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Sommaire

Introduction
Première partie: "Un enfant une vie"...un orphelinat à Tokpa Domé
        Arrivée à Cotonou...l'accueil de Franck
        Découverte de l'orphelinat
        Une journée à l'orphelinat
        Réflexion
        Promenade au village
        Départ
        Quelle course!
Deuxième partie: Escapade dans le nord
        Les rites vaudous de Dassa Zoumé
        Le fétiche de Dankoli
        Le musée régional de Natitingou
        Les chutes de Kota
        Nata et les tatas Somba
        Un défilé manqué
        Le féticheur de Taneka Koko
Toisième partie: Lokhossa
        Les hippopotames du lac Doukon
        La route des esclaves de Ouidah
        Le Kass club
        L'orphelinat
        Salutl'équipe...
Conclusion

Introduction

Chaque année revient inlassablement la question de savoir vers quelle destination se tourner pour l'été qui approche déjà. Le moment vient de définir un nouveau projet pour alimenter sans cesse un appétit insatiable de découvertes, de cultures nouvelles et de rencontres insolites. Dans la rotation périodique des continents se dessine l'Afrique.
Où que nous allions, au-delà de l'identité d'un pays, un dénominateur commun réunit chacun des voyages, relie chacune des contrées visitées. Ce vecteur convergent est la recherche de l'inconnu, la soif de l'imprévu. Relier entre elles les différentes balises posées avant le départ est l'objectif pour construire un itinéraire global et final. A chacune de ces balises se trouve un monument, une montagne ou un homme. Pour rallier chacune d'entre elle, il faut emprunter un bus local ou un taxi brousse, dormir dans une chambre d'hôtel ou chez l'habitant, se nourrir sur un étal de rue ou dans un restaurant plus élégant. Le schéma de construction reste identique, en n'importe quel lieu de la planète. A ce titre, voyager demeure une quête personnelle, la recherche d'une satisfaction exigée par son propre orgueil. Suivre une trace, celle que l'on souhaite dessiner, pour avancer sur ses propres pas, et poser ses empreintes sur celles des prédécesseurs. Que dois-je voir ? Que dois-je faire ? Pour répondre à ses attentes, étancher sa soif de désirs, on est prêt à franchir des kilomètres insensés, traverser le pays de long en large pour balayer au mieux les richesses inscrites dans les agences de tourisme. Ainsi l'écriture du voyage se répète, mais un jour les errances autosuffisantes ne sont plus gage de sens. Je traverse des contrées les plus pauvres pour ne pas être confronté aux automatismes d'occidentaux friqués, pour ne pas côtoyer la dollarisation du monde qui tend à abrutir les hommes et homogénéiser les peuples. J'aime me perdre dans les endroits oubliés pour rencontrer la dimension humaine et les ressentis les plus humbles. Pour autant, je suis moi-même cet occidental friqué à l'échelle du monde, qui se balade sur les plates bandes du jardin de la pauvreté. Où situer la limite de la décence ? Quelle proportion attribuer aux valeurs de partage, de pudeur et d'égoïsme ?
Au fil des années, le voyage prend une autre dimension. On ne se réveille pas un jour en se proclamant le sauveur du monde. Le temps fait mûrir la réflexion et oriente nos pas vers une approche différente, une conception nouvelle. Ce jour là, la prise de conscience de vouloir être acteur dans ses voyages, de ne plus continuer à prôner le partage et traverser un pays en fermant les yeux, apparaît comme une évidence. Ne plus être le simple rapporteur d'une réalité. Relater reste de l'ordre du devoir, mais agir devient un fait avéré, palpable, indiscutable.
Je désire aujourd'hui faire en sorte que ma passion, cette flamme qui s'auto entretient par l'oxygène de l'exotisme et de l'humanisme, apporte une contribution réelle. Je souhaite donner ce que l'on possède de plus précieux…le temps. Partager un peu, pour apporter un réconfort, de la chaleur, du savoir. Depuis que je voyage, je visite dès que je le peux des orphelinats, parfois m'égarant de ma route pour pousser un vieux portail rouillé. Ce ressenti me porte autant qu'il m'apporte, et dans l'échange des rencontres humaines, il offre la sincérité du partage d'émotions fortes.
Pour apprendre à connaître un pays, il faut s'en imprégner, rester sur place, vivre le quotidien qui fait la vie de chacun, et non seulement l'observer au pas de charge. Il faut apprendre à ressentir le vécu en l'approchant au plus près. Le voyage prend une autre dimension. Il se veut une démarche utile autant qu'instructive.
Pour maintes raisons, j'avais pris la résolution de ne pas m'envoler cette année à l'autre bout de la Terre. Et puis vient la période où les projets à court termes prennent vie. Vincent de son côté est dans une même quête. Tandis qu'il cherche vainement un but concret, un objectif palpable, il se heurte à des barrières qui le résignent quasiment à un voyage plus proche, plus court. Jusqu'à ce qu'il prenne positivement contact avec l'association " double sens ". Il partira un mois au Bénin, dont trois semaines dans un orphelinat, au sein duquel il oeuvrera à donner son temps et son savoir faire au bénéfice d'enfants du pays. Un projet est né. Ce sera le tremplin qui me fera laisser de côté les résolutions de l'été. Je ne peux pas partir un mois, mais je m'envolerai également pour le Bénin, avec la ferme intention d'aller au bout d'une démarche. De longues recherches m'apportent quelques contacts avec plusieurs orphelinats, et la possibilité de rejoindre les structures pour quelques jours, apportant l'aide que je revendique. Billet en poche, je m'envolerai donc pour Cotonou, ou après avoir été accueilli par Franck, un jeune local, je prendrai, sans aucune certitude, la direction d'un petit village du sud, à la rencontre des enfants de l'orphelinat " un enfant une vie ". Je passerai quelques jours en leur compagnie, apprenant leur quotidien et leur réalité troublante, avant de me lancer dans une course effrénée pour retrouver Vincent. Ensemble, en compagnie de deux autres françaises, nous partirons une semaines à la découverte du nord du pays. Des chutes de Kota jusqu'au pays Somba, à pied, en 4*4 ou en scotter, nous découvrirons quelques beautés insoupçonnées où les rencontres resteront toujours des instants privilégiés. Enfin nous rentrerons sur Lokhossa, ou je ferai la connaissance d'une équipe fort sympathique et hospitalière, ainsi que des enfants de l'orphelinat de " La providence ".
Dans ce pays aux dimensions réduites, voici le point de départ d'un voyage dont le cœur sera celui des rencontres. 
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Première partie: "Un enfant, une vie"...un orphelinat à Tokpa Domé

Arrivée à Cotonou...l'accueil de Franck

Jour1/Jour2: Il est bien difficile de rejoindre Cotonou. La capitale, ou pseudo capitale semble s'opposer à ce que je la gagne. Après les sept heures d'escale prévues à Casablanca, une attente interminable nous retient dans le hall de l'aéroport, puis dans l'avion et enfin de nouveau dans le hall. Le temps passe sans que personne ne soit en mesure de nous expliquer le pourquoi de ce retard. Nous ne savons pas si l'avion partira dans les minutes ou les heures qui suivent, ou si nous serons emmenés à passer la nuit dans un hôtel. On nous apporte des sandwiches mais il n'y en a pas assez pour tout le monde. L'organisation est totalement dépassée, et la tension se fait de plus en plus présente au fur et à mesure que le temps avance. L'avion présente un problème technique mais nous n'obtenons pas davantage d'informations. Beaucoup de béninois sont passagers du vol à destination de leur pays. Certains font exploser leur mécontentement. Des propos déplacés débordent. Enervement et lassitude cohabitent dans le hall. Il est deux heures du matin. On nous annonce que nous allons embarquer. Nouveau mouvement de protestation. Des passagers n'ont pas confiance, exacerbés par le manque d'information, et ne veulent pas embarquer dans l'avion. Il s'agit du même appareil, du même pilote, et du même équipage. Il n'y a donc aucune raison pour que les conditions de sécurité ne soient pas respectées. Je suis un des premiers à franchir le guichet d'embarquement. A deux heures trente, avec cinq heures et demi de retard, et la totalité des passagers à son bord, notre avion quitte enfin le sol marocain…
  A Cotonou, personne n'est plus informé de la tournure des événements et du retard annoncé. Franck est un jeune béninois qui doit m'accueillir à mon arrivée. Depuis deux heures vingt, arrivée initialement prévue, il patiente devant les retards successifs qui lui sont communiqués. Bien entendu, aucune information n'est indiquée et il doit s'adresser au guichet pour obtenir les renseignements.
  A la terre brune marocaine succède une vision verdoyante de parcelles de culture découpées sur le sol béninois. Cette représentation donne une perspective accueillante et hospitalière au pays. Il est neuf heures lorsque nous foulons le tarmac de l'aéroport. La douane franchie, j'aperçois une pancarte avec mon nom inscrit. Première information : Franck m'avait donné sa parole que malgré l'heure tardive il serait à l'aéroport pour m'accueillir ; il l'a tenue malgré une nuit à patienter. Je sais que je pourrai lui faire confiance ! Bienvenue en Afrique noire. A peine la porte de l'aéroport franchie, je comprends que je viens de changer de continent, de culture et de mentalité. Franck a stationné sa moto sur un trottoir non autorisé au stationnement. Un agent de police a profité de son absence pour enlever son véhicule et le mettre en fourrière. Il faut comprendre par là que la moto a été déplacée à l'intérieur du parking situé à dix mètres environ. Le policier demande 10 000 francs CFA pour la récupérer. Nous sommes en Afrique, ce qui implique que les négociations sont de rigueur. Nous voici engagés dans un long pourparler afin de convaincre notre interlocuteur de la stupidité de la faute commise, usant des conditions délicates du vol et de la nuit passée à attendre, comme motifs d'indulgence. Il faudra passer par trois agents et pas loin de quarante cinq minutes de discussion pour résigner le policier à nous rendre les clés, sans amende. Je suis entré de plein pied dans la magie et la stupeur du continent africain. Le voyage a déjà commencé depuis bien longtemps alors que je viens de poser pied à terre il y a quelques minutes.
  Mon hôte me conduit à travers le quadrillage de ruelles de terre et d'avenues principales goudronnées. J'invite Franck à déjeuner pour une pause bien méritée. Nous passons un long moment à parler de nos pays, de nos continents, confrontant la réalité de nos cultures, les difficultés de nos modes de vie. Nous échangeons nos points de vue, qui malgré des références distinctes sont finalement très proches. Pour lui, le continent européen n'est pas la terre promise qu'un grand nombre d'africains rêve d'atteindre. Ici, chacun doit se battre au quotidien pour gagner l'argent indispensable pour vivre, et que rien ni personne ne procurera en cas d'échec. Pourtant, la tête sur les épaules, il comprend que le salut de l'Afrique ne passe pas par l'ouverture des frontières de l'Europe. Chez nous se cache une réalité toute autre, avec ses propres problèmes, complexes, de société, qui ne saurait résoudre toutes les difficultés d'un continent qui souffre d'un mal profond.
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Découverte de l'orphelinat

Franck me conduit chez lui. Il me renseigne sur l'itinéraire que je vais devoir emprunter. Je monte à l'arrière d'un taxi et tente de me faire une petite place à côté des six passagers qui occupent déjà la banquette. La route est empruntée tant par les motos que les voitures, mais ce n'est pas le tumulte du Caire ni la cacophonie de Delhi. Il existe, malgré une certaine densité de véhicules, une relativement bonne fluidité dans les déplacements. Je descends à Ouidah. De là, je dois trouver une moto taxi, communément appelé zem. La chose n'est pas bien difficile étant donné le nombre conséquent de chauffeurs qui proposent leurs services. Je quitte ainsi la route principale pour une piste de terre argileuse qui se perd au milieu de cultures et de terrains boisés. Le zem me dépose au village de Tokpa Dome, dans la commune Kpomasse devant l'orphelinat " un enfant une vie ". De l'autre côté du portail bancal en bois recouvert de tôle ondulée, j'aperçois une petite cour en terre battue. Une dizaine d'enfants y sont présents ainsi que trois adultes dont un parle quelques mots de français. Cela n'est pas suffisant pour que soient comprises les explications de ma présence. Si le français est bien enseigné, le fon reste la langue parlée. C'est avec un adolescent de l'orphelinat, le plus âgé, que je communique. Je souhaite voir le responsable qui s'occupe du centre mais celui-ci reste introuvable dans le village. Je patiente dans la cour, tandis que quelques enfants, intrigués par ma présence, s'amusent autour de moi, et me montrent quelques livres. Enfin Francis, le maître, accompagné par Marie, une bénévole française arrivée il y a une semaine, font leur apparition. Le responsable de l'association qui gère le centre était informé de mon arrivée. Il vit à Cotonou et confirme ma version à Francis lorsque celui-ci lui passe un coup de téléphone pour l'informer. Les présentations faites, je m'installe dans la pièce qui ferra office de chambre, que je partagerai avec Francis. Mon lit de fortune sera un simple matelas de mousse posé sur le sol, enveloppé d'une moustiquaire pour me protéger des voraces insectes suceurs de sang ! L'orphelinat est constitué d'une cour centrale. Des bâtiments rectangulaires sont divisés et utilisés en pièces
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fonctionnelles, de part et d'autre de la cour : salle de jeux, dortoir, cuisine, bureau du maître. Dans le fond de la cour, quelques poules sont nourries dans un enclos. Une paillote est dressée à côté et tient lieu de salle de classe. A l'arrière du bâtiment principal se tient un autre bloc où sont installées les toilettes et les douches.
  Tandis que Marie fait cours avec un groupe d'enfants installés sous la paillote autour de tables d'école en bois, j'accompagne Francis au village, à quelques foulées de là. C'est aujourd'hui jour de marché, et le centre est coloré et animé. Vendeurs de fruits, de mais, de tomates, viennent étaler leurs récoltes durant toute la journée. Tokpa Dome est situé sur les berges du lac Ahémé. Aussi quantité de poissons séchés foisonnent sur les étals. Les femmes en habits de tissus colorés portent sur leur tête de grandes bassines en aluminium ; cliché authentique de l'Afrique noire telle qu'on la représente. Des habitants des villages voisins viennent par bateaux. D'autres viendront en fin de journée de Ouidah ou Cotonou acheter en gros les invendus.
  Nous rentrons à l'orphelinat. Certains enfants se sont remis au travail, d'autres jouent. Ils sont vingt six à vivre en communauté dans ce centre fermé, de quelques mois à quatorze ans pour le plus âgé. Ces gosses n'ont pas grand-chose, pour ainsi dire même rien ; pas de jeux, pas de jouets. Pourtant ils débordent d'énergie de vitalité et d'inventivité pour occuper leurs journées vides d'activité. Il n'est pas nécessaire de hausser le ton, aussi ombreux soient-ils. Ils font ce qu'ils ont à faire, sans rechigner, sans se plaindre, le plus naturellement qu'il soit, sans même la plupart du temps avoir à le leur demander. Ils courent, travaillent, réalisent les travaux quotidiens dans une organisation sans faille. Les plus petits sont aussi appliqués à ces tâches que les plus grands. Chacun apporte sa contribution, sa pièce dans le puzzle de la vie du groupe. Ces gamins ont une maturité incroyable. Ils donnent une leçon de courage.
  Après le repas du soir, ils s'amusent encore de longs moments, discutent, restent avec Marie et moi, assis sur les marches du petit escalier devant le réfectoire. Vers 22 heures, à la demande de Francis, chacun rejoint les dortoirs séparés des garçons et des filles. Les quelques heures qui me séparent de mon arrivée ont été placées sous le signe de la découverte, riche d'enseignements au contact de ces gamins, et de leur rythme de vie. La plupart sont des orphelins monoparentaux, placés dans le centre pour des raisons financières. Ici, ils apprennent les règles de vie en communauté et reçoivent une éducation en étant scolarisés. La présence d'une bénévole française est un gage d'échange, d'apprentissage accéléré aussi des habitudes de l'orphelinat et de ses locataires. Je rejoins à mon tour ma couche, m'allongeant sur mon matelas de fortune. J'ai du mal à trouver le sommeil. A minuit, je suis réveillé, surpris de l'heure si peu avancée de la nuit lorsque je regarde le cadran éclairé de ma montre. Quelques gémissements d'enfants, de l'autre côté de la cloison, perturbent le silence nocturne. Des insectes crissent dans des recoins de ma chambre. Il fait chaud ; je transpire. J'ai du mal à trouver une place confortable. La nuit est agitée, peu réparatrice…c'était ma première nuit à l'orphelinat… 
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Une journée à l'orphelinat

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Jour3 : Depuis longtemps déjà les enfants chahutent dans la cour. Certains sont au travail avec Marie sous la paillote. Je suis le dernier à me lever. Le petit déjeuner m'attend, protégé des mouches par un linge. Un morceau de pain accompagne un bol d'eau tiède et un sachet de thé sur une table à côté de l'entrée de ma chambre. Sous la paillote, Marie travaille avec six enfants du groupe CE1, sur une leçon de français. Comme tous les matins, ils ont installé le grand tableau à craie autour duquel ils ont pris place. Après avoir avalé mon petit déjeuner, je prends Maurice et Etienne avec moi dans la salle de jeux, provisoirement devenue salle de cours. Deux bancs serviront de table de travail pour poser le matériel et pour s'asseoir. Mes élèves s'affairent à écrire les tables de multiplication et à effectuer des opérations. Je les observe, appliqués et concentrés. Il est inutile de les motiver pour s'activer à la réflexion. Leur donner le travail à faire est le gage qu'ils se mettront immédiatement à la tâche. Nous voici plongés dans un apprentissage balbutiant, avec des méthodes improvisées, et un confort relatif. Ce sont eux les premiers demandeurs. Ils ont une envie d'apprendre à faire rougir nos élèves occidentaux. Pendant ce temps, les plus grands épient discrètement se qui se passe et réfléchissent aux problèmes posés. Mais ici, comme dans la plupart des orphelinats du pays, le matériel en leur possession est maigre pour ne pas dire inexistant. Alors durant la journée, ils se promènent avec le même livre, relisant toujours les mêmes pages, décryptant les mêmes syllabes, appliquant les mêmes consignes. Leur niveau est parfois faible mais ils sont fiers d'apprendre et de montrer leur savoir. Lorsqu'il y a du retard, ils viennent activer les choses pour se mettre au travail. Perversion de leur univers, ils ont une envie extraordinaire d'apprendre mais des moyens dérisoires.
  Vers dix heures, ils se réunissent pour manger la bouillie matinale préparée par la cuisinière qui travaille ici à plein temps. Toute sa journée est consacrée à la préparation des repas, au ravitaillement, à la vaisselle pour les vingt six locataires du centre. Le repas du midi est servi aux alentours de 13 heures. La 
nourriture n'est pas très variée. Igname, pâte noire, riz reviennent régulièrement au menu. Cette nourriture constitue le plat unique de chaque repas. Les enfants traversent la cour pour venir déposer les copieuses assiettes sur la grande table du réfectoire. Le repas servi, après s'être lavé les mains dans une bassine, les enfants viennent prendre place autour de la table, s'installer sur les bancs. Il est étonnant de les observer. Personne ne commence à manger si l'un d'entre eux est absent. Lorsque la communauté est réunie, une courte prière est récitée par un des enfants, bénissant le repas qu'il leur est offert. La nourriture est un bien précieux ; il ne viendrait à personne l'idée de la gaspiller. Après ce cérémonial, les petites mains faisant office de fourchette se mettent au travail dans un silence presque religieux. Pas de chahut. Peu de discussion. Pas de reste. Assiette copieuse mais assiette unique. Tout ce qui est servi est mangé, jusqu'au dernier grain de riz, jusqu'à la dernière boulette d'igname. Lorsque leur assiette est terminée, les uns après les autres, ils quittent la table. Dans le coin cuisine, deux ou trois d'entre eux s'activent bientôt pour aider à la vaisselle. 
  Ce matin le docteur s'est rendu dans le centre pour soigner les petits bobos. Il en est ainsi chaque semaine pour penser les petites coupures, les plaies.
  Dans les conditions présentes, certains faits ou gestes anodins peuvent prendre des proportions plus grandes, et devenir une épreuve redoutable. Aller aux toilettes en est une illustration. Ces dernières sont situées derrière le bâtiment principal, constituées d'un trou donnant dans une fosse. Lorsqu'il fait chaud, des dizaines de mouches vertes forment un tapis vivant sur les parois intérieures du trou. La méthode consiste à agiter les pieds pour faire s'envoler le nuage de mouches affolées qui s'agitent en bourdonnant violemment dans une odeur de fosse septique. Il faut se reculer pour éviter le front. La première escouade évitée, il faut affronter d'autres assiégeants résistant dissimulés à un niveau inférieure de leur garde manger, qui ne sortiront de leur antre que sous l'affront de projectiles! La seule présence ne laisse rien présager d'agréable ; l'avantage est que l'on ne traîne pas dans cet espace confiné que l'on a rapidement envie de quitter.     
  En début d'après-midi, le ciel s'obscurcit, présageant l'orage. Le tonnerre se fait entendre avant que la pluie ne s'abatte violemment sur le village. Immédiatement, les enfants réagissent et s'organisent. Ils rentrent le  linge étendu sur un fil, préparent les récipients qu'ils disposent sous les gouttières du toit pour récupérer l'eau, sous le regard des adultes spectateurs. Les rôles sont inversés. Les enfants sont acteurs, et nous sommes passifs. L'eau qui s'écoule des dalles métalliques du toit emplit les bassines. Je suis stupéfait de constater que la grande poubelle verte qui sert de réservoir pour boire est également emplit de cette manière. Il s'agit d'une eau douce, impropre à la consommation car totalement déminéralisée. Pourtant ils la boivent !   
  Si l'on est en fin de période des pluies dans le sud, il apparaît que cela n'est pas totalement terminé. L'eau continue de tomber franchement. L'atmosphère en est refroidie  et un peu de fraîcheur est le bienvenu. L'espace de vie se restreint encore. Sous l'impulsion de la musique du poste radio situé dans le réfectoire, les enfants se mettent à danser dans un style très local.
  En fin d'après-midi, avant que la nuit ne vienne plonger l'orphelinat dans le noir, les enfants défilent pour aller se laver. La douche est une petite pièce bétonnée munie d'une bouche d'évacuation. Chacun apporte un morceau de savon, et attend sagement son tour devant la porte en bois. Une adulte aide les plus jeunes, leur frotte le corps, avant de les rincer à l'aide du petit récipient qui permet de puiser l'eau dans un sceau.
  J'assiste à une scène de gavage assez impressionnante. Assis sur les escaliers du porche, Constantin, le plus jeune enfant d'à peine un an, est assis sur les genoux de sa mère, qui travaille à l'orphelinat (et s'occupe notamment de la douche des enfants). Autour d'eux un rassemblement s'est formé, pour porter assistance. Afin de le forcer à avaler sa bouillie pour ne pas avoir faim la nuit et ainsi ne pas la déranger, sa mère le tient sur le dos, la tête inclinée sur un côté. Un des enfants porte sa main contre la bouche du petit, tel un entonnoir, pour faire ingurgiter la bouillie. Sa mère le contraint à avaler le précieux liquide. Le petit crie, renvoie son gavage, mais subit les lois de la déglutition et finit par avaler de force.
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Réflexion

Jour4 : La nuit a été très bonne et reposante, bercée par la pluie qui a continué de tomber fortement. Le bruit des grosses gouttes frappant avec violence la structure métallique du toit témoigne de l'intensité des averses. L'accalmie qui règne en ce début de matinée ne sera que passagère. Je reprends mes deux élèves de la veille dans le dortoir garçon et tente de me faire entendre dans le vacarme qui a déjà repris. Le rythme de la journée s'écoule lentement, sans surprise, saccadé par les moments clés. Chaque jour qui s'annonce s'apprête à être une copie à l'identique, dans la répétition des événements quotidiens. Je m'interroge sur cette vie où demain ne sera que le recommencement d'aujourd'hui. Il n'y a pas de désir ni d'envie puisqu'il n'y a pas de tentation. Ici on a juste le temps de prendre le temps. Alors les enfants sont inventifs pour créer du renouveau. Ils ne sont ni tristes ni résignés. Et si à trop chercher sans trouver, l'équation de la vie se résumait en ces termes ? Nous pouvons nous questionner, nous, les enfants gâtés de notre société de consommation, sur les vertus de notre système. Les envies et désirs induits sont innombrables, permanents si l'ont ne fait pas abstraction des images bombardés en permanence par des vecteurs aussi nombreux qu'efficaces. Les possibilités réelles sont bien plus limitées car une société de consommation implique une société de consommateurs, mais aussi une société d'envieux, de parade. De ces sentiments naissent la frustration et la sous-estime de soi. Ici, les enfants sont tous à égalité. Aucun ne possède un bien qu'un autre n'ait pas. Il n'y a pas d'espoir perdu car il n'y a pas d'attente. Il n'y a point de désir puisqu'il n'y a pas de tentation. Ils partagent des valeurs qui sont communes et qui ne sont pas obscurcies par d'autres perversions. Les heures se succèdent, le temps n'en finit pas de s'écouler dans le sablier infini du recommencement. Je suis attendri de les regarder jouer et rire sans retenue. Leur vie est dure mais ils la rendent joyeuse.
Paradoxalement on entend parfois des pleurs esseulés d'un enfant puni par le maître, et qui a reçu plusieurs coups de spatules de bois épais sur les doigts. On ne comprend pas les raisons. Francis
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les aime et s'occupe bien d'eux, mais il peut être intransigeant sur certains aspects. Ces gamins ne doivent pas compter sur le réconfort des adultes pour soulager leur peine. Ils apprennent à vivre leur détresse, à mesurer le poids de leur chagrin. On devine une force qui n'est pas celle des enfants de leur age. Cette force est aussi leur faiblesse. Ils ont tellement besoin d'amour. Ils trouvent la tendresse dans la présence des autres, dans la vie solidaire qu'ils mènent tous ensemble, embarqués dans le même navire, secoués par les mêmes tempêtes. C'est leur famille, leur réconfort. C'est par moment malheureux, douloureux de les regarder chercher un réconfort, des bras pour pleurer, sans pouvoir intervenir. Ils vivent dans un équilibre fragile. On sent que ces mômes arrivent à surmonter la détresse parce qu'ils ignorent la réalité profonde de leur condition. Notre présence étrangère doit pouvoir apaiser cette peine, mais elle doit rester exempte de ressentis trop profonds, sans quoi cet équilibre fragile risque d'être rompu. 
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Promenade au village

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Si mon guide de route m'est souvent d'une utilité indéniable, jamais encore il n'aura tenu un rang aussi social. Les photos d'illustration sont d'un intérêt passionnant pour les enfants qui ne cessent de le réclamer afin que je les commente avec eux. Ils sont heureux de pouvoir voir des photos de leur pays, et d'apprendre en même temps de nouveaux mots.
  Marie et moi partons nous promener dans les rues du village, accompagnés de Francis qui sera notre guide de ballade. Le long des rues, les gens nous saluent. Même lorsque les échanges sont furtifs, on ressent énormément de chaleur, et de générosité. Dès que l'on s'écarte des allées principales d'argile, on se retrouve au milieu de la végétation abondante et des cultures où manioc, gari, patate douce sortent de terre. Nous rendons visite aux gens sous l'impulsion de Francis. Les maisons de terre dressent un tableau pittoresque dans cette composition rouge et verte. Ici on prépare le tapioca à partir des racines du manioc, là on coud des morceaux de tissus pour préparer les commandes. Il y a de nombreux couturiers dans les villages auxquels les habitants achètent la confection de leurs habits traditionnels. J'aime parcourir ces ruelles et ressentir la vie, simple, humaine. Au dispensaire, la maternité regroupe les mères dans une pièce obscure aux volets fermés. Nous nous arrêtons au seuil de la porte. La pluie a cessé. Le vent adoucit l'atmosphère et sèche la route. Une complicité naissante
rend les enfants de plus en plus attachants, Francis de plus en plus disponible. Le camp devient un lieu de convivialité. Je pense à demain lorsque je franchirai le portail métallique sans retour, tandis que Roméo baragouine je ne sais trop quoi dans sa langue maternelle.
  Les séances photos sont des instants adorés des enfants. Il est bien difficile de les surprendre, et il faut faire preuve de beaucoup de discrétion et d'adresse pour arriver à les photographier dans la spontanéité. Dès qu'ils aperçoivent l'appareil, ils se mettent en pause, où se rapprochent pour demander à être figé sur le petit écran. Ils aiment s'y regarder et s'en amusent. Afin de satisfaire la curiosité de chacun, les séances durent souvent longtemps. C'est un instrument magique qui vient surprendre leur quotidien et distraire leurs heures semblables. 
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Départ

Jour5: La pluie s'est encore fortement abattue durant la nuie. Les cris à répétition de Constantin ont perturbé les heures de sommeil, et écourté la nuit. Marie et Francis partent ce matin pour Cotonou, participer à une réunion qui groupe les membre actifs et bénévoles de l'association " aide et solidarité ", qui gère entre autre cet l'orphelinat. J'étais également convié mais je dois me rendre à Lokhossa rejoindre Vincent pour une escapade dans le nord du pays. Deux réseaux de téléphonie sur quatre ont été coupés par l'état pour non respect de contrat. Je me retrouve dans l'impossibilité d'appeler aux numéros que je possède. D'autre part l'accès à la France n'est ici pas possible, et il n'y a aucune connexion internet dans le village. Je n'ai aucun moyen de communiquer avec l'extérieur, et la réciproque est également vraie. Le seul moyen que je possède est de partir à la rencontre de Vincent et de mes futurs partenaires de voyage, à la recherche de l'orphelinat dans lequel ils ont travaillé trois semaines durant.
  Un zem attend Marie et Francis devant le portail de l'orphelinat. Je les salue car je ne les reverrai probablement plus. Ces dernières heures que je partage avec les gamins sont des instants dont je profite. Après déjeuner, l'heure de mon départ arrive. Je boucle mon sac, salue la cuisinière, et me dirige vers la cour. Les enfants sont autour de moi et ont déjà compris que j'allais quitter leur univers. On me demande si je vais revenir. J'aimerais leur répondre que oui, mais je n'ai aucune certitude, et je ne tiens pas à m'engager dans une promesse que je ne saurais tenir. L'avenir me donnera raison. Idrissou est accroché à moi depuis deux jours. Il tient à porter mon kway que je tiens à la main. Un autre se fera porteur de mon guide, un autre encore celui de mon sac. Ils veulent m'accompagner jusqu'au bout. Cela est touchant. Je n'ai pas fait d'éclat pour partir, et certains jouent dans les dortoirs. Beaucoup sont dehors et viennent me saluer. Roméane pousse quelques cris depuis le fond de la cour. Je contiens mon émotion pour ne pas laisser paraître un certain désarroi. Je ne les reverrai plus.
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Quelle course!

Une course effrénée derrière Vincent débute. Je possède des mots clés qui se résume à " Lokhossa " et " orphelinat ". Un jeu de piste commence. Je prends un zem qui me mène le long d'une piste d'argile à Segbohoué, jusqu'à la route nationale qui rallie Ouidah à Lokhossa. De là, je prends un taxi jusqu'à Lokhossa. A partir d'ici, il va me falloir de l'aide pour trouver l'orphelinat dont j'ignore l'adresse. Je rencontre dans le taxi un homme qui me conduit chez lui tenter d'obtenir des informations. Je n'arrive à joindre ni la France ni d'autre contacts que sa femme me fournit pour obtenir des renseignements. Il existe deux orphelinats dans des villages proches. A partir des maigres informations que je recueille sur chacun d'eux, je choisis de me diriger vers celui d'Athiémé. Le chauffeur du zem que je m'apprête à prendre m'indique une autre adresse dans Lokhossa même. Me voilà donc parti pour celle-ci. La béninoise enfourche son propre scooter et me suit. Sur place, il n'y a pas de français, mais on nous indique une seconde adresse. Nous repartons, jusqu'à l'orphelinat. Des blancs sont dans la cours…bingo ! Vincent est déjà parti…zut…Je me fait indiquer l'adresse de la villa où il loge. Je fonce à la villa sur mon zem, suivi de près par la béninoise, et bientôt rejoins par Louis, le responsable du centre. La troupe grandit d'étape en étape. Vincent et les autres sont partis il y a peu pour Abomey. Encore trop tard ! Mon zem me conduit pour prendre un taxi jusqu'à Sebowé, à mi chemin environ entre Lokhossa et Abomey, suivi de la béninoise, de Louis et de Silvestre, l'intermédiaire de la villa qui m'a reçu. Après mainte protestation et contestation sur les tarifs pratiqués, je monte à bord d'un second taxi. Nous sommes huit passagers… Je partage le siège conducteur avec le chauffeur. Lorsqu'il s'arrête payer les bakchich, me revient la charge d'appuyer sur la pédale de frein afin d'éviter au véhicule de partir en fraude. C'est la main munit d'un chiffon qui fait office d'essuie glace lorsque le pare brise ne permet plus une vision suffisante ! Tellement improbable que ça en est hilarant.  Voici enfin Abomey. Je me fais déposer sur une place d'où j'arrête un zem qui me conduit à travers des ruelles inondées, parfois impraticables, jusqu'au quartier que je me suis fait indiqué. Je demande si des blancs sont arrivés récemment ; on m'indique la villa juste à côté. Ouf ! L'adresse est exacte…mais Vincent, les filles, et notre guide viennent de repartir…me chercher…à la place où je suis descendu…Malédiction ! Encore manqué ! Je pose mon sac, et me voilà reparti à pied, remontant la ruelle principale pleine d'eau, et d'argile malaxé. J'évite les glissades, tente tant bien que mal de ne pas enduire mes chaussures d'une peinture rouge difficilement nettoyable, préserve au maximum mon unique pantalon ! J'aperçois Julie, Florence, …..et Vincent en train de boire un verre autour d'une table…Retrouvaille méritée…La journée de poursuite s'achève dans la bonne humeur et la convivialité, avec un bon repas, une longue partie de cartes puis un fou rire nerveux à cause du lit que je partage avec Vincent, et qui produit de drôles de craquements !

Photos de l'orphelinat "Un enfant, une vie"

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Deuxième partie:Escapade dans le nord

Les rites vaudou de Dassa Zoumé

Jour6: Ce matin nous quittons Abomey pour débuter une longue remontée vers le nord du pays. Dans quatre jours nous serons le premier août ; jour de l'indépendance du royaume d'Abomey, l'équivalent de notre 14 juillet. C'est aujourd'hui  répétition générale dans les rues pour préparer le défilé. Les différents corps d'armée s'échelonnent sur des kilomètres. Les routes sont bloquées, ce qui nous oblige à zigzaguer à travers des pistes boueuses, détrempées, parfois quasi impraticables. Nous perdons beaucoup de temps à tourner et virer pour éviter et contourner les obstacles qui se présentent. Par ci par là, un barrage (résumé en une ficelle tendue et deux ou trois béninois) nous arrête pour réclamer un laisser passer en argent. C'est sous estimer l'influence de Sany qui hausse souvent le ton plus haut que tout le monde. Enfin nous quittons la ville, et rejoignons la route principale. 80 kilomètres de bitume dans un couloir rectiligne traverse une végétation riche, jusqu'à atteindre Dassa Zoumé. Nous sommes dans une région relativement plate, mais ici s'érigent 41 collines ; nombre plus religieux que réel, car il y a en vérité davantage. Nous accédons à celle des princes, un lieu sacré et privilégié de la descendance royale. Lorsqu'une cérémonie est célébrée pour un défunt de la lignée, le corps est hissé au sommet de la colline dans le but de déterminer la cause de la mort. La colline est un sanctuaire vaudou et s'y tiennent des rites que le profane, s'il a bien du mal à comprendre le sens, se doit de respecter. Je faillis m'asseoir sur une pierre, ignorant que le roi en personne s'y était lui-même assis. J'ai évité de peu un sacrilège. Peut être aurais-je été transformé en serpent! On se rend compte de la force des croyances, et mieux vaut ne pas trop plaisanter avec, car ici, cela n'a rien d'un jeu.
  Aux heures chaudes, le soleil, lorsqu'il apparaît, frappe fort. Nous visitons brièvement la grotte à la vierge, où elle aurait fait son apparition. Une basilique gigantesque, sans artifice, sans âme véritable accueille des foules de pèlerins pour le 15 août. C'est un lieu de pèlerinage important. Nous filons vers le marché, assis à l'arrière d'un zem, soulagés de prendre l'air que la chaleur rend
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étouffant. Nous faisons une balade agréable parmi les étals divers d'oranges pelées, d'outillage de bricolages, ou plus étonnant, de petits animaux et oiseaux séchés. Etrange, presque répugnant de contempler des dizaines de carcasses alignées! Une pause aux abords de ruelles animées est la bienvenue C'est l'occasion de déguster de l'igname fris, accompagné d'une bière locale, rythmé par la musique toujours très présente, cadencé par Sany, plein d'entrain depuis notre départ. Le ventre calé, la gorge réhydratée, nous rentrons à l'hôtel. Nous profitons de l'agréable douceur ambiante, et du paysage que la lumière du soleil descendant rend très photogénique, sous l'œil inquiétant des autruches du parc.  
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Le fétiche de Dankoli

Jour7 : Après cette escale, nous reprenons la route. 300 kilomètres à remonter, toujours vers le nord, sur une route goudronnée en bon état, qui traverse de nombreux villages. Chacun d'entre eux ressemble au précédent, s'étirant de part et d'autre de notre voie. Dans chaque havre de vie, les mêmes scènes, les mêmes motocyclistes transportant des volumes impressionnant de matériel ou de nourriture. Des chiens semblables s'écartent du passage, sous l'impulsion des coups de klaxons à répétition. Sur la chaussée, les vendeurs attendent l'acheteur, se précipitent dès qu'un véhicule stoppe à proximité.  Quelques kilomètres après le village de Savalou, nous faisons halte près du fétiche vaudou de Dankoli. Un couple symbolisé par deux troncs d'arbre résout les problèmes de ceux qui viennent les exorciser. Le rituel consiste à enfoncer un pieu en bois au pied du fétiche en versant de l'huile de palme.  Personne ne se hasarderait à contredire les croyances. Si nous allons parler à des psychanalystes et psychologues pour appréhender des problèmes personnels, leurs pratiques, bien qu'irrationnelles et de ce fait culturellement inadaptables et incompréhensibles, recherchent le même objectif: celui d'évacuer des difficultés et des souffrance.
  Nous poursuivons notre itinéraire, flirtons avec le Togo. Des singes (patasses) traversent la route. Un serpent gagne la chaussée. Des teckeraies embellissent la région. Des paysages africains boisés à perte de vue s'élancent jusqu'à la chaîne de l'Atakora.  Quatre heures nous séparent encore de la ville de Natitingou, point de chute de la journée.
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Le musée régional de Natitingou

Nous prenons place dans nos chambres respectives de l'hôtel, puis patientons, sur la terrasse de l'hôtel. L'attente est longue, le temps suspendu à de longues minutes interminables. Depuis ce matin, nous regardons défiler les kilomètres, nous scrutons l'approche du nord du pays, balancés par les secousses du 4*4, enjoués par les rythmes africains de Tiken Ja Fakouly que couvre à tue tête la voix de Sany. Nous avons besoin de marcher, de découvrir, de bouger. Enfin, nous quittons notre quartier général, pour se diriger vers le musée régional de la ville. Plusieurs salles de la culture locale illustrent les explications du conservateur du musée. Les rites traditionnels de passage de l'enfance à l'âge adulte sont représentés. La scarification d'appartenance ethnique, et la circoncision constituent un événement festif, aujourd'hui encore pratiqué, bien que ces traditions perdent de leur importance. On y voit les hommes nus, protéger leur intimité d'un cache sexe en bois, armé pour pouvoir attaquer ou se défendre. En 1915, à l'époque de la première guerre mondiale, ces ethnies vivaient sauvagement et tuaient pour assurer leur légitimité, pour asseoir leur supériorité. Un fait marquant de l'empreinte locale est l'habitat tata traditionnel, à l'architecture plus proche de celle d'un château fort que d'une maison. Cette bâtisse de terre est le résultat d'un travail long et difficile. Suppléée aujourd'hui par l'habitation en brique, moins exigeante en conception et en entretien, elle tend à disparaître. Elle est aujourd'hui encore omniprésente dans le pays Somba; ce que notre visite dans les jours à venir confirmera. Un fait marquant de l'histoire, liée à la notre, est celle de l'esclavage. Un nombre qui parle par lui même:15 millions d'hommes, femmes et enfants embarqués sur le continent américain comme monnaie d'échange dans ce vaste commerce triangulaire entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique...
  Nous quittons le musée, pour nous faire conduire dans un cabaret. Ce n'est pas une de spectacles avec danseuses aux seins nus, et tenues affriolantes, mais un petit abri faisant office de bar, où l'on peut s'abreuver du tchouc, bière locale obtenue à partir de la fermentation du mil germé. Nous nous essayons à la dégustation dans des bols hémisphériques en calebasse. Nous goûtons également une préparation maison à base de plantes, décoctée avec de l'huile de palme, et destinée à soigner les maux de ventre de Sany.
  Nous achevons notre première journée de découverte du nord  par une succulente pierrade préparée sur la terrasse d'un restaurant construit comme réplique d'une tata. Fatao, notre guide qui nous accompagnera les jours suivants, est parmi nous....
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Les chutes de Kota

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Jour8: Il est 6h15, et nous prenons notre petit déjeuner sur la terrasse de l'hôtel. Le soleil n'est pas encore levé, les moustiques pas encore couchés ! Nous devrions partir à 7 heures pour une marche de plusieurs heures à travers les collines et les forêts de la région, pour accéder aux chutes de Kota. Malheureusement la pluie est ce matin de retour. Le ciel est couvert par un plafond nuageux bas, les collines de la chaîne de l'Atakora coiffées par la brume. Fatao arrive à 7h30 pour nous informer que le départ est reporté à 11h, espérant que les conditions météorologiques s'améliorent. La matinée est longue. Nous passons les heures qui séparent l'aube de notre départ virtuel à combler l'ennui et l'attente. Rien d'autre à faire que patienter. Quelques signes de mécontentements rendent l'atmosphère tendue. L'heure avance, et le temps ne s'améliore pas. Il y a fort à parier que la voiture se substituera à la marche. La pluie a quasiment cessé, nous partons faire un tour en ville, à la recherche de quelques trésors recouverts de poussières dans des boutiques artisanales.
  Avec une heure de retard, Sany arrive enfin. Il est à présent midi et il n'est plus question de rejoindre les chutes à pied. Nous empruntons donc un itinéraire routier pour monter à quelques foulées de la cascade ou nos guides préparent un barbecue non homologué par le grenelle de l'environnement ! Les plastiques d'emballages servent de combustible pour attiser le feu de
bois récolté. Les fumées irritantes nous font toussoter. Malgré cela les saucisses grillées sur des piques en bois taillées offriront un petit régal pour nos estomacs affamés.
  Nous quittons l'aire de pic nic,  traversons le cour d'eau qui forme la chute en amont, descendons quelques centaines de mètres à travers une forêt dense. La chute déverse son rideau liquide dans un rythme constant et soutenu, vers un bassin de rétention qui forme un petit lac naturel. C'est au pied de cette vasque d'eau douce, que nous nous arrêtons profiter de ce décor " film de Tarzan ", dans une ambiance de jungle. Nous nageons longuement dans la piscine tiède, nous acharnons à lutter contre le courant crée par la puissance des eaux qui frappent la surface. Nous restons immobiles, en équilibre sur les rochers qui subissent l'érosion du débit continu de la chute. Nous quittons ce lieu de détente, faisant halte sur la partie supérieure de la cascade. Si elle n'est pas vertigineuse, elle en demeure superbe, formant un plateau de rochers épars qui découpent l'eau et forment de multiples petites baignoires. La vue dominante sur la forêt est magnifique, juchés que nous sommes depuis notre promontoire. Comme dit Vincent, le référencier passéiste de circonstance, on ressent l'Afrique profonde, celle de la période coloniale ou précoloniale, et on imagine volontiers quelques sauvages, cache sexe comme unique apparat, faire leur apparition au dessus de nous, arcs et flèches tendus.
  La marche annulée nous a frustrés et nous éprouvons à présent l'envie de parcourir quelques sentiers dans la savane arborescente. La température est idéale. Les paysages sont une invitation à les découvrir lentement. Nous empruntons un sentier qui s'élève dans une végétation riche de plantes et d'arbres. Parmi eux se dresse l'arbre de karité. Nous quittons un moment le sentier, pour découvrir un panorama sur la plaine boisée, tandis que la lumière du soleil inonde le paysage qui diffuse une chaude lumière verte. Plus tard nous rejoindrons la piste d'argile que nous longerons sur une courte distance.
  Maintenant que nous sommes de retour en ville, la pluie reprend ses droits et redouble de violence. La lumière tombante donne à présent une douce coloration jaunâtre aux ruelles du centre. Nous parcourons plusieurs boutiques artisanales, avant de nous abriter sous la devanture en tôles d'un bar.
  C'est dans un petit restaurant que nous nous livrerons pour le dîner à un karaoké improvisé. Nos DJ tout autant improvisés s'amusent de nous voir reprendre et mimer de vieilles chansons françaises. C'est un petit bout de France partagé par quatre français au Bénin ! Après manger, Julie et moi suivons Fatao à la rencontre des cabarets, les bars locaux où les gens se retrouvent discuter, boire un verre et danser. Abreuvés de quelques bols de tchouk, nous rentrons vers l'hôtel. C'est là que nous rencontrons Vincent ! " Mais que fais tu là ? "Il y a eu un échange de clé entre Florence et lui, et ses clés ont disparu. Après avoir vainement essayé tous les doubles de l'hôtel, force est de constater qu'il est bloqué devant la porte de sa chambre ! Il passera la nuit dans la mienne, en attendant q'un serrurier vienne enfoncer la porte demain matin…
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Nata et les tatas Sombas

Jour9: Aujourd'hui nous prenons la route en scooter pour le pays Somba. À 9h, on nous apporte les deux roues. Quelques tours devant l'hôtel sont nécessaires pour nous familiariser avec. Comme tous les matins, nous attendons Sany, toujours en retard. Lorsque enfin il apparaît, nous sommes prêts à faire démarrer le mini convoi. Vincent et moi avons nos propres scooters; Julie et Florence seront respectivement à l'arrière de Sany et Fatao. La première étape se fait à la station service où nous devons faire le plein des réservoirs. Nous poursuivons par des arrêts successifs pour l'approvisionnement du repas de ce soir. Nous roulons jusqu'au marché acheter légumes et poisson fumé. A l'endroit où nous stationnons, des peaux et organes de moutons jonchent le sol. Au dessus de nos têtes, sur la cime des arbres, tournoient des vautours qui attendent l'heure du festin, lorsque la foule aura désertée. Ravitaillés et ainsi prêts pour le départ, nous empruntons la piste pour Boukoumbé, en direction de l'ouest, après une ultime pause pour visiter un centre d'accueil d'orphelins en construction. Nous pénétrons dans le pays Somba. Les tatas se dressent au milieu de pâtures vertes. La région est agricole, le paysage aéré et pittoresque. Sur les bords de route, les femmes marchent, le torse droit, la tête jonchée de récipients d'eau qu'elles vont remplir au point de ravitaillement. Les enfants, la plupart du temps nus, accourent nous saluer. Ce sont quarante cinq kilomètres de pistes
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magnifiques que nous avalons, dans le ronronnement pétaradant des moteurs de nos deux roues, et l'agréable douceur de l'air qui fouette nos visages. Tantôt la piste s'élève pour mieux dévoiler l'hospitalité des paysages qui suscitent une envie de nous y incérer. Tantôt elle plonge au cœur même de l'âme de cette région pour nous faire ressentir son atmosphère paisible. Nous filons jusqu'à franchir la frontière togolaise, et prendre notre déjeuner dans le pays voisin. Nous prenons notre temps, mais bientôt l'orage approche. Vincent et moi sommes en pleine négociation pour l'achat de quelques souvenirs. Sany insiste pour partir. Il nous presse. Nous franchissons la frontière dans l'autre sens, et revenons sur nos pas. La peau de nuages noirs nous suit et nous rattrape alors que nous gagnons le village de Boukoumbé. Les premières gouttes marquent l'argile de tâches sombres. Il faut s'arrêter; nous trouvons refuge dans un bar du village. En quelques secondes, les gouttes éparses se sont transformées en un véritable déluge. Des trombes d'eau s'abattent sur la toiture en tôles qui ne tarde pas à se comporter telle une passoire. La pluie ruisselle le long de la piste, formant sur les bordures des couloirs d'eau qui grossissent à vue d'œil. C'est le moment pour faire quelques pas de danse sur ce qui restera une des musiques marquantes du voyage : " La nuit c'est la nuit, tous les chats sont gris… "…et sous le regard amusé des villageois présents… " ce qui est sur, on est là…c'est Dieu qui nous protège… ". La beauté des paysages fait place à la chaleur des gens, qui, où que nous soyons, rappelle combien ici les échanges humains sont riches et précieux. Pendant ce temps, les nuages finissent par se dissiper. L'orage est passé. Nous pouvons reprendre la route. L'air est redevenu sec. Le relief reprend toute sa splendeur. Nous roulons quelques bons kilomètres encore jusqu'au village de Koussou, où nous avions déposé les sacs à l'aller. Nous faisons la connaissance de Nata, le chef de famille chez qui nous allons dormir ce soir. Comme la plupart des habitants de la région, il est agriculteur et cultive sa terre avec ardeur. La maison tata, habitat traditionnel, présente un style vraiment étonnant, une configuration fortifiée surprenante. L'étage inférieur ne possède aucune ouverture hormis la porte d'entrée. Le salon et les chambres dont les plafonds nécessitent d'être courbée sont d'oppressantes pièces noires. Une cheminée flambe, auprès de laquelle se repose un chien. Il n'y a pas d'aération et une fumée piquante se répand dans l'espace que nous traversons la respiration bloquée, les yeux mis clos, pour rejoindre l'échelle de bois en forme de Y. De là, on accède à la terrasse où respirer l'air pur est fort appréciable. Les chambres sont réparties concentriquement, juxtaposées aux greniers de stockage des céréales. Pour y pénétrer, il faut se faufiler, par commodité, tête la première, par une petite ouverture qui nous plonge soixante bons centimètres en contrebas. Claustrophobe s'abstenir!
  Nous partons faire une petite promenade avec Fatao sur les sentiers proches qui ceinturent le village. Nous ressentons vraiment l'envie de nous incérer dans cette nature bienveillante et tellement pittoresque. Nous marchons jusqu'à un belvédère qui domine la forêt togolaise. Nous rentrons en rendant visite au propriétaire d'un petit restaurant, et le trouvons endormi, à moitié ivre, plié sous le poids de l'âge. Il fera la conversation un bon moment, ne manquant pas de nous faire rire par ses frasques.
  La nuit est maintenant tombée. Il n'y a pas d'électricité, et c'est à la torche électrique que nous nous rendons à une maison voisine boire du sodabi, l'alcool de palme artisanal, accompagné par le chef de village qui nous rejoint après que nous lui ayons rendu une brève visite à son domicile. Nous trinquons abondamment, abordant la question de gestion d'un village comme celui-ci et le rôle du chef. Lorsque nous avons pratiquement eu raison de l'abreuvoir, nous rejoignons Sany qui, ce soir, s'est collé à la cuisine. Il nous a préparé un couscous monumental tant par la quantité que par la qualité. Nous prendrons chacun d'énormes portions qui nous retiendront presque bloqués sur notre chaise Bravo chef ! 
  Comme à l'accoutumée, la journée de travail de Nata dans les champs a été longue et fatigante. Mais demain c'est la fête nationale et c'est également jour férié donc l'occasion de se reposer. C'est aussi l'opportunité d'aller boire une bière au village voisin où se déroulent des festivités. Nata, Fatao, Julie et moi redémarrons les scooters pour 5 kilomètres de routes nocturnes. C'est une peu un cabaret à grande échelle, avec beaucoup plus de monde. La musique résonne, les gens dansent ou échangent un verre. Comme tout les ans, je ne ferai pas le 14 juillet en France, mais cette année je célèbrerai le premier août au Bénin!
  Nous gagnons nos chambres respectives. Près de la cheminée, la grand-mère dort, respirant je ne sais trop comment ces fumées qu'aucun d'entre nous n'accepterait. Je me contorsionne dans mon trou, à tâtons, prenant gare à ne pas éveiller Vincent. Il fait à l'intérieur une chaleur étouffante, mais pour me protéger des moustiques, je dors habillé. Je transpire mais ne me résigne pas à devenir la proie des petites bébêtes. Une simple natte isole du sol en terre. Les positions sont limitées et souvent douloureuses à la longue. Je ne dors que peu. Les crânes d'animaux qui sont accrochés au plafond de la chambre ne m'aideront pas à trouver le sommeil. 
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Un défilé manqué

Jour10:Nous sommes déjà sur le point de quitter Nata et le pays Somba que nous aurions aimé davantage découvrir. Ne pas parcourir quelques sentiers secrets de cette région nous laisse un arrière goût de frustration. Nous laissons donc les petites montagnes de la chaîne de l'Atakora derrière nous, et enfourchons nos scooters. C'est aujourd'hui le jour de l'indépendance du royaume du Dahomey et Sany tient absolument à rentrer sur Natitingou.
  En attendant l'heure du défilé nous partons en promenade au dessus de la ville, avec Fatao comme guide. En quittant les routes et la chaleur du centre, le chemin devient plus agréable. Nous retrouvons un certain isolement dans lequel nous nous sentons bien mieux que dans l'animation citadine. Nous contournons la ville qui disparaît provisoirement. Un calvaire s'érige sur les collines d'en face. Nous nous donnons comme objectif de le rejoindre. Nous suivons Fatao, mais bientôt, il semble un peu perdu et le sentier que nous suivions devient de moins en moins visible. Nous nous retrouvons à enjamber les herbes hautes et à dévaler des pentes terreuses qui n'inspirent guère confiance. Pour nous persuader qu'il serait peut être sage de renoncer à rejoindre notre but par les chemins de traverse, un serpent nous coupe la route. Nous retrouvons un sentier qui redescend sur la ville. Julie et moi monterons tout de même jusqu'au calvaire depuis le bas. Finalement nous manquons le défilé.
  Après déjeuner, nous nous rendons au stade de football où va se dérouler la finale de la coupe de l'indépendance. Les tribunes sont combles et l'auvent sous lequel nous sommes installés, proches des responsables politiques locaux, tout autant. L'ambiance est tendue, et quelques maigres altercations concernant l'organisation se font valoir. Le calme revient. Comme toujours il faut faire preuve de patience pour que débutent les événements.
  Nous quittons l'ambiance sportive et festive pour reprendre la direction de Djougou. Nous croisons un cortège funéraire. Le bras gauche qui pend indique le sexe du défunt. Le Bénin n'en finit pas de nous surprendre, d'autant que le cadavre est sensé guider le cortège !
  La soirée se déroule dans l'ambiance originale d'un spectacle traditionnel d'artistes africains. L'attente est interminable. La fatigue nous rattrape, et les uns après les autres nous plongeons dans le sommeil, malgré une musique de fond au niveau sonore difficilement supportable. Grotesque ! Enfin une animation nous ramène à l'éveil. Les longs et interminables remerciements qui se succèdent nous rendent fatalistes…le spectacle va-t-il commencer un jour? Il manque pour cela le personnage principal : le maire de la ville. Le ballet local ouvre tout de même la soirée. Monsieur le maire arrive, avec du retard. Le ballet se verra contraint de rejouer sa pièce propagandiste sur le travail, en son honneur. Il est déjà pas loin d'une heure ! Après un discours non dénué d'intérêt, les artistes entrent en scène. Chanteuses béninoises, musiques ougandaises ou danseuses déhanchées, la soirée est une belle représentation de la culture traditionnelle, qui aura gagné notre attention et suscité notre plus grande admiration. L'expérience est belle, et nous rentrons à 2h45. La nuit est calme. 
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Le féticheur de Tanéka Koko

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Jour11: La nuit a été un peu courte, mais très bonne, et nécessaire pour rattraper le sommeil accumulé les deux jours précédents. Je me sens vaseux, la tête un peu lourde. Aujourd'hui, c'est Sany qui attend ! Vers 11 heures, nous quittons l'hôtel pour nous rendre à Tanéka Koko. Le village est accroché à flanc de collines, et nous l'atteignons après avoir traversé un beau paysage de végétation luxuriante. Dans le bas du village, les cases circulaires traditionnelles, au toit de chaume surmonté d'un canari pour recueillir l'eau de pluie, font peu à peu  place à des habitats plus classiques. La pluie, justement, nous contraint à trouver refuge dans la case du forgeron, affairé à travailler un morceau de métal. Le fourneau est attisé par deux soufflets manuels composés de volants activés alternativement. Des enfants nous suivent à la trace. Le guide du village nous expose les rites et cérémonie de célébration de la mort d'un féticheur. C'est dans une case particulière, dont les parois sont décorées de crânes et divers os d'animaux, qu'à lieu l'inhumation. Nous rencontrons le féticheur du village, bien vivant celui ci, vêtu d'un simple cache sexe en peau travaillée. Il fume, dans une pipe en bois d'une cinquantaine de centimètres de long, le tabac cultivé par les villageois. Le charbon est attisé dans une cavité avec une pince en métal. Le féticheur est le garant des traditions du village. C'est à lui qu'on s'adresse pour résoudre des problèmes personnels, offrandes et sacrifices comme monnaie d'échange. Tradition ancestrale ou folklore pour enchanter les touristes ? Probablement les deux…Toujours est-il que chaque jour nous apporte la force des croyances et des rites d'une culture décidemment bien ancrée sur le sacré.
  A présent que nous quittons Tanéka, nous partons à la découverte du jardin botanique de Patatia. Bien plus qu'un jardin, il s'agit d'une véritable forêt où sont préservé et sauvegardé un nombre important de plantes et d'arbres destinés à fournir quelques médicaments surprenants. Ainsi, en parcourant sur plusieurs kilomètres l'âme de ce laboratoire naturel, on découvre, parfois avec scepticisme, les produits d'une pharmacopée forte
intéressante. Paludisme, règles douloureuses, hépatite virale B ou encore fièvre typhoïde trouvent des remèdes dans ce conservatoire aux allures de géant. Plus étonnant, certaines poudres élaborées apportent des vertus de chance, ou de séduction. Sur les étagères de la petite pharmacie où sont alignés les médicaments, on trouve même une poudre pour rajeunir le pénis ! Les guérisseurs de la région ont leur propres " recettes ", et leurs propres spécialités. Un est reconnu pour soigner telle ou telle maladie, tandis qu'un autre guérira des morsures de serpents. La médecine traditionnelle est en tout cas très développée.
  Il est 16 heures lorsque nous nous arrêtons sur le bord de la route commander un igname pilé. Quatre jeunes femmes s'activent en cadence pour réaliser devant nous une purée d'igname en concassant les légumes à l'aide de quatre pilons de taille humaine. C'est après cette halte gastronomique que nous rentrons à Djougou rendre visite à quelques artisans. Dans son atelier, le bijoutier nous dévoile sa panoplie, résumée à un plateau de bijoux en argent. On est loin des vitrines scintillantes ! La visite des ateliers de tissage est beaucoup plus intéressante, et le travail impressionnant. Des heures de tissage sont nécessaires pour assembler les fils de coton, préalablement alignés sur trois métiers à tisser. La matière première est le produit des plantations locales. Il faut quinze jours pour obtenir le fil nécessaire à la confection d'un des modèles exposés ; un travail titanesque ! Les colorants sont des pigments naturels tels l'indigo ou le gingembre. Enfin, le tanneur de peau, de chèvre ou de porc, nous montrera sa collection d'objets en cuir. Nous pourrons regretter cependant ici un étalage commercial plus qu'une présentation de son métier d'art.

Photos "escapade dans le nord"

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Troisième partie: Lokhossa

Les hippopotames du lac Doukon

Jour12: Aujourd'hui nous quittons définitivement Djougou et achevons ainsi notre escapade dans le nord du pays. A Dhassa, nous faisons une halte pour récupérer Estelle, une des bénévoles de l'orphelinat de la ville, et la redescendre vers la capitale. Aux environs de 16 heures, nous arrivons à la villa de Lokhossa où Rolande, Sylvestre et Jacques nous attendent. Pour Vincent et les filles, ce sont les retrouvailles après trois semaines passées ensemble et huit jours de séparation.
  En fin d'après-midi, je loue un zem pour me rendre dans le village de Doukonta. Après quelques recherches, je trouve mon guide avec lequel j'embarque sur une pirogue, sur le lac Doukon. Sur ses berges vivent trois hippopotames parmi les cent de la vallée du fleuve Momo, et les sept cent au total d'Afrique de l'Ouest. Ils demeurent immergés durant l'essentiel de la journée. Le matin, ainsi qu'à la tombée de la nuit, vers dix huit heures, ils remontent se nourrir. C'est à se moment qu'on peut les observer. Les guides connaissent parfaitement leurs habitudes. Pendant une heure trente nous scrutons la surface de l'eau à la recherche de l'animal, en vain. Nous rejoignons l'embarcadère pour faire monter les neuf membres d'une famille. Nous revoici partis pour un tour ! Sur le lac, les pêcheurs debout dans leur pirogue, poussent sur leurs grandes rames en bois, ou remontent le poisson. Le reflet du soleil couchant donne une douce lumière sur les eaux calmes. Enfin les animaux apparaissent.
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Une tête de géant sort de l'eau respirer l'air rafraîchi du soir. Aux jumelles j'observe les bâillements des mastodontes. Ils approchent de la berge pour venir manger l'herbe verte qui jonche la rive. Ils vivent en totale liberté, protégés mais fragiles, dans leur habitat. Ils se déplacent bien plus vite que notre embarcation, et je comprends alors, tant pour leur tranquillité que pour notre sécurité, que nous devions garder nos distances. Il fait à présent bien nuit lorsque je retrouve mon chauffeur qui m'attend depuis bientôt trois heures. Je m'en excuse et lui laisse une obole en conséquence. Ainsi je rejoins la villa où mes compagnons sont regroupés. Avec Jacques, le gardien de la maison, je prends un petit cour de jambé. Musique africaine, pour une atmosphère béninoise…
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La route des esclaves de Ouidah

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Jour13: La nuit fût apaisante. Le petit déjeuner avalé, nous partons accompagner Rolande faire quelques achats sur le marché. En cours de route, j'abandonne mes compagnons pour prendre un taxi qui me conduira à Ouidah, ancien port de l'atlantique et ville historique. Je visite le fort portugais qui abrite aujourd'hui un musée, dont une partie est consacrée à la traite négrière. Ouidah est tristement célèbre pour sa porte de non retour. La " route des esclaves " relie le centre de la ville à l'océan, sur plusieurs kilomètres. Un jeune africain m'accompagne et fait office de guide tandis que je gagne à pas lent la plage, et retrace l'itinéraire jadis emprunté par les esclaves avant de quitter le continent. Au bout de cette longue allée de sable se dresse à présent une porte qui symbolise le tragique destin de ceux qui franchissaient ce seuil virtuel. Avant d'embarquer pour l'Amérique, les esclaves noirs étaient vendus à des négociants européens pour des armes, de l'alcool ou d'autres biens sans valeur. J'imagine les bateaux chargés s'éloigner sur l'océan tourmenté, avant de disparaître définitivement, engloutis dans un horizon imaginaire. Ouidah est le principal point de départ de ce commerce du bois d'ébène. Sur cette plage de sable, dans un passé encore récent, l'homme noir est devenu, par la volonté d'autres hommes, un animal assujetti. C'est un ressenti étrange qui impose une réflexion sur les notions de pouvoir et de domination.
  Je rentre en ville, parcourant le même itinéraire en sens inverse, ce qui, d'un point de vue historique, ne présente aucun sens. Après quelques errances, je reprends la direction de Lokhossa, où je retrouve la petite équipe locale ainsi que mes partenaires de voyage. C'est dans un petit maquis, seuls sur la terrasse, à la lueur de bougies, que nous commandons une igname pilée. Etre sur le continent africain implique de notre part, terrifiants individus aseptisés, de respecter certaines mesures d'hygiène simples. C'est sur ce point que je pense bien avoir failli ce soir. Manger avec les doigts, les mains souillées par quelques germes étrangers, brièvement nettoyés par l'eau d'une cruche, serait-il une provocation ? Toujours est-il qu'à peine nous avons après rejoint notre villa, une envie fulgurante me contraint de m'éclipser dans la pleine intimité des toilettes, pour un exercice de totale liquidité !
Bénin

Le Kass club!

    La soirée ne fait pourtant que débuter. Nous voici en marche pour la discothèque locale, le Kas club, dans l'obscurité de la nuit, évitant à tâtons flaques et obstacles. Tandis que nous sommes à l'entrée, la musique nous apporte déjà l'énergie nécessaire pour aborder piste de danse. En pénétrant dans le bâtiment, je suis stupéfait par la modernité de la salle, avec son long comptoir de bar et ses éclairages à la pointe. Tout cela est en complet décalage avec la réalité de la vie, comme si le budget de la ville était englouti par une seule discothèque. A peine nous venons de découvrir les installations, que la musique stoppe et la lumière s'éteint. Coupure d'électricité. Nous sommes huit et bien les seuls ! Un instant nous croyant que la panne ne durera pas, et tout semble revenir dans l'ordre rapidement. Tout semble…En réalité la coupure se prolonge bien plus longtemps que nous aurions même pu imaginer. Merveilleuse Afrique, où temps et attente se définissent par les mêmes mots. Les minutes passent. La fatigue gagne doucement chacun d'entre nous. Des mains soutiennent les têtes lourdes. Les banquettes, peu à peu, se transforment en couche. Le silence s'installe. La discothèque devient un dortoir. Pathétique et hilarant ! Unique et tellement improbable…Il est tard…lorsque la musique nous sort brutalement de nos songes profonds. Bientôt chacun retrouve ses esprits. Si quelques jeunes sont arrivés, la piste de danse reste tout de même fluide. Jusque tard dans la nuit nous profitons de ces derniers moments passés ensemble, amusés par les danses proposées, et enthousiastes aux déhanchés de Rolande…
Bénin

Photos environs de Lokhossa

http://picasaweb.google.fr/Destinationphotos/Lhokossa?authkey=7H98K_zKCko#
  

L'orphelinat

Jour14: Je devais quitter l'univers de Lhokossa pour descendre sur Cotonou. Tellement de nouveauté encore à découvrir. De plus, Franck compte sur moi. Je dois le contacter lors de mon retour à la capitale. La nuit a été fatigante et mon état de la veille ne s'est pas amélioré. J'ai l'estomac barbouillé. Tout ce que je bois ou mange ressort quasi instantanément à l'état liquide. Je décide donc de prolonger mon séjour ici. En fin de matinée, nous descendons à l'orphelinat. Nous sommes rapidement happés dans une grande ronde, de danses et de chants. C'est aussi le moment pour l'ensemble de l'équipe de dresser le bilan, et de discuter comment faire connaître et se développer le centre d'accueil. Des conversations argumentent des projets, développent des idées. Vincent pose la première pierre pour faire naître un site. Nous sommes conviés à manger parmi eux. Mon estomac a du mal à envier la nourriture préparée par la cuisinière. Je suis plus spectateur qu'acteur du repas. En milieu d'après-midi, nous quittons l'orphelinat. Julie et Florence s'apprêtent à quitter la ville pour prendre l'avion la nuit prochaine.  Pour elles, s'est le moment des au revoirs, et c'est la gorge nouée qu'elles embrassent les enfants, avant de franchir une dernière fois la porte qu'elles ont franchie tout les jours durant trois semaines.
  Je découvre pour ma part peu à peu le fonctionnement de la structure. J'ai visité deux orphelinats dans le pays, et chaque fois la même énergie, la même solidarité entre enfants et adultes.
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Deux centres parmi combien d'autres ? L'Afrique, souriante, généreuse, joviale, se meurt dans le mutisme complexe d'une société pourrie par une histoire douloureuse qui semble peser aujourd'hui encore sur les décisions et les mécanismes d'évolution. Tant qu'il y aura des hommes, il y aura des enfants, et ce sont les premières victimes.
  J'ai peu mangé, je suis fiévreux, et je perds de l'énergie. Deux nouveaux bénévoles sont arrivés à la villa. Nous faisons leur connaissance. Ils prennent leurs marques. Un cycle s'achève pour trois voyageurs, et un cycle débute pour trois autres… 
Bénin

Salut l'équipe

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Jour15/Jour16: La dernière journée se profile. La troisième relayeuse arrive, après des retards d'avion. Le petit déjeuner avalé, Vincent et moi allons faire un tour en ville avec Sylvestre. Nous passons chez un détaillant de sodabi, l'alcool de palme local. De nombreux bidons et des centaines de litres sont stockés et j'en fais remplir une bouteille, histoire de se prévenir pour les longues et froides soirées hivernales.
  Je fais la rencontre d'Antoine, le coresponsable de l'association double sens. Alphonse, un étudiant béninois, et louis nous accompagnent pour le déjeuner. Nous descendons ensuite une ultime fois à l'orphelinat saluer les petits...et les grands. Pendant une heure, nous sommes de nouveaux absorbés dans une ronde. Louis dirige jeux et chants ; une sorte d'hommage et de remerciement auquel nous participons ensemble. Il est temps à présent de saluer chaleureusement l'équipe d'adultes encadrants, et de dire au revoir aux enfants. Le taxi remonte le chemin de terre. Les enfants agitent les bras, avant de disparaître dans le virage. Nous chargeons nos sacs dans le coffre. Je retiendrai cet accueil formidable reçu, le rire et les sourires de Jacques, la chaleur et l'empathie de Rolande, Sylvestre, le regard perdu de Louis, la volonté et l'espoir des enfants. C'est le moment des au revoirs, des adieux sûrement. Lokhossa reste avec sa vie, ses espoirs et ses doutes, et nous nous filons déjà vers d'autres contrées.
  Pour autant nous sommes toujours au Bénin. Le chauffeur recherche des écrous pour les roues de sa voiture. Il fait plusieurs arrêts sans trouver ce qu'il souhaite. On lui indique chaque fois une boutique plus loin. Nous roulons maintenant à allure réduite. Je profite d'un arrêt pour faire le tour du véhicule, et constate qu'il est effectivement temps de faire quelque chose de concret. La roue avant gauche n'a plus qu'un seul écrou ! Je m'aperçois qu'il manque un ou deux écrous sur chacune des autres roues, mais la priorité n'est pas là. Décidemment, il y aura toujours ces instants de quotidiens surprenant qui ne manqueront pas de nous faire attraper de gros fous rires. Enfin nous parvenons à une boutique qui détient notre solution au problème. Une fois trouvés les bons modèles dans un fouillis de bric à brac, notre chauffeur réussis difficilement, non pas à remplacer tout les écrous manquant, mais au moins à les répartir, et faire en sorte que nous puissions rouler sans danger. La porte avant ferme de plus en plus mal. Un petit coup de tournevis pour resserrer les charnières, et nous voilà repartis ! La descente sur Cotonou prend plus de temps que prévu.
  Nous passons chez Antoine avant d'aller nous perdre au village artisanal, véritable caverne d'Ali baba. Nous retournons chez lui, puis enchaînons la soirée dans un restaurant, avant de terminer dans un bar, tuer les heures. A 0h30, Antoine nous dépose à l'aéroport, pour une attente supplémentaire de trois heures avant l'embarquement. Enfin notre avion décolle. Fatigués, nous quittons le Bénin. Mon souci intestinal n'est pas résorbé. A Casablanca, une longue halte de huit heures dans un hôtel payé par la compagnie aérienne nous sera très appréciable. Repas copieux, douche et sieste suppléent une visite initialement programmée de la ville. Qu'on est bien sur un bon matelas ferme ! Nous achevons notre vol retour, quittant définitivement l'Afrique…

Photos orphelinat Lokhossa

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Bénin

Conclusion

Pour reprendre et décrire au mieux ce que le Bénin, petit pays francophone aux multiples dialectes, peut offrir comme gratitude et récompense à ces visiteurs, il faut revenir sur la question de l'homme. Le Bénin n'est pas le pays des grandes étendues sauvages donnant lieu à des élans de contemplations. Il n'est pas non plus le pays des vestiges de l'histoire avec ses incommensurables monuments. Ce n'est pas le pays des grands contrastes. Chaque ville ressemble au final à une autre. Avec son passé  colonial, dans son présent aujourd'hui encore difficile, il apparaît du Bénin une plénitude tranquille, autant qu'une force menacée. Il suffit d'aller observer les hippopotames du lac Doukon pour se rendre compte combien il règne un équilibre fragile. De la puissance que dégage cet animal, de l'hypnose qu'il procure lors de son apparition, on retiendra en fin de compte que sa survie est profondément menacée. Dans les rues du village, la quiétude transparaît. Le rudiment de la vie, le faible développement économique, une industrie inexistante sont des caractéristiques du pays. Mais cette pauvreté ne se reflète pas dans les rues relativement propres et ordonnées. On ne ressent pas l'insécurité, tant que l'on ne transgresse pas des règles qui nous échappent par ailleurs totalement. On erre dans les rues sans souci, sans l'inquiétude d'une rencontre malencontreuse. Il suffit d'observer la vie, le salut des indigènes, les sourires des hommes et des femmes qui vaquent à leur dur labeur quotidien, pour sentir une assurance complaisante. Non, il n'y a pas de signe de richesse apparente dans ce monde loin de nos querelles évoluées, mais il y en a une qui relève davantage du mystique dans nos civilisations accomplies : celle des hommes. Combien on peut se sentir seul, perdu dans les désirs vertueux, combien on peut se sentir exister par la seule présence humaine, vide d'arrière pensée, se contentant d'être sans paraître. Les moments d'errance, de solitude ou de désœuvrement, ne sont dès lors qu'instants privilégiés.
Dans un environnement harmonieux au sein duquel ils s'épanouissent, je retiendrai la vitalité et cette force que les enfants orphelins acquièrent de leur éducation de groupe. Je retiendrai la fragilité de ces mêmes enfants qui doivent à chaque instant puiser dans les ressources de la communauté pour combler l'amour de parents absents. De leur joie de vivre, de leur insouciance enfantine, qu'en sera-t-il demain ?
De tous ces instants partagés, de ces rencontres au cœur de la vie, je n'oublierai pas les rires et les sourires, les regards figés. Je n'oublierai pas l'hospitalité des uns, la générosité des autres. Une telle chaleur humaine s'en dégage qu'on retrouve le sens de l'essentiel. Bien sur derrière cet accueil bienveillant subsiste l'Afrique douloureuse, dure, sanglante parfois, encrée de croyances profondes et  ficelée par la corruption. Mais ce n'est pas ce que je retiendrai du Bénin, petit pays francophone aux multiples dialectes…
Bénin


Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeuxMarcel Proust