 | |  Carnet de route |  | |
|  Plus de photos |  | |
|  Voyage en musique |  | |
|  Vidéos |  | |
|
|  |  Carte République Tchèque |  | |
|  | | | | | | | | | |  | Lundi 17 : C'est après une nuit agitée et peu fructueuse en sommeil, que j'arrive à Prague à 5h45 du matin, la nuque douloureuse et les articulations grinçantes. Les rues sont quasiment désertes. L'aurore à pourtant bien surgit. Une fois débarrassé de mon sac, le dos allégé, je pars errer dans les dédalles et les enchevêtrements des rues qui foisonnent. Très rapidement, la capitale de l'est dévoile ses traits forts, prompts à justifier son caractère romantique. Les rues communiquent par des porches qui drainent le centre, comme autant d'artères secondaires qui désenclavent le formalisme des rues bien distinctes. Le mélange des époques dresse au cœur de la ville un condensé d'histoire architecturale, du treizième jusqu'à vingtième siècle. C'est un symbole d'harmonie où la distance et la distinction des époques se figent. Les yeux tirés, l'estomac rétracté, dans la lenteur forcée par la fatigue, je m'imprègne graduellement de cette hétérogénéité. Je sais que sous mes yeux mi clos les images se succèdent à un rythme affolant. Je les enregistre, les atteste pour mieux les reconnaître lorsque mon métabolisme aura retrouvé son équilibre, et moi-même retrouvé toute ma lucidité. La place Straromestské est le point central pour découvrir Prague. C'est d'ici que le balayage centrifuge de la ville prend vie. C'est aussi un lieu ou des dates clés de l'histoire du pays ont été martelées. L'hôtel de ville se |
| |
| présente comme un imposant bâtiment, dominé sur le côté par une tour carrée, sur laquelle fonctionne toujours une incroyable horloge astronomique. La précision du mécanisme qui actionne chaque heure l'animation de l'horloge, et présente la position de la lune, la terre et le soleil, selon les connaissances de l'époque, est spectaculaire. De l'extrémité opposée de la place, s'élèvent les deux superbes flèches de l'église du Thyn. Sa visite retiendra particulièrement mon attention par l'existence de la pierre tombale de Ticho Brahé, célèbre astronome qui avait établi la thèse d'un système solaire géocentrique, dans lequel le soleil tourne autour de la Terre. Plus loin, dans une jolie ruelle du centre, on peut observer le masque de Johannes Kepler, au dessus de l'encadrement d'une boutique. Kepler a été l'assistant de Brahé. Il a, de part ses observations, rétabli l'existence du système héliocentrique actuel. Ce fut audacieux et compliqué à l'époque d'avancer cette théorie, même avec un argumentaire soigneusement vérifié, et des démonstrations clairvoyantes, car l'église a du mal à rejeter une thèse que la bible semble avoir adoptée. Juchés au dessus des toits rouges qui couvrent la ville, les différents étages de la végétation architecturale, de l'art roman à l'art contemporain, se dressent et fendent le paysage urbain avec une grâce désarmante. Dans la douceur et le silence de l'aurore, c'est encore le seul moment de la journée où on peut admirer l'éloquence du pont Saint Charles. Magnifique chef d'œuvre gothique longé de deux rangés de statues baroques. Dans le silence du pont désert, seuls les clapotis de la Vtlava dansent au milieu de la ville. A chaque extrémité, deux tours surveillent les berges, et sur la colline opposée, le château royal domine. Lorsque la nuit tombe sur Prague, la perception de la ville devient plus intimiste. Les éclairages des ruelles donnent un air passéiste. Les enseignes illuminées ou reflétant les projecteurs, diffusent une clarté qui projette un peu plus le spectateur dans un passé révolu, l'âme poètique. C'est dans cet état d'esprit que je pénètre dans le Reduta, le plus célèbre club de jazz de la capitale. Le quatuor de jazz classique enchaîne des reprises majeures. L'ensemble est époustouflant. Les doigts de la pianiste frappent le clavier comme dix marteaux indépendants, avec une agilité et une précision merveilleuse. Je suis littéralement happé par cette musique, où la gestuelle tout autant que le son communiquent une ivresse de béatitude. Dans l'ombre des grands musiciens qui planent en permanence dans la ville, les notes raisonnent avec plus de chaleur et de vie. Le saxophoniste lui répond, soufflant encore et toujours de grandes envolées au timbre étouffé de son instrument à vent. L'émotion et la sensation d'être détaché est à son degré le plus élevé. Sans être mis dans l'ombre, le contrebassiste ou le batteur entament à leur tour des rythmes et des solos aux aspirations graves et lyriques. La première soirée dans Prague tient toutes ses promesses… |
|  Photos de Pragues |  | |
| |
|  | | Mardi 18 : Depuis les siècles, le peuple juif a été persécuté. Il y a tant de périodes de l'histoire pour relater cette chasse à l'homme ! Ici aussi, en République Chèque, vient une époque où les juifs ont été confronté au fanatisme de l'homme. Ghétoisés dans un quartier de la vieille ville, ils ont traversé ainsi les siècles depuis le treizième de notre ère, alternant les périodes de tranquillité et celles de persécution. En pénétrant dans les ruelles du quartier, c'est un voyage dans l'histoire de ce peuple que j'effectue, visitant quatre des six synagogues aujourd'hui restantes. Sur les murs de la synagogue Pinkas, 77000 noms d'hommes et de femmes ont été inscrit, suivis de leur date de naissance ainsi que de leur date de décès. Ces 77000 noms rendent mémoire aux victimes des persécutions nazies. On éprouve beaucoup d'émotion et de stupeur à lire et regarder la liste continue qui recouvre les murs des deux niveaux du lieu de prière. A l'étage, une collection de dessins d'enfants évoque leurs rêves et leurs peurs. C'est un témoignage fort d'une jeunesse stoppée en plein essor, évoquant le camp de déportation de Térézin, au nord du pays. Le plus ancien cimetière juif d'Europe se parcourt dans un enchevêtrement de pierres tombales, le long d'un chemin de terre. C'est un changement radical de décor, ou plutôt d'ambiance, en passant du quartier juif, à la Mala Strava. |
|
| Pour ce faire, il faut franchir le pont Saint Charles, de son vrai nom le Karluvt Mest, et enjamber les 16 piliers qui le soutiennent, protégés des courants par d'énormes troncs. Des ruelles romantiques en font le charme ambiant. Dans des lieux de tranquillité, au près d'une rivière, on pourrait croire avoir quitté la ville. Où encore, dans le silence et le repos d'un parc, on profite d'un décor paisible. La visite de l'église Saint Nicolas révèle un monument baroque très marqué. Mais au-delà de l'œuvre d'art, je m'arrête devant les 2500 tuyaux d'orgues sur lesquels Mozart joua lors d'un passage à Prague. Anecdotique, certes, mais emplit de présence. Décidemment, on, a beau errer d'une partie de la ville à l'autre, d'un club de jazz à une église, les génies de la musique sont toujours présents. De nombreux lieux proposent chaque soir des concerts. On peut trouver, un peu partout, au hasard d'une rue, la palette d'opportunité d'aller découvrir ou redécouvrir un répertoire de musique classique. Quand la nuit est venue, je me laisse emplir des illuminations du Prague nocturne. Sur le pont Saint Charles, il y a encore beaucoup de monde venu profiter des effluves de bien être reçues sur les pavés éclairés. De part et d'autre du pont, les grands monuments imposent leur présence dans la nuit noire. Le cadre crée une atmosphère sereine, poétique. Sur les rives de la Mala Strava, dans la semi clarté rendue par quelques lampadaires, je surveille la rive opposée, bercé par le roulement permanent de l'eau qui remout. |
| |  Le château royal | Mer 19 : Je ne me lasse pas de sillonner les ruelles du quartier où je loge. Lorsque je foule les pavés, le soleil tiède chauffe déjà, et le ciel bleu recouvre la ville. Dans la Mala Strava, je m'élance bientôt sur les pentes douces qui mènent au château royal. A l'entrée de l'enceinte, deux gardes veillent la foule pacifique. Les deux premières cours franchises, on se trouve en vis-à-vis avec la cathédrale Saint Guy. C'est un gigantesque édifice gothique qui s'érige soudainement. De l'intérieur, je retiendrai la superbe chapelle Saint Venceslas dont les murs intérieurs sont recouverts de frises évoquant des scènes de la vie du Christ ainsi que celle de saint Venceslas. Des pierres précieuses sont incrustées sur les parois. Un lustre en forme de couronne est suspendu au dessus du tombeau du saint. L'accès au clocher offre une récompense après avoir gravi les marches de l'interminable escalier en colimaçon. La vision panoramique donne une vue aérienne de Prague dans toute sa splendeur. Après la fraîcheur de la cathédrale, je me ressource dans la lumière et la chaleur des petits jardins qui surplombent la ville. La visite de l'ancien palais royal ne laisse pas de trace impérissable. La salle principale, démesurément grande, au sol en parquet et aux voûtes tressées est aujourd'hui utilisée pour certains événements nationaux. C'est historiquement dans ce palais qu'eut lieu la célèbre défenestration de Prague en 1618, qui déclencha la guerre de trente ans. La promenade dans les jardins royaux permet de voir la salle de jeu de paume, magnifiquement recouverte de sgraffitis. Ce soir, j'ai rendez vous avec l'opéra national de Prague. Il faut dire qu'ici, il s'agit d'une institution. Dans l'atmosphère de la ville, depuis trois jours, pèse l'âme des maîtres : Mozart, Linz, Bach… A chaque coin de rue, une affiche de concert classique au répertoire des illustres. Dans l'autel d'une église, sur l'estrade d'un podium, ou simplement dans les hauts parleurs de la ville, résonne cette musique qui habite si joliment la ville. Je comprend désormais l'inspiration venue chercher ici. Du haut du deuxième balcon, je contemple les ciselures et les dorures de l'opéra, au centre duquel orne un grand lustre. Dans la fosse, les musiciens accordent leurs instruments. J'attend Lucia, héroïne tragique de l'opéra que je m'apprête à découvrir : Lucia de Liammermoor. Je plonge dans les ferveurs du passé italien. Impressionnant et saisissant lorsque les voix des ténors s'élèvent dans la tourmente de leur timbre, hissé par la symphonie qui atteint des hauteurs vertigineuses. Lorsque la belle disparaît et que les lumières redonnent vie aux joyaux de l'opéra, je retrouve Vincent venu m'attendre à la sortie, de retour à Prague après plusieurs jours d'absence.
|
|  | Jeudi 20 : Je visitais il y a deux jours le quartier juif en évoquant le camp de déportation de Térézin. Je me rends ce matin sur le site. Dans ce lieu de commémoration, la ville est entourée de quatre kilomètres de remparts, initialement construits pour se protéger d'une agression Russe. La forteresse sera réinvestie par la suite comme ghetto où nombreux juifs de l'Europe de l'est transitent durant la seconde guerre mondiale. Sur le site même, je ne contemplerai pas les murailles de la forteresse, absorbé par le camp, et peu attentif aux explications du plan. Je concentre donc mon attention sur ce qui est appelé la petite forteresse, à l'autre extrémité de la ville, utilisée comme prison politique. Résistants, communistes, connaîtront la rigueur du camp, avec un sort particulièrement terrible pour les juifs. Sur ce lieu de commémoration, on peut aussi sentir l'atmosphère pesante qui se dégage en parcourant les différents blocs et cellules où étaient enfermés les prisonniers. Dans des pièces voûtées, éclairées par la seule présence de la fenêtre situé sur la porte d'entrée, bien souvent plus de 70 prisonniers s'entassaient sur trois longueurs superposées de lits en bois. Dans la cellule, une seule toilette, et un poêle pour chauffer l'ensemble. Lorsqu'on sent le froid pénétrant qu'il y fait par de clémentes températures extérieures, on peut imaginer la rudesse de la vie en hiver. On commence par pénétrer dans l'ancien bureau de recensement des prisonniers. Puis ensuite, vient l'office d'échange d'uniforme, le bureau de censure du courier. On réalise les conditions en projetant dans les pensées l'attitude des officiers qui ouvraient le seul lien reliant encore ces hommes au monde extérieur et à leur famille. Ils avaient le pouvoir de briser ce lien, seulement parce qu'ils l'avaient décidé. L'infirmerie, vétuste, les douches, où encore la salle dite du barbier, où les prisonnier se rasaient. On découvre encore les cachots où étaient isolés les prisonniers ayant reçu une peine aggravée. Dans une des cours, cerclée de cellules collectives, on peut encore voir un mur de brique sur le fond. Sur ce mur, on voit très nettement des impacts de balles. C'est à cet endroit que furent exécutés trois prisonniers, dont deux au hasard, pour avertissement à une tentative d'évasion. Les exécutions se faisaient selon un rituel |
| |
| précis, selon lequel le prisonnier était emmené au poteau d'exécution par un couloir. De ce camp de déportation, des victimes furent envoyées vers des camps d'extermination tristement célèbres. D'autres moururent ici même dans de misérables conditions. A l'extérieur de la petite forteresse, on longe un cimetière où ont été déposés près de 10000 dépouilles. Il est difficile de rester insensible à la souffrance et la dureté du camp, tout comme il est difficile de comprendre l'inhumanisme des nazis durant cette période. De retour à Prague, sur la place Staromestské, chauffé par la chaleur douce du soleil de printemps, je savoure une pâtisserie fumante, écoutant les bruits de la foule et les airs de musiques qui se mélangent gaiement. Je viens de parcourir des quartiers encore inconnus de ma part, enfilant les kilomètres comme autant de pas de géant. C'est ainsi que je rejoins Vincent à l'hôtel. Plus tard, nous avons rendez vous avec Assistan, une malienne qui poursuit ses études en agronomie à Prague, ainsi que sa colocataire éthiopienne. Nous prenons un verre dans un bar, un peu en delà du centre ville. |
|  Photos Terezin |  | |
| |
|  | | Ven 21 : Ce matin nos chemins se séparent de nouveau. Vincent prend la direction de l'aéroport pour rentrer en France. Quant à moi, je prends la direction plein ouest pour atteindre en bus Karlovy Vary. C'est une ville thermale joliment étirée le long d'une rivière. L'architecture est remarquable et de magnifiques édifices ornent les larges rues pavées, agrémentées de nombreuses boutiques et de bars. Quelques colonnades abritent les différentes sources. Une, en particulier jaillit, tel un geyser, plusieurs mètres au dessus du sol. Bien qu'il y ait du monde le long des rues convoitées, l'atmosphère qui se dégage est apaisante. Je prend autant de temps que de plaisir à traverser la longue avenue centrale. Autour, quelques collines se dressent. Je prend le sentier qui s'élève au milieu de la forêt jusqu'à atteindre le point de vue de Diana. Une tour y est érigée, à laquelle on accède par un escalier en colimaçon. La vue sur Karlovy Vary est tout simplement belle. Pour la première fois depuis mon arrivée en république Tchèque, je me retrouve seul dans un petit coin de nature d'une ville de bohême. Je me prends à chanter la chanson du même nom. Le temps est idéal ; ni trop chaud, ni trop frais. Le décor est favorable, et je me sens en accord avec ce pays de la romance. Je quitte la ville pour m'avancer jusqu'à Cheb, avec notamment pour but de trouver un logement approprié à ma bourse. Lorsque je débarque à Cheb, je me sens l'âme du voyageur émérite car j'aime ces moments où défilent les kilomètres au bout desquels surgit l'inconnu de façon palpable. Je suis plus qu'agréablement surpris de découvrir la place centrale. Certainement qu'elle présente des airs germaniques, peut être même alsaciens, mais ses imposantes dimensions me laissent pantois. Au milieu, une statue ornemente une fontaine, superbement éclairée lorsque vient la nuit. Tout autour de la place, les maisons et monuments, architecturalement toujours plus élégants, colorent harmonieusement. Je ne me lasse pas de l'observer sous tous les angles. |
|
| Les aléas du voyage font qu'à un moment de contemplation, de jubilation, peut rapidement succéder et jaillir à l'improviste son contraire. C'est ainsi que je constate que les hôtels " bons marchés " sont tous complets. M'attendant à multiplier fortement mon budget, je me rends à une adresse qui m'est indiquée. Finalement j'obtiens une chambre très correcte pour une somme convenable. Voilà donc ce sacré moral qui s'amuse à faire le yoyo, remontant très haut lors de la prise de ma chambre ; retombant un peu dans l'isolement nocturne, avant de remonter devant une bière et un plat chaud qui viennent conclure une journée pauvre en nourriture. Je rejoins mon habitat de la nuit. J'écris mes notes. Je fais mon lit. Demain, il y a de la route… |
|  Photos Karlovy Vary/Cheb |  | |
| |
|  | Sam 22 : Je prends un copieux petit déjeuner dans la salle de restaurant de l'hôtel. Dans la fraîcheur du matin que quelques rayons de soleil parvient à adoucir, je parcours les principaux monuments de la ville. Le château, un des plus grand de bohême du nord, est fermé, ainsi que l'imposante église Saint Nicolas. L'ancien couvent des Saint Clare est ouvert et j'y admire les statues de bois à l'effigie du Christ ou de la vierge. Sur la grande place, un marché accueille quelques commerçants. Aux dimensions imposantes de cette place s'allie une atmosphère calme et romantique. Il fait vraiment bon à se promener dans les rues qui en partent. J'en profite avant que quelques gouttes ne me fassent rentrer, puis prépare mon sac avant de poursuivre ma route. J'achète un billet de train pour Marianské Lazné. L'arrivée à la gare n'est pas très accueillante. Il faut faire l'effort de marcher environ un kilomètre pour accéder au centre. D'impressionnantes demeures le constituent, entre lesquelles verdissent des jardins étirés. Une colonnade abrite des sources d'eau pétillante desquelles je me désaltère. Derrière elle, on trouve la place Goethe, en mémoire du philosophe allemand. Venu faire une cure, il a connu ici, à 72 ans, son dernier amour avec une jeune fille de 17 ans. La ville se présente comme un cul de sac. La forêt avoisinante contribue à lui donner une atmosphère bucolique. La prochaine étape doit me mener à Klatovy, via Plzen. C'est à l'entrée du train que je rencontre Hana, une tchèque dont je ne saurais donner l'age. Peut être 60 ans. Peut être 70. Nous prolongeons la conversation dans le train. Elle me convainc que Klatovy ne présente pas d'intérêt réel. Il s'agit seulement d'une ville parmi d'autres villes. Hana a vécu 40 ans en Australie, à apprendre puis retransmettre la culture aborigène. De fil en aiguille, elle me propose de m'héberger et de me faire découvrir la ville. Il y a donc un changement de programme : je passerai la nuit à Plzen. Après qu'elle m'ait offert un café chez elle, ainsi que de quoi manger un peu, nous prenons un taxi pour le centre ville. Mon guide personnel me montre des détails, me conte des anecdotes, me présente les monuments de la ville, dans un français quasiment parfait. J'apprends sur sa ville |
| |
| ville natale qu'elle connaît et aime manifestement beaucoup, énormément d'éléments qui me seraient passé inaperçus sans elle. La langue devient un laisser passer avec lequel nous franchissons des portes, poussons des portails. Hana est deux fois veuve. Son deuxième mari, australien, venu vivre en république Tchèque, est décédé il y a peu de temps. Elle habite une grande maison à quatre niveaux. Sous le régime communiste, cette bâtisse n'était pas la propriété familiale, mais celle de l'état. Il y avait d'autres locataires qui partageaient la maison. Côté cours, il y a un vaste jardin, sur deux niveaux. Elle a écrit des livres, des recueils de poèmes, fait des traductions. Elle fait également des lectures pour des groupes de personnes. Elle me montre la reproduction du sceau royal qui lui a été remis comme récompense pour son travail fait envers la ville. Hana me montre également l'armoirie de sa famille qu'elle vient d'obtenir, symbolisé par l'épi de blé des cultures et la plume de l'écrivain. La devise dit à peu près ceci : " L'amour est plus fort que tout ". Le salon est rustique, meublé d'une grande bibliothèque empli de livres, pour certains très vieux. J'en feuillette quelques uns, adossé dans un confortable fauteuil, dos au piano blanc. Après avoir mangé, nous parlons du pays, de son histoire, de la vie. Sa philosophie me passionne. Je l'écoute me conter son expérience, me dévoiler ses pensées de femme qui a vécu : Si on n'a plus de travail, on peut en retrouver un ; si on n'a plus l'amour, on peut le reconquérir. Mais le temps…le temps, on ne peut pas le rattraper… " Ma réalité se confond avec la sienne, mais sortie de sa bouche, cette vérité devient plus forte. Pour célébrer notre rencontre, nous trinquons au présent, en buvant une liqueur viennoise. Na zdravi ! Je monte me coucher. De la fenêtre de ma chambre, la cathédrale illuminée n'est pas prête à s'endormir… |
|  Photos Marianske Lazne/Plzen |  | |
| |
|  Ceske Budejovice/Cesky Krumlov | Dim 23 : Pour je ne sais trop quelle raison, la nuit fût écourtée prématurément. Toujours est-il qu'après le petit déjeuner, je rassemble mes affaires et remercie chaleureusement Hana. Je la saluer, puis rejoins le centre ville et la place principale. Je gravis les 301 marches de la cathédrale Saint Barthélémy. Le début de matinée pluvieux a chassé les nuages, et la vue du haut de la tour permet non seulement de dominer la ville mais également d'avoir une vue sur la campagne environnante. On distingue clairement certains bâtiments reconnaissables comme la grande synagogue- troisième plus grande au monde. De là, je me dirige vers les souterrains de la ville, dont la visite m'a fortement été recommandée par Hana. C'est un réseau de 17 kilomètres qui se faufile sous la ville. Initialement construit pour abriter de la nourriture, ils furent pendant l'occupation un moyen d'échapper à l'ennemi. De nombreux objets ont été trouvés bien plus tard, et certains sont exposés dans des vitrines. Ce gruyère de galeries et de puits, où l'eau pompée était stockée dans une tour afin d'approvisionner les maisons, se révèle surprenant et très intéressant. Plzen est aussi la ville de la bière. Plus facile de l'identifier sous le nom de Pilsner, la brasserie fabrique la bière la plus connue au monde. Je parcours une petite exposition située à l'entrée de la brasserie, laquelle s'étend sur plusieurs hectares. Je n'ai pas le temps d'approfondir davantage mes connaissances sur la confection de ce breuvage dont les secrets resteront bien gardés. Dans le train qui me mène à Ceske Budejovice, je partage le wagon avec un seul passager. De la gare, je happe un bus qui m'achemine jusqu'à Hluboka nad Vltavou, une dizaine de kilomètre au nord est, afin de rendre visite à son château. C'est à l'origine un château de la renaissance, mais il a subits plusieurs remaniements. Il y a un peu plus d'un siècle, son propriétaire a décidé de la raser afin de reconstruire à l'identique celui des Windsor. La visite des différentes pièces accessibles est impressionnante. Le mobilier et les ornements proviennent de tous les coins d'Europe, selon le savoir faire. Dans un des salon, je suis en admiration devant un miroir et son cadre unique dont la confection est l'œuvre de 5 ébénistes qui ont travaillé 17 mois durant pour sa réalisation. Le détail du façonnage est somptueux. Les jardins qui entourent le château offrent d'agréables promenades en forêt. De retour à Ceske Budejovice, je me dirige vers la place de l'hôtel de ville. Une fois encore, la place entourée de façades magnifiques mérite réellement un petit détour, ne serait-ce pour profiter du charme ambiant qui règne. La destination finale du jour est Cesky Krumlov. Le train qui descend toujours plus vers le sud traverse, à son rythme saccadé, les forêts de bohème. Paysage bucolique de prairies vertes desquelles jaillissent lièvres et daims. Accoudé à la fenêtre, je laisse défiler des itinéraires que je fabrique mentalement, tandis que le soleil commence à rejoindre l'horizon. A 20h30, satisfait de trouver une place dans un hôtel, je prends possession de mon lit, avant d'aller errer dans les rues de la cité médiévale, inscrite au patrimoine culturel de l'Unesco. Il fait frais en sillonnant les ruelles étroites que le Vltava serpente en plusieurs boucles.
|
|  Photo Ceske Budijovice/Cesky Krumlov |  | |
| |
|  | | Lundi 24 : Aujourd'hui le château est fermé, mais je peux tout de même pénétrer à l'intérieur des cours. En continuant un peu plus haut, j'accède aux jardins du château. Je me fais chaque fois la réflexion de savoir comment on peut avoir la folie des grandeurs pour faire construire et emménager des espaces aussi gigantesques. Du château, on domine la ville. C'est un beau panorama de maisons encerclées par une rivière peu avare en contournements. La vue est belle, et la promenade dans les ruelles est agréable. L'ensemble me fait pourtant trop penser à certaines villes du sud de la France. C'est en quelques sorte un air de mon pays, de ma région, alors que je suis ici en république Tchèque, venu m'imprégner du pays. Je termine la visite par la montée au sommet de la tour du château. Elle donne la vision la plus aérienne de la ville. Je dois à présent me rendre à Telc. Un, ou plutôt deux bus m'y conduisent. Le décor change. C'est une petite ville entourée de vieux remparts, bordés de trois étangs qui lui confèrent une atmosphère paisible. La grande place du centre est en travaux, comme j'en observe en nombreux endroits dans la ville. Le long des sentiers qui longent les étendues d'eau, je me prélasse, profitant des tièdes heures de l'après midi.
|
|
| Mardi 25 : La dernière journée dans l'arrière pays Tchèque s'annonce sous un soleil radieux. Comme dans de nombreuses villes de bohême, il y a à Telc un château auquel de nombreux touristes viennent rendre visite. Je fais le tour du jardin renaissance qu'entourent, tel un cloître, des arcades voûtées, et au centre duquel coule une fontaine. Le château est du treizième siècle, mais il a été remanié, comme c'est souvent le cas à plusieurs reprises. Il est des plus visité de la bohême du sud. Je parcours les différentes salles au mobilier renaissant, et au murs et plafonds recouverts de sgraffitis ou de stucs. Les décorations sont recherchées. Une des salles affichent les trophées de chasse en Afrique, d'un oncle du dernier propriétaire. Horrible ou étonnant, chacun fera sa propre opinion. Toujours est-il que des dizaines de gueules empaillées, de l'antilope au lion, en passant par l'hippopotame ou le rhinocéros, sont accrochées comme les fiers trophées du chasseur. Au rez de chaussée, je m'attarde quelques instants dans la galerie de peinture dédiée à Jan Zrzavy, un grand peintre de la région, avec en particulier une série de toiles sur la Bretagne. En sortant du château, je ne sais toujours pas si je dois partir ou bien rester. Par moment, il fait même chaud, et le sac sur le dos devient une seconde peau dans laquelle je transpire rapidement. Je rejoins ainsi la gare de bus, excentrée de la ville, prêt à embarquer en direction de Brno. Au dernier moment, je me ravise. Je n'ai pas envie de passer la journée à courir les villes comme autant d'étapes furtives du voyage, sans même le temps de ressentir les axes que je sillonne. Alors je reste à Telc pour quelques heures supplémentaires. Près d'un des étangs, je m'assois sur un banc. Le soleil brûle ma nuque exposée, et j'écoute le claquement des poissons à la surface de l'eau. Je vais encore sur les sentiers qui partent en étoile vers les alentours, et me rend également à la tour d'observation située à l'est de la ville. A l'heure dite, je prends donc un bus qui me ramène droit vers la capitale, en trois heures de route. Décidemment, je trouve ce moyen de transport souvent inconfortable dans ce pays. Ce ne sont pourtant pas les pires bus que j'ai eu l'occasion de tester. Comme si un voyage ne pouvait pas exister sans ses petites arnaques, c'est à la caisse automatique de la station de métro que je me vois échanger 20 couronnes en pièces de monnaies contre un faux billet slovaque. J'apprécie de revenir à Prague. Lorsqu'on arrive pour la première fois dans une ville, il faut prendre le temps de la parcourir pour la découvrir. Il faut la saisir, la sentir, puis la ressentir. En revenant, on retrouve des repères parce qu'on a désormais adopté son mode de fonctionnement, son rythme, ses humeurs, ses impressions. On la reconnaît et il semble qu'elle nous reconnaît également. L'auberge que j'ai réservée pour ma dernière nuit est d'un accueil sympathique, et plutôt chaleureux. Je fais rapidement connaissance avec un Costa ricain venu en France quelques mois comme assistant de langue, et en escale en Europe de l'est. Deux espagnoles occupent les deux lits superposés, à côté du mien. Deux charmantes chiliennes, en fin d'études, sont en voyage à travers l'Europe pour un an. Ce soir elles seront également mes compagnons de chambrée. Je profite, dans la douceur du soir, de l'atmosphère nocturne de la place Straromestské et de ses éclairages. Sur la terrasse d'un restaurant joue un musicien sur un clavier. Je m'y installe et commande un goulash que je déglutis, arrosé d'une pinte de Pilsner. Lentement je savoure les dernières gorgées qui vont bientôt m'éloigner d'ici. Prague est une séductrice redoutable. Dans les ombres de la nuit, je partage avec elle ces derniers instants, presque avec mélancolie. Avant de m'endormir, je passe un petit moment à discuter avec une des espagnoles… |
|  photos Telc |  | |
| |
|  Karlstein | Mer 26 : Depuis avant-hier, j'avais perdu un certain entrain à me jeter sur chaque opportunité. Quoi de mieux qu'une rencontre inopinée surgi dans un dortoir d'auberge. La nuit a été très perturbée par des ronflements très animaliers d'un scandinave. Les bruits sont tellement caricaturaux qu'ils sont risibles, bien que tout de même irritant à la longue. Bien qu'écourtée également par les allées et venues très matinales, le contact très convivial et chaleureux de mes colocataires d'un jour m'emplit d'élan. Les espagnoles sont déjà parties pour Budapest. Je passe un long moment à discuter avec le Costa ricain à son réveil, le sortant ainsi d'une nuit très courte. Un peu plus tard les chiliennes émergent à leur tour. Du dialogue, des rires, de la féminité. Me voilà rechargé, plein de vitalité, prêt à empoigner avec ferveur ma dernière journée, ressourcé que je suis par mes compagnons de chambre. J'ai envie de leur dire que si les filles sont toutes à leur image, je ne vais pas tarder à débarquer à Santiago. Je mets un peu de retenu dans mes propos et me contente de leur souhaiter un bon voyage, en leur mentionnant que peut être la prochaine fois nous nous croiserons dans leur beau pays, certain d'être une destination future. Le programme de la journée est chargé. Je veux me rendre à Karlstein, visiter un château très reconnu. La communication étant toujours un problème, et la froideur des gens souvent un obstacle. Je prend le train qui va dans la bonne direction. Le seul problème majeur est que lorsque j'aperçois le panneau " Karlstein " du hall de gare, le train le dépasse rapidement. Il ne fait que passer mais ne s'arrête pas. " Y'en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes ", auraient dit certains. Quant à moi, je dis qu'il faut surtout que je descende à la première gare. Il s'agira de Beroun, une ville probablement mentionnée par aucun guide de voyage. Moi j'y fais halte, et profite du temps dont je dispose pour balayer les allées du marché qui se tient sur la place principale. Est-ce parce qu'il s'agit des dernières heures ou simplement parce que le paysage l'impose ? Ce qui est certain est que, appuyé au rebord de la fenêtre ouverte du train, je profite du spectacle d'une nature vallonnée, où s'élèvent des collines plantées de forêts, le long desquelles court la Vtlava. La nature est verte, profondément inspiratrice, et je chante dans le vacarme des moteurs, ce que m'inspire cette douce mélancolie gorgée d'un bien être salvateur. De l'arrêt, le château n'est pas visible. Il faut l'amadouer et l'approcher lentement sur une route qui d'élève entre deux collines, pour le voir surgir planté sur éperon rocheux. Le château date du treizième siècle. C'est une forteresse médiévale qui a subit plusieurs reconstructions. Ce sont de grandes salles aux plafonds plats, et au mobilier et à la décoration d'origine, datée entre le treizième et le seizième siècle. De retour à Prague, je veux absolument descendre la ruelle d'or du château royal, que j'ai omis de parcourir la première fois. C'est une rue étroite bordée de petites maisons colorées. C'était autrefois dans cette rue qu'étaient logés magiciens, alchimistes et scientifiques de la cours. Dans une salle d'exposition, on peut voir la chambre des tortures avec d'effroyables recettes pour faire souffrir, telle la chaise à clous. Quelques achats et souvenirs. Quelques odeurs sur la place centrale. Quelques coup d'oeils encore volés, et je dois récupérer mon sac laissé à l'hôtel. Je flâne, je traîne, je contourne les rues, à la recherche d'ultimes photos. Je marche d'un pas lent, je vais, je viens, m'arrête devant une façade remarquable, capter l'émotion sur un pignon de rue. Mais il faut tout de même que je rejoigne la station Florenc, un brin de nostalgie dans la tête, certainement marqué par Prague la fascinante, Prague la romantique, Prague l'envoûtante.
|
|  Photos Karlstein |  | |
| |
|
|
Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux | Marcel Proust |
|
|
|