un petit chemin quitte la piste principale et s'enfonce vers la droite. Nous le prenons bien que le passage soit peu marqué et d'un accès peu aisé. Apparaît un petit campement isolé constitué de deux huttes de bois. La jeune fille vit ici avec son père, et probablement sa sœur que nous croisons en repartant. Elle nous remercie. Nous la saluons. Elle sourit, nous fait signe, puis s'éloigne et disparaît. Visions d'un autre monde.
Nous continuons notre itinéraire. A l'ombre d'un grand arbre, sur le bord d'une piste qui s'étire à n'en plus finir, nous faisons la pause déjeuner. Au loin surgit la silhouette d'un enfant qui conduit son troupeau. Il se rapproche immanquablement, précédé par son chien, tenant un bâton d'une main, une bouteille de verre vide de l'autre. Il fait très chaud. Nous lui tendons une tomate qu'il dévore, puis remplissons sa bouteille avec l'eau de la notre. Nous tentons d'échanger quelques mots et parvenons à un semblant de conversation argumentée par des gestes et des mimes. Nous lui remettons une pomme puis grimpons dans la voiture. Nous le saluons. Il nous répond d'un geste, esquissant un sourire de remerciement.
A Opuwo nous retrouvons Hélène qui attend toujours son départ pour la vie sauvage. Katjambia et Omouniangué sont toujours installés en ville et attendent à priori une pièce pour leur voiture. Personne ne sait le temps que cela prendra. |Hélène commence à s'impatienter. Nous passons un moment ensemble puis allons faire des achats de sucre et de farine de mais que nous offrirons au cours des rencontres futures, comme il est coutume de le faire lorsqu'on côtoie des Himbas. Nous reprenons place au camping au dessus de la colline. Lorsque nous sommes installés, je discute avec Moses, un membre du site, et guide local. Demain nous devons rencontrer Tom. Tom est l'instituteur d'Etanga, un petit village ou nous devons nous rendre. Moses nous apprend qu'il était ici aujourd'hui. Où sera-t-il demain ? Bien qu'il y ait école, nous ne sommes pas certain de le trouver à l'école ! Fait étonnant mais qui semble bien réel. Nous tentons de le joindre mais le numéro est erroné. Moses se renseigne puis doit nous rappeler dans la soirée pour nous tenir informés.
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Photos d'Opuwo-Epupa falls

http://picasaweb.google.com/Destinationphotos/OpuwoEpupaFall?authkey=Gv1sRgCLGynLPIpP_rPw#
   

Kriss et l'école d'Etanga

Kriss et l'école d'Etanga
Jour 19 :
Aucune nouvelle de Moses ! Le matin nous avons rendez vous avec lui devant la station service, à 8 heures. Il n'y est pas. Je l'appelle. Après des explications plus que douteuses, il m'informe que Tom rentre à Etanga aujourd'hui. Comme convenu, nous lui remettons un peu d'argent pour le forfait dépensé au cours de ses appels. Il me demande 30 dollars namibiens. Je ne suis pas daccord et le lui fait savoir. Je lui remet finalement 10 dollars, puis nous nous quittons. Toutes ces incertitudes, et cette dépense d'énergie pour savoir où sera l'instituteur auront donc été inutiles. Nous prenons la route d'Etanga. La piste dans sa première partie n'est pas aussi mauvaise que ce à quoi nous nous attendions, même si la conduite nécessite une vigilance de chaque instant. Le paysage s'étend dans la démesure. Nous croisons pour n'ainsi dire aucune vie. Plus nous nous enfonçons dans les terres intérieures, et plus nous ressentons l'isolement. Quelques villages esseulés. La piste se détériore au point de devenir limite praticable avec notre véhicule. Nous roulons par secteur à 20 km/h. Les derniers kilomètres sont longs, usant, et le large sillon de terre rouge que nous suivons rend le paysage monotone. Enfin Etanga ! 100 km et 3h15 de conduite. Quelques cases pointent, quelques habitants apparaissent. Nous n'avons pas mangé. L'ombre d'un gros arbre à la sortie du village semble l'endroit parfait pour nous mettre à l'abri de la chaleur pesante et apaiser notre estomac. Nous distinguons des hommes à une centaine de mètres. Trois enfants approchent et s'immobilisent
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à quelques pas de nous, curieux par notre venue. Nous les interrogeons afin de connaître la direction de l'école. Ils nous renseignent par des gestes, mais n'ont pas pour autant l'intention de partir. Nous sommes contraints d'écourter note pause et de quitter notre emplacement sans avoir rien avalé, escortés jusqu'au portail de l'école. Un attroupement d'enfant ne tarde pas à se former. Aucun d'eux ni des adultes qui passent à proximité ne parle l'anglais. Nous arrivons malgré tout à comprendre que Tom n'est pas là mais à …Opuwo ! Aie !!!  Une collègue de l'école approche du portail. Elle est au courant de notre venue. Après nous avoir confirmé que Tom n'est actuellement pas ici mais qu'il doit rentrer dans la journée, elle nous fait entrer. Nous garons la voiture à l'intérieur de la cours de l'école puis la suivons pour une visite des classes. L'institutrice s'appelle Téopoldine. Elle nous présente à ses élèves. De façon interposée nous nous présentons, les interrogeons sur leur connaissance de l'anglais et sur leurs apprentissages. Téopoldine nous explique le fonctionnement de la classe. Dans une autre salle nous rencontrons Kriss, qui deviendra notre traducteur auprès de la population locale, ainsi qu'un interlocuteur auprès duquel nous apprendrons beaucoup des coutumes et de la vie indigène. Il y a 105 élèves au total  répartis sur plusieurs niveaux. La plupart d'entre eux viennent des environs d'Etanga mais certains habitent à plus de 25 kilomètres et parcourent le trajet à pied. Pour cette raison en particulier les élèves dorment à l'école et ne rentrent chez eux que le week end. Nous discutons longuement avec Kriss puis partons ensemble faire un tour du village.
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Le conseil du village

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Sur le bord d'un petit chemin qui s'élève vers le centre du village, neuf hommes sont rassemblés en cercle, au près d'un arbre. Certains semblent à moitié endormis, d'autres enivrés par l'alcool. Il s'agit du conseil du village. Séance plénière ou réunion informelle ? Toujours est-elle que l'activité de ces hommes semble réduite à son minimum ! Pourtant nous avons rapidement l'impression de passer devant un tribunal. Les visages sont fermés, pour certains anesthésiés par les bières ingurgitées. Le chef prend la parole, et nous questionne sur les raisons de notre venue ici. Kriss leur expose le lien qui nous relie à Rina Sherman. Les hommes la connaissent. Nous avons eu l'écho de quelque antécédent avec elle dans le village, aussi nous souhaitons être discret et éviter de trop s'étendre sur le sujet. Kriss est très bavard et nous ne maîtrisons pas les échanges qu'il a avec le conseil. Nous parlons du centre de recherche créé à l'époque de Rina Sherman, et qui ne fonctionne plus aujourd'hui. Ils veulent connaître notre rôle, et les informations que nous avons à propos de ce dernier. Puis nous parlons de notre volonté de rencontrer la famille Tjambiru chez laquelle a vécu Rina plusieurs années auparavant, et à laquelle nous apportons photos et lettre. L'atmosphère se détend. Le premier conseiller du chef prend la parole et nous questionne à son tour. Peu à peu les langues se délient. Le temps d'observation est écoulé, et les membres du conseil y vont chacun de leur évocation de faits, de leur remarque ou de leur question. Ils nous demandent des boissons. Nous connaissons le problème qui existe vis-à-vis de l'alcool, et cette demande nous met dans l'embarras. Pour le moment nous n'avons rien avec nous, et le leur disons, ce qui nous permet de gagner du temps. Il semble que nous ayons réussi notre examen d'entrée au village, et notre droit de passage. Ils nous souhaitent la bienvenue. Nous les remercions puis poursuivons notre promenade vers le village.
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Omukurukaze

Nous pénétrons dans la  première échoppe qui fait office d'épicerie de village autant que de bar dans lequel on peut acheter des boissons fraîches. Un réfrigérateur équipé d'un moteur thermique pour l'alimenter occupe un petit local, ce qui ne manque pas de retenir mon attention. Il s'agit de l'unique point d'accès électrique. Des femmes Himbas sont assises et discutent, dont la première conseillère de la reine Katjambia. Kriss renouvelle les explications de notre raison d'être ici, ce qui suscite des réactions, et permet de soulever les différents qui existent entre elle et le chef du village. Même au fin fond de l'Afrique, loin du confort et de la surpopulation, la guerre du pouvoir semble nous prendre comme témoin. Chaque arrêt s'éternise. Nous ne contrôlons pas la discrétion qui devait être la autre, mais nous sommes bien accompagnés, ce qui favorise d'une part le contact avec les villageois, et d'autre part notre compréhension de la vie locale. Le village se résume à quelques maisons mais la durée de la visite lui donne des allures de métropole. Un peu plus haut encore, dans le centre du village, quelques habitants sont réunis sous un abri sommaire constitué de quatre piquets de bois soutenus par un toit de branchages : la boucherie dans laquelle un morceau de viande rouge suspendu à un crochet sèche au soleil. C'est ici que nous rencontrons Omukurukaze, femme du feu chef, et mère adoptive de Rina. Nous ferons également la connaissance d'un des fils, Pokanjo. Les morceaux du puzzle s'assemblent. Nous apprenons à Omukurukaze que Rina est en vie, et que nous avons des nouvelles de sa part à lui communiquer, à elle et à sa famille. Notre interlocutrice nous donne une invitation chez elle demain matin à 9 heures.
Il fait très chaud. Nous avons soif, faim, et somme un éreintés par la chaleur. Nous rentrons à l'école où nous commençons par monter la tente. Kriss nous rejoint et nous discutons encore longuement avec lui. Pas vraiment le temps de se reposer puisque voici apparaître au portail de la cours, le premier conseiller du chef ainsi que deux autres membres. Nous leur offrons des chaises. Je les invite à feuilleter les pages du carnet photographiques du livre " Ma vie avec les Ovahimba" de Rina, dans lesquelles ils figurent tout trois. Ils se cherchent, se reconnaissent, décrivent et commentent les scènes où les lieux où ont été prise les photos. Ils découvrent le livre. Je leur décris brièvement son contenu. Cela les intrigue, et nous occupent !  Il ne perdent pas pour autant le sens de l'à propos, et
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nous redemandent des boissons fraîches. Je repars à la boutique acheter deux grandes bouteilles de boissons gazeuses, sans alcool. Ensemble, autour de notre campement, les pieds de chaises plantées dans le sol sablonneux, nous buvons de grandes gorgées pétillantes. Après avoir obtenu satisfaction et étanché leur soif, voici les trois hommes qui repartent.
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Le retour de Tom

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Tom rentre d'Etanga. Nous faisons sa connaissance. Beaucoup plus introverti que Kriss, il nous souhaite la bienvenu mais ne s'étend guère dans de longues discussions. Nous mangeons à côté de notre tente, à la chaleur de la flamme des réchauds. Nous rejoignons les quatre enseignants autour du feu pour boire un thé chaud. Le feu est leur cuisine et leur chauffage pour contrer le froid des soirées hivernales. Le foyer brûle à coté du petit bâtiment en béton dans lequel ils vivent, sans confort, sans électricité ni eau chaude. De gros pots en fonte déposés entre les bûches font chauffer l'eau pour la préparation des repas et des boissons, autant que pour la toilette matinale. De grosses bouffées de fumée rabattues par le vent, nous irritent les yeux. Dans la cours les enfants chahutent, rient, crient, dans l'obscurité des soirées écourtées par une nuit qui s'invite rapidement. C'est ce soir la pleine Lune. Nous sortons nos paires de jumelles pour observer notre satellite, et le faire découvrir à nos hôtes. En captant l'image qu'il cherche, Kriss est en admiration devant ce qu'il observe. Les jumelles circulent autour du feu entre les mains de Tom, Téopoldine et Jane qui ne tardera pas à retourner au lit, épuisée par une fièvre qui persiste depuis hier. Chacun découvre quelque chose de nouveau, une beauté inattendue. Nous invitons les enfants à pointer la Lune, la chercher dans le ciel scintillant. Ils ne tardent pas à comprendre la magie du petit instrument qu'ils ont entre les doigts. Les jumelles passent de main en main. A 20h Tom envoie les enfants se coucher ; ce qu'ils font sans rechigner. Ils rejoignent le bâtiment rectangulaire dans lequel ils s'alignent les uns à la suite des autres, les uns à coté des autres, sur des couvertures qui jonchent le sol. La vie en communauté par définition.
La journée fut longue, sans temps mort, forte en enseignements, et riche en rencontres. A notre tour nous allons rejoindre nos matelas que nous sommes contents de retrouver pour, nous l'espérons, une bonne nuit de repos.
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La famille Tjambiru

Jour 20 :
La nuit a été froide mais très reposante. Je prépare le café pendant que Luisa profite encore un peu de la chaleur de la tente. Dans les classes, la journée débute joyeusement par des chants en anglais. De manière très ludique les enfants, sans s'en apercevoir, se sont déjà mis au travail, avec un plaisir et une envie communicative. A 8 heures Pokantjo est là. Il doit nous servir de guide pour nous conduire jusqu'à la maison de la famille. Kriss nous rejoint. Ensemble nous quittons l'école. Nous laissons le village sur la droite, rejoignant l'oued asséché qui le borde, le suivons sur une longue distance. Nous bifurquons ensuite à gauche sur un petit sentier à peine visible, à travers une forêt de jeunes mopanes peu ombragée. La colline d'oHere, un grand dôme pointu, représenté sur le symbole de l'école, se dresse face à nous, et tient lieu de repère qui dirige notre marche. Nous apercevons la maison du premier conseiller du chef. A plus lointaine distance Pokanjo nous montre sa propre maison qu'il occupe à la saison des pluies. A cette période de l'année cette dernière est laissée à l'abandon. Il vit dans une seconde habitation plus proche du village, non coupée de celui-ci par la rivière en crue. Plusieurs kilomètres de marche nous emmènent au campement de Omokurukaze, de son vrai nom Kazinguraka. C'est ici qu'a vécu Rina. Deux petites huttes circulaires en bois tapissées de terre séchée constituent les habitats. Un enclos en bois retient quelques têtes de bétail. Mukaandjaou, dont les liens de famille m'a échappé, est en train de traire des vaches. Avec le lait, ajouté à de la farine de mais, elle fera du porridge, mais préparera également le beurre que les femmes mélangeront à l'ocre pour obtenir l'enduit dont elles se couvrent le corps. Kapandi, une des filles de Kazinguraka, nous rejoint suivi par une ribambelle d'enfants. Nous sommes accueillis, convivialement, avec le sourire. La mère est assise à l'ombre de peaux suspendues à des piquets de bois. Kriss, notre précieux interprète sans lequel rien ne serait possible, est le lien qui nous permet de communiquer et de comprendre davantage les conditions de vie qui sont celles des Himbas. Nous leur montrons le livre " Ma vie avec les Ovahimba " que je fais suivre partout depuis hier. Chacun et chacune peut s'y reconnaître. Ils découvrent les photos ainsi que le livre qu'ils feuillettent. La vie de Rina est collectée dans ces pages dont les personnages se trouvent devant nous. Nous possédons une lettre à leur attention, que nous confions à Kriss. Il prend
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le temps de lire, comprendre avant de traduire son contenu. Toute l'assemblée est réunie en demi cercle autour de nous- Omukurukaze, Pokanjo, mais aussi Kapandi, Katjekere, leurs enfants- et écoute attentivement le message de Rina à travers la parole de Kriss. La lettre est également adressée à d'autres membres que nous ne verrons pas mais dont les prénoms résonnent dans un coin de nos cerveaux. Kapandi semble la plus émue. Elle essuie de son avant bras quelques larmes qui perlent le long de ses joues. Nous leur remettons ensuite plusieurs photos prises également par Rina lorsqu'elle était ici, qu'ils rangeront dans la pochette en plastique dans laquelle nous les protégions. Nous apportons en offrande 2 kilogrammes de sucre et un paquet de thé, comme il est d'usage de le faire. Avec leur accord, le filmerai plusieurs séquences vidéos dans lesquelles chacun délivrera un message à l'attention Rina. Nous ne comprenons pas le sens des monologues adressés face à la caméra, mais nous sommes étonnés de la facilité à s'exprimer devant l'objectif. Suit une petite séance de photos à laquelle ils se prêtent volontiers. Katjekere va jusqu'à sa hutte chercher la coiffe en peau recouverte d'ocre dont se parent les femmes. Les vaches sont des animaux que les Himbas vénèrent car ils sont l'élément central de leur vie. Le bétail leur apporte la viande comme nourriture, le lait pour la fabrication de l'enduit pour le corps, ou encore la peau pour la confection de vêtements. La coiffe rappelle les oreilles de la vache, et c'est pour lui ressembler qu'elle s'en pare. Au centre du camp, le feu sacré brûle encore. Devant les cases, d'autres foyers sont allumés pour préparer la nourriture. Kapandi nous convie chez elle, dans un campement situé à quelques centaines de mètres de celui-ci. Nous rencontrons sa fille à qui elle nous présente, et son enfant né il y a trois jours. Nous pénétrons dans sa maison. Elle nous présente sa fille qui a accouché il y a trois jours et son nouveau né. Vêtue d'une seule jupe de peau, assise sur des couvertures, elle allaite son bébé. Elle est très fatiguée et à mal au ventre. Katjekere nous demande si nous aurions un médicament pour elle. Ces maux ne sont-ils pas que la normalité après un accouchement ? Nous ne voulons pas abuser de son accueil courtois malgré l'indisposition dans laquelle elle se trouve. Aussi nous la laissons se reposer. Le mari de Kapandi vient de rentrer. Il tient également à délivrer un message pour Rina. Je sors le caméscope. Kazondona, l'enfant adoptif préféré de Rina, est avec son père. Il a bien grandi en comparaison des photos dont nous disposons. La vie est vraiment étonnante. De petites cases bâties au milieu de rien, sous la chaleur d'un soleil cuisant. Aucun confort moderne bien entendu, juste le contact privilégié avec la nature dans sa plus simple expression. Il n'y a pas de vie sans eau. Or il n'y a pas d'eau à proximité ; l'aridité du milieu en laisse la certitude. C'est dans un trou creusé dans le sol qu'ils prélèvent la vie qui s'écoule sous terre. Une existence rudimentaire, tellement austère, mais vouée à l'essentiel. Après avoir pénétré l'intimité du quotidien de la famille, après de grands remerciements réciproques, nous reprenons la direction du village sur un itinéraire ou l'ombre des arbustes est d'un grand réconfort face à la chaleur. Le soleil tape. Nous avons chaud, soif. Le retour parait long pour parcourir les quelques kilomètres qui nous ramènent à l'école. Comment pourrait-on se plaindre lorsqu'on vient de côtoyer les restrictions qui sont celles de ces gens ! Kriss n'a pas pour autant cessé de parler. Nous discutons beaucoup avec lui. Luisa alimente la conversation. Quant à moi, je suis passif, étourdi par les coups de boutoir du soleil qui m'épuisent. Nous sommes de retour à la tente. Toujours avec beaucoup de pudeur, à l'abri des regards indiscrets, nous mangeons discrètement, abrités par l'arrière de la voiture.
La vie dans l'école ne cesse jamais durant la semaine. Le rythme est articulé par les coups de cloches frappés par les enfants. Ils oeuvrent pour préparer l'eau des professeurs, faire la vaisselle, apporter le bois pour alimenter le feu. Ils sont les acteurs de leur quotidien, non assisté pour cela pour de tierces personnes. Toute la matinée ils se relaient pour aller se laver dans le petit abri de tôles prévu à cet effet, à une extrémité de la cours. A tour de rôle nous les voyons traverser la cour pour aller faire un brin de toilette. Il y a un seul puit dans le village équipé d'une pompe. Une vanne communique directement avec l'école. L'eau est une denrée rare qui doit être économisée. Régulièrement un ou deux élèves sortent des salles des classes, passent le portail d'entrée, courent pour ne pas perdre de temps, et se dissimulent derrière un arbre pour un besoin naturel. S'il s'agit d'une fille, elle court un peu plus loin dans les terres, puis soudainement s'affaisse et disparaît derrière un monticule de terre, avant de resurgir quelques instants après, et revenir avec la même allure pressée.
Il n'y a rien à faire ici et pourtant depuis notre arrivée, nous n'avons pas de temps pour nous. Voici  Kazinguraka qui franchit le portail. Elle est âgée mais fait fréquemment le trajet jusqu'au village, pieds nus, sur les difficiles chemins de pierres et de sables. Elle suppose que la marche nous a fatigués, ce qui est vrai. Elle nous remercie encore pour ce que nous avons apporté, et n'oublie pas par la même occasion- ce qui apparaît comme la véritable raison de son passage- de nous demander de lui donner quelque chose à boire. Nous ne pouvons nous y opposer, aussi nous lui donnons quelques dollars avec lesquels elle ira acheter une ou deux bouteilles de bière à la boutique, et qu'elle boira plus tard à sa maison.
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Quel projet pour l'école?

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Au milieu des vas et vient, nous trouvons un peu de temps pour s'isoler un peu, prendre quelques notes, profiter de l'atmosphère particulière et prendre conscience d'où nous sommes. Tom nous rejoint. Nous souhaitons aborder avec lui le problème du centre d'activités développé plusieurs années auparavant. Ce centre a été laissé sans gérance, sans personne capable d'assumer son fonctionnement, et bien vite abandonné. Du matériel a été volé. Aujourd'hui un grand bâtiment tout neuf s'érige à la sortie du village, inutilisé, vide. Depuis hier Tom contourne le problème. Il évite le sujet. Nous nous montrons plus insistant. Par gène sûrement, par pudeur, il se montre très discret. Nous abordons plus précisément une question qui a été soulevée avec Rina, à savoir la recherche d'une aide financière. Tom s'ouvre. Nous parlons de l'école. Nous souhaitons nous engager dans des recherches de fonds, mais nous avons besoin d'en savoir davantage. Nous prenons des photos des bâtiments, visitons l'ensemble des locaux. La priorité serait d'acquérir des panneaux solaires pour approvisionner l'école en électricité. L'équipement en panneaux solaires apporterait potentiellement une grande avancée pour la vie dans l'école. Non seulement elle apporterait l'éclairage, mais également la possibilité d'équiper en chauffage, ou encore d'obtenir ne serait-ce qu'un photocopieur.
Kapandi, son mari et leur fils franchissent le portail de l'école. Ils nous rendent visite, et viennent nous demander des médicaments pour leur fille qui vient d'accoucher, mais également pour elle. Il y a plusieurs mois, Kapandi a eu un grave accident en trayant une vache. Affolée, les pattes arrière liées, la vache est tombé sur sa jambe. Kapandi a été transportée à l'hôpital, soignée, mais elle
souffre aujourd'hui de fortes douleurs. Nous donnons quelques cachets dont nous disposons dans notre modeste trousse de pharmacie, mais nous n'avons rien pour ses douleurs chroniques.
Ce soir nous préparons à dîner pour les instituteurs. Nous allons à la boutique acheter ce qui nous manque. La nuit tombée nous terminons de préparer le repas autour du feu, réunis dans l'ambiance conviviale d'une soirée plus douce que les précédentes. Le gros plat de pâtes que nous avons préparé offre une nourriture différente de l'alimentation peu variée qu'ils ont l'habitude de consommer. Jane est partie ce matin pour Opuwo à bord d'une voiture de police qui s'y rendait. Des visiteurs qui nous ont rejoints nous apprennent que la voiture a eu un accident juste avant d'arriver, et que Jane est blessée. Nous n'obtenons pas davantage de renseignement sur la gravité de la blessure, sinon qu'elle a été transportée à l'hôpital. La lune éclaire Etanga ce soir encore d'une forte clarté. La discussion se prolonge autour du feu, avant que l'heure du couché nous ramène à nos sacs de couchage.
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Un passager inattendu

Jour 21 :
Avant-hier Jane était malade. Depuis hier de plus en plus d'enfants sont atteints par une épidémie qui s'est répandue à grande vitesse. Ils toussent, éternuent, crachent, se mouchent avec leurs doigts. Il n'est cependant pas étonnant de constater une si rapide propagation des virus dans de telles conditions de vie. Les enfants dorment dans un seul et unique bâtiment, dans une seule et unique pièce, entassée les uns à côté des autres, allongés sur le sol, avec de simples couvertures pour se protéger des basses températures de la nuit. Dans le froid matinal, lorsque nous supportons largement nos polaires, eux déambulent la plupart du temps dans leur tenue d'écolier, short et chemise à manches courtes. Cela n'affecte pas pour autant le fonctionnement de l'école qui continue de s'animer au rythme des cours et des travaux journaliers. De quoi faire pâlir les fermetures de classe pour quelques cas non avérés de grippe A dans nos écoles! Avec le soleil rasant qui commence à poindre, lorsque la température devient très agréable, au commencement d'une nouvelle journée, nous marchons jusqu'au village prendre l'atmosphère matinale. A cette heure-ci la vie est réduite à son activité minimale. Le village fantomatique semble désert. Quelques hommes et femmes apparaissent ici ou là sur le seuil de leur maison. Derrière chacune d'entre elles, un feu brûle déjà. Pour la première fois depuis que nous sommes arrivés à Etanga nous marchons au pas du prélassement. Je ressens fortement l'ambiance du village, notre présence avec une sensation d'être déjà d'ici. Tout s'est fait si rapidement ; les rencontres, les échanges. Nous connaissons, 
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reconnaissons les villageois. Où bien sommes-nous réellement d'ici ? Une jeune femme descend la rue principale, un jerrican d'eau sur la tête. Nous tenons un semblant de conversation avec elle, puis la regardons s'éloigner et rejoindre sa maison. Au bas du village, dans le lit sablonneux de la rivière asséchée, nous imaginons la grande fête donnée au mois de juin dernier pour l'intronisation de la reine Katjambia. Des Himbas de toute la région étaient pour l'occasion réunis, campant sous des tentes tendues dans un gigantesque camping improvisé.
Tom vient nous saluer. Nous lui remettons 10 kilogrammes de farine de mais, et 2 kilogrammes de sucre pour l'école. A l'heure de la pause, en milieu de matinée, les enfants se dirigent vers la cuisine pour leur premier repas de la journée. Un bâtiment fait de hautes tôles métalliques maintenues par des piliers de bois abritent un feu sur lequel les enfants préparent eux-mêmes leur nourriture : de la bouillie obtenue avec de l'eau bouillante et de la farine de mais. Kriss organise pour notre départ une petite cérémonie. Sous l'œil attentif des enfants, ses jeunes élèves se livrent à des danses chorégraphies, et à des chants en notre honneur. Puis vient le moment de quitter l'école et Etanga. Nous saluons les élèves pour leur prestation, faisons de grandes accolades à Kriss, Tom et Téopoldine, les remerciant chaleureusement de leur accueil. Hier Jane était parti pour Opuwo dans le but de faire des photocopies. Quelle aventure lorsqu'on pense qu'il suffit chez nous de lever le couvercle du photocopieur pour tirer autant d'exemplaire d'un document qu'on le souhaite. Ici, il faut d'abord trouver un véhicule qui se rende à la ville, parcourir 100 kilomètres, passer la nuit sur place, attendre un véhicule pour le trajet du retour, et revenir les bras chargés de copies. Pas moins de 6 heures de transport et deux jours minimum d'absence ! Avec l'accident dont a été victime Jane, Kriss doit se rendre à Opuwo pour faire ce travail. Il profitera de notre voiture pour s'y rendre. Nous arrangeons donc une place à l'arrière du véhicule, puis quittons l'école par une piste défoncée sur laquelle il faut surveiller chaque centimètres carré avant de le franchir, traversons le village, refusons un passager que la police nous demande de transporter,  puis laissons définitivement Etanga derrière nous. Nous mettrons un peu moins de temps qu'à l'aller pour parcourir les 100 kilomètres de piste, tantôt mauvaise, tantôt plutôt bonne. Kriss nous guide jusqu'à la pension locale dans laquelle il passera la nuit prochaine, où nous le déposons. Demain il cherchera à revenir à Etanga, pour reprendre le cours du temps et de la vie d'une petite école du Kaokoland.
Hélène est toujours là, et apparemment encore pour un certain temps ! Nous la retrouvons à son nouveau domicile provisoire. Echangeant nos dernières expériences, racontant nos nouvelles rencontres et témoignant de ce que nous avons vu, nous passons autour de la table, sirotant un verre de je ne sais plus quel jus, un long moment à discuter. Mais il nous faut partir car l'étape de ce soir doit nous conduire, selon nos plans établis, à une distance raisonnable de Sesfontein. L'heure est déjà bien avancée, et il ne nous faut pas tarder davantage, sans quoi nous nous retrouverons piégés par la nuit.
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Soirée agitée

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La piste s'annonçait relativement bonne, mais nous désenchantons rapidement. Nos cartes indiquaient 120 kilomètres, les panneaux en indiquent 150. Les premiers kilomètres sont mauvais, et la vitesse moyenne très réduite. La route devient tortueuse, sillonnée, ondulée, encaissée entre les collines. Le soleil baisse dans l'horizon. Terre et arbres arborent de splendides teintes. Telle une montagne russe, les crêtes de l'onde formée par la piste dissimulent le tronçon de route suivant. Sensation garantie ! La luminosité baisse. Nous revoyons quelques animaux ; avertissement qu'avec la nuit tombante il faut doublement rester vigilants. Le relief se resserre, nous étreint jusqu'à un goulot d'étranglement en chicane dans lequel des éboulis de pierres et de gros rochers encombrent la piste. Un soupçon d'inquiétude. Et si la piste était bloquée ici ? Nous sortons du passage délicat sans trop de difficulté. Soudain nous arrivons sur un promontoire qui embrasse la plaine vers laquelle nous roulons, bientôt dans l'obscurité totale. Nous voulions éviter la conduite nocturne, peu recommandée, mais nous avons été trompés par l'état de la piste, et la distance à parcourir erronée de nos cartes. Nous devons continuer à rouler jusqu'à rencontrer un village. Enfin la route principale Korixhas-Seisfontein. Nous bifurquons à gauche, et roulons encore jusqu'à atteindre, 10 kilomètres plus loin, le village de Warm Quelle. Un camping est indiqué, à proximité de sources chaudes, indiquées à 6 kilomètres. Nous nous engageons sur la piste. Il est difficile de repérer les passages au milieu des arbres, malgré la lumière des phares. Rapidement nous sommes devant une barrière d'eau boueuse. L'obstacle n'est pas très large. J'enclenche la première, fait vrombir le moteur, m'engage sur le cours
d'eau et embourbe la voiture. Marche arrière. Marche avant. Après plusieurs manoeuvres je parviens à nous sortir du piège, non sans avoir pensé y rester prisonnier pour la nuit. Nous sommes fatigués de la journée de voyage et de conduite en terrain accidenté.. Nous n'avons pas l'intention d'aller plus loin pour ce soir. Nous stoppons la voiture à quelques pas de là, sur un terrain vague. Un enfant apparaît. Je le questionne pour savoir ce qu'il fait là. Il me répond qu'on peut contourner l'obstacle qui nous barre. Je ne comprends pas bien ce qu'il m'explique dans un anglais approximatif. Je lui demande de me montrer. Lampe à la main je le suis. En effet il y a la possibilité de contourner, mais qu'y aura-t-il après ? Nous en restons là. Le gamin me demande quelque chose à manger, ainsi que de l'argent. Pour le remercier, je lui donne un morceau de pain que nous avons pour dîner. Je n'avais pas remarqué que nous étions stationné juste devant une école. Bientôt ce sont deux, trois enfants puis des dizaines qui surgissent dans l'obscurité partielle, et nous entourent. Eux aussi veulent un bout de pain, ou un gâteau sec. Telle une nuée d'insectes qui volettent autour d'un fruit trop mur, nous sommes assaillis par ces enfants sortis de leur dortoir. Je remonte m'installer au volant. Ils cerclent la voiture, les mains tendues à travers les vitres entrouvertes. Je ressors en hurlant. Ils s'éloignent en courant puis revienne à l'assaut, comme un banc de poissons se disperse et se reforme après un brusque mouvement dans l'eau. J'ai un paquet de chips à la main et celui-ci fait l'effet d'une bombe à retardement. Je ne sais qu'en faire. Je leur ordonne de se calmer. Certains tentent de me le subtiliser, d'autres d'être pris en pitié. Où je pars sans rien donner à personne, risquant d'être escortés longtemps encore par la garde enfantine, ou je laisse le paquet et craint l'émeute pour quelques miettes de chips écrasées. Après plusieurs tentatives, je finis par les isoler à l'intérieur de la cour de l'école, derrière la barrière qui délimite l'espace. Je donne le paquet à une petite fille. Débrouillez vous. J'en peu plus ! Je rejoins Luisa qui observe la scène, tourne la clé du démarreur, et nous filons plus loin nous réfugier à l'abri de la horde de gamins. Nous emménageons l'arrière de la voiture afin d'optimiser le confort de nos couches, entre les jerricans, les boites en plastique, la nourriture et nos sacs, sans oublier la deuxième roue de secours. Des enfants ont vu la lumière des torches et on déjà rejoint notre nouveau site. On les entend chuchoter, les apercevons se déplacer, se cacher derrière les arbres. Installés confortablement sur les matelas, nous restons en alerte, l'œil éveillé aux bruits ambiants. La musique hurlante des bars du village résonne bruyamment. Des chants montent de l'autre côté du terrain vague. Des hommes ivres, gémissent, crient, titubent et passent à proximité de la voiture. Nous finirons par nous endormir…
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Photos du Kaokoland: Etanga et les Himbas

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Quatrième partie: Le Damaraland et la côte ouest

Twyfelfontein

Jour 22 :
A 7 heures, nous sommes prêts à partir. Nous quittons le village encore endormi. Après une dizaines de kilomètres environ, Luisa aperçoit sur le bord la route trois animaux tachetés aux allures de félins. Il nous faudra quelques secondes pour reconnaître des guépards. Nous les observons autant qu'eux nous observent, sagement installés sur les fauteuils de la voiture. Nous les épions, suivons leurs déplacements. Leurs silhouettes élancées se faufilent dans les herbes. Ils disparaissent derrière des buissons épais, puis réapparaissent l'instant d'après. Bien qu'abrités derrière les vitres de la voiture, nous ressentons une légère inquiétude, tout au moins la menace de l'instinct sauvage. Le plus hardi grimpe au sommet d'un haut monticule de terre pour jouir d'une vue aérienne sur les alentours. La piste libre, malgré notre présence non malveillante, l'un après l'autre ils  s'élancent pour traversé la piste d'un pas accéléré, se sentant certainement observés. Ils disparaîtront  de l'autre côté.
Nous ne pensions pas rencontrer ce genre d'animaux ici, si proche d'un village. Et dire que nous avons dormi dehors…Cette rencontre amorce la journée de belle manière. Nous repartons, traversons des décors qui changent au fur et à mesure que nous descendons vers le sud. Les collines d'hier se sont affinées, embellies par les couleurs de l'aurore. De géantes plantes vertes forment des monticules sur le sol. De petites montagnes s'érigent, au sommet érodé comme coupé d'un coup de sabre franc. Springbok, oryx, girafes peuplent de nouveau la région. Les nombreuses rivières que nous traversons ne sont plus asséchées. Le Kaokoland est désormais loin derrière nous.
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C'est à Twifelfontein que nous ferons halte. Il est de bonne heure lorsque nous plantons la tente sur le terrain sablonneux du camping au bord d'une rivière à sec. Dans son lit s'aventurent parfois les éléphants du désert. Il est tôt mais il fait déjà chaud. Nous avons de la fatigue à récupérer. Je me sens assez faible. Une boisson fraîche au comptoir du bar ventilé, et quelques heures de repos sont de bon augure.
En milieu d'après midi nous allons sur le site proche de peintures rupestres. Sur une montagne de granite, de nombreuses représentations d'animaux ont été gravées par la main de l'homme 5000 ans auparavant. Malgré quelques recommandations qui nous ont été faites, nous trouvons la visite guidée d'un intérêt quelconque. Un peu plus loin la montagne brûlée présente la particularité étonnante d'avoir l'aspect de roches carbonisées. Tout proche, l' " organ pipe " nous dévoile des tuyaux de granite formés sur de longues périodes géologique de plusieurs millions d'années. Un jeune allemand en train de détruire des roches en la frappant d'autres cailloux se verra prendre une belle engueulade de la part de Luisa, sous l'œil peut regardant de ses parents. La promenade est agréable, reposante, mais notre attention se porte davantage sur le couché de soleil rouge qui tamise les montagnes du Damaraland.
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Suivons le Brandberg!

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Jour 23 :
Une bonne nuit de sommeil, et nous voici revitalisés. Ce matin nous prenons la direction de Uis. Le paysage change encore. Des amoncellements de blocs géants forment de petites montagnes qui semblent faites de la main de l'homme. Un archipel de collines coniques flotte sur une mer verte et jaune de végétation omniprésente. Etonnante nature! Nous laissons la piste secondaire pour bifurquer vers l'est. Nous pénétrons sur un sol lunaire, un terrain vierge flanqué de montagnes rouges. La piste de sable et de terre est l'occasion pour une conduite plus sportive, plus poussée. L'entrée dans des bancs de sables entraîne la voiture dans une danse grisante. Soudain la piste se rétrécit. Des ramifications se détachent à droite puis à gauche. Nous poursuivons tout droit, sans ne plus trop savoir ou nous allons. Il est 10h30 du matin, le réservoir d'essence rempli, alors nous n'avons pas de raison de nous inquiéter. Le massif du Brandberg se trouve à notre droite, ce qui est gage de la bonne direction suivie. La piste étroite débouche sur une rive de l'Ugab, une large rivière non asséchée. Le passage semble compromis. Je ne tiens pas à nous ensabler ici. Un homme surgit, un panier de minerais à la main. Le massif est réputé pour ses pierres semi précieuses. Il m'affirme être sur la route C35, ce que je ne me résous pas à croire. Selon lui les bancs de sable sont durs et il n'y a aucun problème pour traverser. Je reste dubitatif. Malgré tout je décide de lui faire confiance. Luisa achète une pierre d'améthyste. Recommandation faite de mettre les gaz sur le départ de la rive, nous nous élançons sur la rivière. Le sable dur ne se dérobe pas sous les roues, et le niveau de l'eau est
suffisamment bas pour nous permettre d'effectivement traverser sans encombre. Sans cet homme, nous étions quitte à faire demi-tour. Continuant de rouler arbitrairement, nous finissons par retrouver un axe secondaire, puis quelques kilomètres plus loin arrivons au pied de la plus haute montagne du pays : le Brandberg. C'est dans un camping proche du site que nous passerons la journée.
Nous sommes accablés par la chaleur sèche qui rend l'atmosphère pesante. Jeux de cartes, lectures, farniente constitueront  nos activités relaxantes de l'après-midi. Dans le petit parc agréable du lodge à côté duquel nous sommes installés, différents animaux font l'animation : de petits suricates se dressent sur leur pattes arrières à l'intérieur du bar, un springbok broute l'herbe ou à défaut les tibias des visiteurs. La vue que l'on embrasse en grimpant au dessus du lodge dévoile un panorama étonnant. Le couché de soleil sur le massif nous confie le secret de ses origines : des couleurs de feu sur les versant exposés de la montagne brûlée du Brandberg.
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Un springbok encombrant!

Jour 24 :
Le soleil montant illumine la roche granitique du massif, qui reprendra plus tard son aspect voilé rendue par une atmosphère particulière. Hier soir déjà, tandis que nous surveillions l'eau qui chauffait sur le réchaud pour y longer dès l'ébullition le paquet de pâtes de notre futur dîner, un springbok curieux s'est invité face à nous. Surprise ! Petit moment de stress en apercevant l'animal sur notre emplacement, dans la nuit. Ce matin il revient aux nouvelles, commence à me provoquer, la tête baissée, les cornes cherchant les jambes. Je le repousse, mais le mammifère revient à la charge. Il pousse de tout son corps, enfourchant mon tibia entre ses cornes. Heureusement sa force est facilement maîtrisable, et je contiens ses attaques en lui appuyant sur la tête. Mais l'animal insiste, lorsque je le rejette, il revient encore plus remonté. Je ne sais comment m'en débarrasser. Le voilà qui se met à faire des bonds verticaux  comme un ressort dont la détente pourrait le voir comme sérieux candidat à des compétitions de saut en hauteur. Luisa est morte de rire, et filme la scène. Pour ma part, je commence à me lasser de ses ruades répétées. Le couvercle en plastique de la boite d'ustensiles de cuisine me servira de bouclier contre ses armes corporelles. Enfin il finira par renoncer. Quel emmerdeur!
Nous reprenons la route, direction le sud et l'océan. Peu à peu la barrière de nuages à peine distinguable dans le lointain, se rapproche de façon menaçante, jusqu'à nous envelopper totalement. L'air se rafraîchit. Une brise se lève. Le relief montagneux a laissé place à des étendues infinies de
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sable. Les conditions climatiques ont changées. En 100 kilomètres de distance, à la chaleur de l'intérieur succède la fraîcheur océanique. La côte offre une vision austère. La végétation s'est réduite à son minimum. De petites montagnes noires balayées par les vents dessinent un décor aux allures funestes. C'est à Cape Cross, en suivant la piste de sel qui longe la côte, que nous entrons sur le domaine d'une des plus grandes colonies d'otaries du monde. Environ 150 000 animaux s'entassent le long de la plage rocheuse. Dans les eaux froides de l'atlantique des corps ondulent dans les vagues qui déferlent. Jeux, tété bruyante des petits, cris de colère des mâles se mêlent dans un brouhaha permanent. Toutes les scènes de la vie animale sont réunies sur un même tableau qui s'étend sur des centaines de mètres. Une odeur fétide prend le visiteur aux narines. Des hyènes rodent, cherchent leur proie. D'autres l'ont déjà trouvé et s'affairent à dépecer leur trophée avec acharnement, sans concession pour les rivales. Les petits égarés sont des proies faciles pour les prédateurs affamés qui errent patiemment sur les plages habitées.
Nous quittons ce sanctuaire de la vie animale. La cote des squelettes doit nom redoutable à l'inhospitalité de ses eaux. Preuve en est faite : une épave gît, planté dans le sable, frappée par le ressac. Nous arrivons à Swakopmund, une ville très contrastée avec le reste du pays que nous venons de parcourir.
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Photos du Damaraland

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Swakopmund

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Jour 25 :
Swakopmund est une élégante ville coloniale, marquée par l'empreinte allemande. De grosses villas huppées s'échelonnent le long de l'océan. Très colorée, la ville est une station balnéaire prisée par les habitants de la capitale. Dans les rues du centre, les boutiques artisanales foisonnent. Nous prenons plaisir à flâner. Nous avons l'impression ici d'être ailleurs, d'être entrés dans un nouveau monde que nous avions abandonné depuis un certain temps. En début l'après-midi nous roulons jusqu'à Walvis Bay, à 30 kilomètres au sud, le long de la côte. Depuis l'esplanade nous allons observer les nombreuses colonies de flamants roses qui vivent dans la baie. Après l'accueil froid d'un climat humide et brumeux, le soleil est aujourd'hui de retour. Sur la plage des centaines de méduses gisent, déposées sur le sable par la marée descendante. Nous rentrons en empruntant un itinéraire à l'intérieur des terres. Nous sommes déjà dans le désert du Namib même si cette portion ne dévoile pas une vision spectaculaire. La route qui trace au milieu du sable offre malgré tout le spectacle de quelques dunes régulières aux reflets argentés.
Nous passons la soirée dans un petit restaurant aux forts accents allemands. Pour la première il nous est donné la possibilité de goûter de la viande de Kudu, une chair relevée de gibier parfaitement assaisonnée. Pas de réchaud qui brûle à la clarté des lampes, pas de vaisselle à faire dans les bacs des sanitaires, ce soir nous nous faisons servir dans une ambiance chaleureuse et un confort oublié depuis deux semaines.
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La vallée des welwitschias

Jour 26 :
Le va et vient de l'océan berce encore notre sommeil lorsque, pour le  deuxième jour consécutif, des employés qui dorment sur l'emplacement voisin interrompent notre nuit aux aurores par des discussions bruyantes. Petit déjeuner pris, toilette effectuée, le moment est venu de plier définitivement la tente et de ranger le matériel de camping. Nous quittons Swakopmund et la côte. Plusieurs itinéraires sont possibles pour le retour. Nous choisissons de rentrer par le plus direct. Désireux de pénétrer un secteur du désert, nous nous retrouvons bloqués par des pistes dont le passage nécessitent une autorisation de circulation. Nous roulons déjà depuis plusieurs dizaines de kilomètres. Nous ne ferons pas demi-tour, mais changeons de cap, pour suivre la piste C28 qui trace plein est à travers les derniers contreforts du désert. Cet habitat extrême héberge une flore remarquable. Welwitschias est une plante atypique dont les deux feuilles uniques s'enroulent autour d'elles mêmes en séchant. Véritable emblème de ce désert, la plante dont la durée de vie peut atteindre 1500 ans, est une incroyable illustration de l'adaptation de la nature en milieu hostile. Nous en observons attentivement plusieurs spécimens remarquables étalés au soleil. La route est encore longue et parsemée de surprises. De gros cônes à l'aspect de velours jaunes pointent à grande distance. La route sillonne, slalome, se hisse au sommet d'un col dont les dernières pentes impressionnent, et dévoile un étonnant panorama. Des springboks, des zèbres, mais également des chevaux et des chèvres nous rappellent à chaque instant que la faune est omni présente. Jusqu'au
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bout, pour ne pas nous laisser le temps de penser que chaque kilomètre parcouru nous rapproche de la fin du voyage, le dernier tronçon vers la capitale nous surprend encore. Des singes nous observent. De gros mâles se dressent sur leurs pattes arrière, scrutent puis, apeurés, fuient rejoindre les petits déjà camouflés. D'étranges arbres blancs- la végétation serait-elle albinos ?- sortent du rocher, d'autres au tronc noir jaillissent d'un flanc de colline. Ici et là, la végétation curieuse force notre ébahissement. Plus rien. Le relief  se nivelle. La piste large de graviers et de sable nous permet d'avancer rapidement. Des maisons pointent ; quelques unes, puis plus nombreuses. Désormais c'est une ville qui se substitue à la nature. La boucle est bouclée. Retour à la capitale.

Jour 27 :
Nous quittons l'hôtel en milieu de matinée, et regagnons l'agence de location où nous retrouvons un Coenie bien plus complaisant qu'avant le départ. Sac sur le dos, nous retrouvons Justin avec qui nous avons rendez vous pour nous saluer avant le départ. Luisa fait sa rencontre, et est séduite par sa gentillesse. Nous lui offrons un café avant de nous séparer. Nous sommes dans un taxi en direction de l'aéroport. Arrêtés à une station d'essence pour faire le plein, prêt à repartir, je demande au chauffeur de patienter encore quelques instants. Justin arrive. Il tient dans ses mains un petit cadeau qu'il m'avait promis avant de quitter le pays : une girafe en bois qui restera longtemps dressée sur ses quatre pattes sur le bar de mon appartement.
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Photos de Cape Cross et de la côte

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Conclusion

Nous attendions un pays vaste, sauvage, contrasté, désertique parfois, inhabité souvent. Nous imaginions des distances importantes et des temps conséquents passés sur les routes et les pistes qui sillonnent le pays. Nous espérions des rencontres animales, humaines, en des secteurs différenciés, et la capture d'instants nouveaux, privilégiés, intenses. Nous évoquions le vent de liberté au grès des kilomètres parcourus au sein d'une nature maîtresse. Nous appréhendions cette même solitude sauvage dans le cœur de l'hostilité aride de terres isolées de la vie des hommes. Au plus fort des espérances, nous mesurions la chance de côtoyer dans l'instant présent la faune africaine telle qu'elle fait rêver les enfants et tout autant leurs aînés. Nous pressentions le caractère unique, intemporel, de nous trouver en présence d'un peuple d'un autre temps, voué à des pratiques ancestrales, dans un échange sincère, réel. Nous faisions de ce voyage une vision nouvelle de la découverte d'un pays, contraints par la nécessité d'une autonomie de motricité; libre de nos gestes, de nos déplacements. Libres mais astreints plus que jamais à suivre l'itinéraire dicté par le temps qui s'écoule comme le sable du sablier, dans la finalité de boucler un projet aux plans dévoilés. L'espace immense, déserté du vivant, du visible tout au moins, pour se retrouver à deux êtres perdus en quête de se trouver; un fil qui se tisse dans le maillage de la relation.
Des rencontres successives ont construit l'identité de notre périple. Sous le symbole de l'hospitalité, une semaine durant, j'ai parcouru cent fois les ruelles, monté, descendu les collines de la capitale; tantôt à l'allure désinvolte, tantôt au pas de course, comme un arpenteur assidu à sa tâche. Chaque détour m'a inlassablement reconduit sur les hauteurs ouest de la ville, où Justin, presque une semaine durant, m'aura accueilli le plus amicalement qu'il soit, et apporté le réconfort de me sentir chez moi.
L'arrivée de Luisa a marqué un nouveau commencement, et le début d'une aventure sur un terrain de jeux aux limites repoussées. Etosha, premier chapitre d'un périple imaginé, s'est montré à la hauteur de nos espérances. A la hauteur ? Peut être davantage. Un lien étroit se crée lorsque les êtres animés acteurs des livres animaliers se confrontent à la réalité. On ne se lasse pas de l'abondance, on s'en accoutume. Et lorsque les scènes se répètent pour devenir une normalité, surgit un événement extraordinaire pour venir fustiger notre ingratitude vis-à-vis de l'exceptionnel environnement qui nous reçoit. Nous vivons dans le cœur de la vie animale, invités tolérés que nous sommes, et donnons toute notre reconnaissance à mille merveilles qui s'y jouent. Force, puissance, ruse, agilité, élégance, sont autant de qualités qui dictent les règles de ce monde de fascination pour nous autres observateurs affamés, mais sans pitié pour celui qui règne en son sein.
Dans le Kaokoland, après avoir traversé la région la plus densément peuplée, au nord du parc, nous avons rejoint un lieu hors du temps, et succombé à l'appel des cultures en danger. Hélène a été notre premier appel d'air dans le dernier rendez vous citadin de la région nord. A Opuwo, c'est un mélange de tribus qui colore la ville, au milieu de laquelle quelques touristes se faufilent. Mais la véritable immersion aura été Etanga, un petit village de quelques poignés d'habitants. Pour cela il nous faut grandement remercier les
professeurs de l'école pour leur accueil et leur générosité. Dans cet environnement nous avons été confronté à la réalité de la vie des enfants scolarisés, aux impératifs du quotidien, aux conditions d'existence d'une culture aux antipodes de la notre. Grâce à Kriss, notre traducteur investi dans notre démarche, nous avons pu vivre la rencontre avec la famille Tjambiru dans le respect le plus total des individus, et transformer ces échanges en instants de partage. La promesse d'une rencontre authentique n'aura pas été vaine. Côtoyer ces hommes et ces femmes aura été une expérience humaine fascinante. Derrière des apparences physiques si extravagantes, une culture si éloignée, un mode de vie tellement archaïques, ce sont des êtres qui respirent le même air que le notre, vivent, aiment avec les mêmes émotions et les mêmes sentiments. Nous avons ressenti la joie, la tristesse, la douleur; langage du cœur, langage de l'âme pour exprimer universellement que nous sommes sur ce plan à égalité.
La grande variation des splendeurs naturelles nous aura étonnés à chaque instant. Montagnes, collines, rivière, océan, végétation rachitique ou forêt de mopanes, les espaces vierges nous auront fait connaître l'étendue de leur grande richesse. De la brume côtière au couché de soleil de carte postale, le peintre paysagiste aura dévoilé toute la complexité et la variété de son registre. De la capitale moderne au village d'un mode de vie traditionnel, les oppositions fortes auront contrasté avec éloquence. A travers l'abondance et le renouvellement permanent, en contact avec les hommes ou les animaux, la Namibie a repoussé les appréhensions de la monotonie ambiante et de la solitude, pour s'imposer comme une destination source d'aventure et d'émotions. Il existe encore bien des aventures à vivre…
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Annexe

Plan du parc d'Etosha: Plan du parc Etosha

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Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeuxMarcel Proust