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Sommaire

48 heures chrono pour Tallinn
Loona et Marko
Tallinn la médiévale
Rakvère et Maris
Peipsi, sans bulle mais beaucoup de glace
Altja et la mer baltique
Palmse et les villages du parc Lehemma
Déjà le départ

48 heures chrono pour Tallinn!



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J'ai décidé d'un voyage voué à l'inspiration, sans préparation abusive. Laisser libre cours à l'imprévu pour me laisser guider vers ce que l'instant me dicte. Bien sûr il y a des points de chutes élagués, des lieux qui attirent l'attention, qui forcent la curiosité. Bien entendu il y aura la rencontre inévitable avec les locaux que j'ai recherché avant mon départ. Mais aucune réservation bloquant un calendrier, aucune contrainte qu'une planification anticipée rendrait irrévocable. Voilà dans quel état d'esprit je pars rejoindre la baltique. L'imprévu par définition ne s'anticipe pas. Je n'ai donc pas prévu celui-ci dont les conséquences auront une signification sur mon voyage. 17h21. Heure de départ prévue de mon train en gare de Bergerac, si ponctuelle dans les tablettes de la SNCF, si souvent perturbée sur les rails. Un contre temps sur les voies, et voici 45 minutes qui s'ajoutent à 1h15 de transport prévu initialement. En d'autres circonstances ce retard m'aurait probablement rendu irascible, comme je l'ai d'ailleurs été devant la répétition des événements, mais mes humeurs auraient bien vite oublié ces désagréments sans conséquence. Ici, sans pour autant affecter mon stoïcisme, les aléas ont entrainé une réaction en chaine d'incidences.  C'est ainsi qu'à la recherche infructueuse du parc de stationnement des bus non signalé, je vois le compte à rebours  séparant ma recherche du départ s'égrener dangereusement. Je cours, essoufflé, trempé dans les rues du quartier de la gare, suivant les indications fausses de mes mauvais inspirateurs. Mon bus part, pas moi. Ce bus devait assurer ma correspondance en descendant du train et me conduire durant la nuit jusqu'à Gérone, en Espagne. De là, je devais prendre un avion. Mais si je n'ai pas pris le bus, alors au revoir l'avion. Une alternative à la fatalité ? Tenter de joindre tout de même Gérone de nuit. Une difficulté se rajoute : pas de train nocturne, pas d'autre bus, pas de covoiturage disponible. Les choses se compliquent. L'intendance entre en action. Luisa de son côté cherche une solution en compagnie d'une amie. Nick joint Ana et me relaie ses coordonnées. Je décide de tenter de gagner l'Espagne en stop, en pleine nuit. Challenge non garanti. Je me rends chez Ana, proche de la gare. J'en profite pour revêtir  un dessous sec car mon tee shirt est trempé de sueur. Je prends quelques forces en ingurgitant les sandwiches qui sont dans mon sac, et emmagasine un peu de chaleur avec une tisane brûlante. 
Ana me conduit à une barrière d'autoroute. Environ 23h et -2°C: paré pour une longue nuit. Après un démarrage laborieux, un chauffeur de poids lourd m'embarque à bord de son engin. Il parcourt Rennes Toulouse 2 fois par semaines et me déposera à une station-service près de Toulouse aux alentours de 3h15. Période creuse ; c'est le moins qu'on puisse dire. Les chauffeurs font leur pause sur les emplacements de stationnement. Quelques rares véhicules font un arrêt à la pompe. Aucun ne continue vers l'Espagne. Je papote avec le gardien qui m'offre un café. L'activité reprend vers 5h. Je trouve un routier Espagnol qui m'amène avec lui. Il fait 17 heures de conduite, plus les 9 heures obligatoires de pause pour livrer à Lille depuis le nord de l'Espagne, en passant par Lyon et Tours. Il me confie une vie difficile avec des horaires longs, et des contraintes dans sa vie familiale. Je resterai bloqué 3 bonnes heures juste avant la frontière où il me dépose. C'est un nouveau routier Roumain cette fois qui m'interpelle pour le suivre. Il m'offre un sandwich que je refuse, un biscuit roumain que j'accepte ainsi qu'une orange que je rangerai dans une poche de ma polaire. J'ai fait de petits sommes au cours des déplacements. J'arrive à Gérone mais je décide de poursuivre jusqu'à Barcelone. Luisa m'a trouvé un billet de substitution pour demain car mon avion a maintenant décollé depuis bien longtemps. Pour poursuivre ma route, je dois donc racheter un billet. Tout cela a bien entendu un cout…je choisi celui de la passion…je fonce. Le challenge est donc perdu mais mon obstination va me conduire à la capitale catalane après une nouvelle attente qui n'en finit pas. A Barcelone les choses deviennent enfin plus simples. Le trio de jeunes qui m'y a conduit m'a déposé devant l'immeuble où je vais dormir. C'est Anna qui sera ce soir mon hôte ; Anna que nous avions connue il y a un an ici même. Je pose mon sac, ma carcasse fatiguée, raconte mes péripéties. D'Ana à Anna, il se sera écoulé 16h. Le temps pour rallier Barcelone depuis Bordeaux en stop. Le temps d'espérer le coup de pouce qui ne viendra pas. J'ai dans mon sac polaires et sous-vêtements thermique contre le froid, et me voilà le visage rougi d'avoir été exposé au soleil brulant. La tête est lourde, le corps fatigué, je décline l'invitation d'Anna à l'accompagner à un vernissage photographique.
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Estonie

Loona et Marko

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Que la nuit fut longue et bonne. Ce matin je me sens rechargé, revigoré, prêt à empoigner un nouveau départ. Au levé je discute avec Anna qui s'apprête bientôt à sortir. Je me prépare, range mes affaires, puis claque la porte de l'appartement et glisse les clés dans la boite aux lettres du hall d'entrée de l'immeuble. Quelle douceur, quelle luminosité printanière ! Sac sur le dos je rejoins lentement la station de métro pour aller " plaza calalunya ". Je retrouve l'atmosphère de Barcelone la méditerranéenne, avec son architecture élégante, ses vitrines de bocadillos et de tapas qui me donnent l'eau à la bouche. En d'autres heures j'aurais envie de me laisser absorber par cette Barcelone cosmopolite, mais je ne suis pas au bout de mon voyage. Seulement en transit contraint. C'est une autre ville, une autre atmosphère, une autre époque qui m'appellent.  La navette me conduit à l'aéroport où une longue file d'attente formée devant le guichet d'enregistrement me fait encore patienter pour obtenir mon laisser passer pour l'Estonie, avec une escale à Riga.
Que la nuit fut longue et bonne. Ce matin je me sens rechargé, revigoré, prêt à empoigner un nouveau départ. Au levé je discute avec Anna qui s'apprête bientôt à sortir. Je me prépare, range mes affaires, puis claque la porte de l'appartement et glisse les clés dans la boite aux lettres du hall d'entrée de l'immeuble. Quelle douceur, quelle luminosité printanière ! Sac sur le dos je rejoins lentement la station de métro pour aller " plaza calalunya ". Je retrouve l'atmosphère de Barcelone la méditerranéenne, avec son architecture élégante, ses vitrines de bocadillos et de tapas qui me donnent l'eau à la bouche. En d'autres heures j'aurais envie de me laisser absorber par cette Barcelone cosmopolite, mais je ne suis pas au bout de mon voyage. Seulement en transit contraint. C'est une autre ville, une autre atmosphère, une autre époque qui m'appellent.  La navette me conduit à l'aéroport où une longue file d'attente formée devant le guichet d'enregistrement me fait encore patienter pour obtenir mon laisser passer pour l'Estonie, avec escale à Riga.
Quelles sont donc ces montagnes que nous survolons ? La chaine des Carpates probablement qui s'élance de la République Tchèque aux Tatras Polonais, selon notre plan de vol tout au moins. Le paysage se déchire, s'écorche. Les cimes blanchies peu à peu sont recouvertes d'un immense tapis de neige. A travers le hublot taché, je reconnais le décor âpre et tourmenté de ma vie que je veux traverser non pas dans les turpitudes des événements incontrôlables et inhérents, mais dans 
les rugosités du rocher et les dénivelés du relief. A Riga nous avons un peu de retard, si bien que lorsque j'arrive devant la porte d'embarquement du vol pour Tallinn, les passagers ont déjà embarqué. L'avion n'est pas complet. Le vol est court. 48 heures après le départ je foule enfin le sol de la capitale estonienne. Des rangés de neige sont amoncelées de part et d'autres des pistes. La transition me parait soudaine. D'un seul coup je suis projeté dans l'univers que j'imagine ; celui du froid et de la rigueur. Mon unique sac sur le dos, je suis un des premiers passagers à sortir. Nous avons quelques minutes d'avance et personne ne m'attend dans le hall.  Bientôt je reconnais Loona et imagine Marko dont la description ne peut prêter à confusion. J'imaginais Loona très avenante, entreprenante et je rencontre une fille méfiante et refermée. La réalité me rappelle que je suis en Estonie et que les attitudes peuvent différer de nos habitudes. J'ai confiance en mes sens et je sais que Loona n'est pas la personne qu'elle parait. Marko quant à lui impose physiquement de sa personne. Grand, massique, il se montre plus ouvert de premier abord. Ils me conduisent chez eux, à 10 minutes de voiture environ. Nous sommes le 24 février, jour de l'indépendance acquise en 1991 et donc fête nationale. Marko a préparé pour l'occasion du canard et des pommes de terre. Ils ont déjà mangé mais cela ne m'empêche pas de me régaler. La soirée se déroule, les effluves de bière et de vin accompagnent la conversation, la confiance s'installe. Je suis content d'être enfin ici, et de partager ces instants avec eux. 

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Tallinn la médiévale

La lumière qui éclaire l'appartement sans volets me réveille pendant la nuit. J'ai du mal à retrouver le sommeil. Au levé je découvre à travers la fenêtre un paysage recouvert d'une petite épaisseur de neige. Le ciel chargé et la brume vaporeuse limitent l'horizon aux quelques bâtiments situés en face. Les cris des mouettes qui tournoient trahissent la présence de la mer baltique.                                                                                                                                          Marko se lève, réveillé avec un mal de tête. Loona dort encore. Elle devait m'accompagner en ville ce matin mais cette résolution de la veille s'efface dans les abus de vin. Je profitais du silence matinal de l'appartement endormi pour écrire quelques notes. L'heure tourne et j'ai maintenant envie de sortir. Je m'habille avec les épaisseurs dont je dispose et part donc seul à la conquête de Tallinn. J'achète un ticket à l'officine et grimpe dans le trolley numéro 3 qui passe un bref instant plus tard. Je guette sur l'écran d'affichage le nom de l'arrêt " Vadabuse valjak "que j'ai griffonné sur le plan de la ville. 10 minutes à peine et je suis à destination. -2°C tout au moins. Quelques flocons tentent une sortie en flemme. Je me dirige vers la place centrale, cœur historique où se tenait durant des siècles un grand marché. J'ai besoin de m'imprégner des lieux pour commencer à le ressentir. Je décide d'en faire un vaste tour afin d'en prendre la mesure, de découvrir son atmosphère médiévale. Je suis un itinéraire que me propose mon guide papier, suivant les rues et ruelles les plus caractéristiques du centre. De belles maisons de marchands datant du moyen âge plongent dans le passé de Tallinn. Le musée de la ville est situé dans l'une d'elle et retrace le développement de Tallinn à travers l'histoire, évoque la vie en Estonie et retrace également la période d'occupation russe. Reparti sur trois niveaux les salles présentent de manière argumentée et ludique les thèmes évoqués. L'atmosphère est plutôt bien retranscrite et fait de ce musée un bon support pour appréhender et se replonger dans l'histoire du pays. Ville fortifiée, les murs d'enceinte sont encore largement présents. On peut suivre de magnifiques murs de pierres et emprunter plusieurs portes d'entrée marquées par les tours érigées. Je me perds dans le dédalle de ruelles enneigée, dont le sol glissant nécessite l'attention. Sur la colline de Toompea, je grimpe visiter la cathédrale Alexandre-Nevski. L'architecture ne laisse douter de la main mise soviétique pour bâtir cette vaste église orthodoxe. Le parlement estonien siège aujourd'hui le château de Toompea. A ce titre, ce dernier ne se visite pas. En revanche il offre depuis les murs adjacents de beaux panoramas sur la ville. 
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De retour sur la place centrale je ne résiste pas à une nouvelle immersion dans le passé, en pénétrant dans la plus ancienne pharmacie d'Europe, toujours en activité. Dans le magnifique bâtiment, ce commerce a ouvert ses portes en 1422. Un petit musée est emménagé, avec des meubles d'époque et quelques surprises en bocaux. Je reste en arrêt devant un crapaud et un pénis de cerf séchés. Je retourne à l'arrêt de trolley où Marko m'attend avec sa voiture. Ensemble nous allons faire quelques courses dans un des supermarchés de la périphérie. J'y découvre certains produits inconnus de ma part, mais constate surtout que les prix sont bien plus bas qu'en France. La logique est sauve car le salaire minimum en Estonie est tout juste plus de la moitié du notre. Au retour Loona est dans la cuisine, levée depuis peu. Ce soir il y aura diète d'alcool. Nous faisons un repas que je qualifie de léger, avant de nous installer un peu plus tard devant un film tout juste sorti en salle, et téléchargé illégalement par Marko. Lorsque je le questionne à ce sujet, il me rassure en me disant qu'ici comme ailleurs ces pratiques sont interdites. Mais il y a beaucoup de films qui sortent chaque jour, précise-t-il !
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Rakvère et Maris

Marko a installé un drap par-dessus la tringle devant la fenêtre de façon à assombrir la pièce. Cela a été efficace puisque, même si je me suis réveillé dans la nuit, j'ai beaucoup moins été dérangé dans mon sommeil. Loona m'avait dit que je ne pouvais pas manquer Marko. " 2 mètres, 370 kilos " m'avait-elle écrit hironiquement. S'il n'a pas- je le suppose- ces caractéristiques exactes, il est vrai que son gabarit le laisse difficilement inaperçu. Etant donné sa corpulence je ne doute pas de l'énergie qu'il doit ingurgiter, mais je reste tout de même stupéfait de la quantité de nourriture qu'il avale sans prêter attention. C'est surtout le volume de boisson gazeuse auquel il ne semble pas faire considération. Le voir en avaler ainsi devant la télé de grands verres me fait intérieurement réagir. Loona dort encore lorsqu'il apparait dans la cuisine et se met au fourneau pour concocter un petit déjeuner dont il a le secret. Au pain avec crabe, saucisse ou tranche de porc, recouvert de fromage fondu au four qu'il prépare quotidiennement, il confectionne des sandwiches de pain blanc avec charcuterie, et concombre à déguster froid. Voilà de quoi absorber de bonnes calories afin d'affronter le froid. J'ai changé mes plans et décide de quitter Tallinn aujourd'hui même au lieu de demain matin comme prévu initialement. Je fais part de ma décision à Marko puis plus tard à Loona. Après avoir bavardé un instant je m'apprête à sortir ; avant de quitter la ville il y a un certain nombre de choses que je souhaite faire et voir. Je les salue, emportant de ma rencontre un couple très différent, aussi bien physiquement que dans les intérêts qui sont ressortis de nos discussions, et une Loona au vrai nom russe d'Ylona très introvertie. Ce matin la neige virevolte en petits flocons. Je rejoins le centre dans une atmosphère plaisante, le sac sur le dos, une main nue car j'ai perdu hier soir un de mes gants. J'aime ce ressentiment qui se dégage par ces températures froides et la neige qui enveloppe la ville d'une ouate fraiche. Je me dirige directement vers la tour Kiek in de Kok, visiter le musée. Il s'agit d'une des tours de défense médiévale. Aux différents étages de la tour sont exposés des collections relatives au domaine militaire, de la période médiévale jusqu'à nos jours. La partie la plus palpitante est sans compter la période médiévale qui s'inscrit dans l'atmosphère des lieux. Comment ne pas plonger dans l'époque relatée par les murs de pierres lorsqu'on est devant des instruments de tortures telle que la planche à écarteler. Imaginer le corps du torturé écartelé en tirant jambes et bras en sens inverse par des cordes entrainées par des systèmes de treuil me fait froid dans le dos.  Au sommet de la tour la vue panoramique permet de découvrir la ville et d'atteindre la mer par une vision aérienne. En sortant je me dirige vers le musée de l'occupation soviétique. 
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. Autre période, autre atmosphère, ce petit musée établi dans un bâtiment moderne retrace la mainmise du régime soviétique sur l'Estonie à travers de très nombreux documents, objets d'époque, ainsi que quelques commentaires sommaires. L'esprit consiste en une accroche visuelle. Intéressante plongée avant l'indépendance, alors que le régime communisme imposait son dictat. Pour la symbolique je voulais aller voir la mer baltique de près. Cette mer dont j'ai si souvent lue le nom mais jamais entendu le son. Je marche et m'enfonce dans la neige fraiche jusqu'à recevoir la gifle du vent venu du large. Dans de petites retenues d'eau de gros glaçons détachés flottent, entre lesquels s'agitent des canards. Ce paysage rugueux, cette grève blanchie devenue austère me flattent plutôt que m'effraient. Je rentre, alors que le soleil a désormais percé, vers le centre où je prends mes derniers clichés. Un moment plus tard je suis à la recherche du trolley qui doit me mener à la gare centrale des bus. Lorsque j'y parviens, avec 40 minutes d'avance sur mon horaire j'apprends qu'un bus démarre dans quelques minutes pour Rakvere. Je saute dans celui-et me voici en direction de l'est. Sitôt sorti de la ville, la nature s'installe ; les buildings de la ville moderne laissant place à la forêt et aux espaces vierges. La neige a repris une activité qui a doublé d'intensité. Les routes blanchissent et je repense à la vague de froid et de neige qui s'est abattue en France il y a deux semaines. Quelques centimètres de neige, et toute l'activité est perturbée. Ici cette situation est normale, et les bus circulent sans sembler être importunés le moins du monde. Le décor est superbe. Je suis content de quitter la capitale pour laisser le pouvoir du froid blanc étendre sa emprise sur moi. Je regarde les grandes étendues blanches et ce sont elles qui me font palpiter à cet instant. Qu'importe les degrés en dessous du zéro, les couches superposées sont là pour contre chaque graduation du thermomètre. La nuit s'annonce. Bientôt Rakvere apparait et sa station de bus. Comme je suis en avance je profite pour aller faire un tour dans la ville. Tandis que je marche en me protégeant des flocons de neige que le vent me projette en rafale je reçois un message de Marko. Il me dit qu'il est allé à la gare de bus mais ne m'a pas trouvé : il a retrouvé mon gant ! J'attrape un fou rire. De beaux bâtiments dessinent un centre très aéré. Je rejoins l'église et grimpe sur une petite colline d'où je vois le château éclairé, magnifiquement fouetté par des tourbillons de neige qui ne font cas des remparts dressés. Je reviens à la station pour 19h. Bientôt je vois débarquer un véhicule utilitaire rouge et reconnait immédiatement Maris qui vient me chercher, avec son ami au volant. Ils habitent un peu plus loin dans la vieille ville. Leur maison est rustique, chauffée au bois par un poêle qui mange des buches dans la cuisine. 
Dans le salon se trouve mon futur lit qu'il me suffira de dérouler (il s'agit d'un matelas de mousse épaisse). J'engage la conversation avec Maris. Son compagnon ne parle pas anglais et reste isolé dans son coin sur son ordinateur. Elle a un fils qui de même reste dans sa chambre. Chacun de son côté. Ce sera d'ailleurs la particularité qu'elle me livrera, à savoir que chacun mène un peu sa vie, et cela est aussi vrai pour manger. Nous discutons beaucoup. La discussion est simple est très ouverte. Après manger nous sortons faire une balade nocturne, emmitouflés chaudement. Nous grimpons au château pour un sentier qui contourne un vallon jusqu'à une immense statue de taureau. Le vent nous agresse latéralement mais la vue et les éclairages mettent harmonieusement en valeur la pierre de ce patrimoine, véritable parc d'attraction féodal en été. Nous rentrons nous mettre au chaud. Maris aime vivre au contact de cette nature, loin de l'agitation des grandes villes. Rakvère est la 5ième- 7ième d'après elle- ville d'Estonie avec 17000 habitants. Ici tout est à échelle d'homme.
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Peipsi, sans bulle mais beaucoup de glace

Je me suis couché tard afin de mettre à jour mon carnet. Je suis bien au chaud sous ma couette et je profite des instants de repos. Maris est encore au lit. Je me lève et affine mon itinéraire. Nous prenons un café, échangeons encore longuement sur l'Estonie et ses habitudes. Je file à la gare de bus non sans avoir pris soin de noter l'adresse exacte ; je suis bien capable sans cela de me retrouver ce soir à tourner en rond. Je prends de quoi grignoter sur le trajet et grimpe à bord aussitôt le billet en poche. J'ai renoncé avec amertume à aller à Tudu. Les forêts d'état possèdent de nombreuses cabanes en bois réparties sur le territoire. Une d'elle est située dans le village de Tudu, au sud-est de Rakvère. Depuis ce petit village des chemins mènent sur plusieurs kilomètres-5 peut être- jusqu' à un lac. Sur le bord du lac se tient ma muse. Maris m'a confirmé que c'était une excellente idée, mais en été. D'une part la cabane n'est pas entretenue l'hiver et n'a pas été nettoyée. D'autre part l'accès est enneigé d'une épaisseur accumulée de l'hiver. Non pas que cela m'effraie de m'enfoncer jusqu'aux genoux mais dans le doute de rester bloqué, je choisis de m'abstenir. Je n'ai pas d'équipement pour marcher des heures dans une importante hauteur de neige et je n'ai aucune garantie de pouvoir m'orientation sans boussole Avec davantage de temps j'y serai tout de même allé mais je risque de compromettre une journée et j'ai suffisamment perdu de temps. A cela ajoutons que les bus se font rares et que la circulation est aléatoire pour garantir le succès de l'auto stop.
La route traverse des paysages où la forêt et la neige sont les seuls âmes palpables. Quelques villages surgissent. Je sens frémir en moi l'envie et le besoin de percer la blancheur de mes pas pour m'y enfoncer sans retour. Le long des rues enneigées des hommes et des femmes poussent de petits traineaux parfois équipés de paniers pour faire les courses. Ils glissent sur les patins métalliques en poussant d'une jambe comme le font les mushers pour aider les chiens à tirer lorsque le terrain est plus difficile. En 1h30 je suis à Mustvee, un village situé sur la rive du lac Peipsi. La cinquième plus grande réserve d'eau d'Europe a la particularité d'être partagée sur deux territoires. Cette rive est estonienne, quelques dizaines de kilomètres à l'est l'autre rive est russe. Le second point remarquable est qu'en hiver le lac est prisonnier d'un couvercle de glace. L'eau gelée constitué une couche d'une trentaine de centimètres d'épaisseur sur laquelle roulent les voitures. Les premiers pas sont un peu hésitant mais lorsqu'un véhicule d'une tonne se déplace sans trembler, je ne vois pas où se pose le problème. Un désert glacé et saupoudré s'étend. 
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En fixant la ligne d'horizon qui se forme vers la Russie je repense inévitablement au lac Baïkal, à ses eaux pures de l'été et à l'immensité glacée qu'il est à cette époque. Contrairement au lac Peipsi qui présente une surface bien régulière, il n'en est pas de même du Baïkal dont la surface chaotique se découpe en bloc déstructurés. Si Jésus avait eu l'idée de  marcher sur le lac Peipsi au mois de février plutôt que sur la mer, la religion catholique n'aurait peut-être pas multiplié les guerres. La frontière naturelle que constitue le lac entre les deux pays devient un passage aisé en hiver. Pourtant voisins les estoniens ne peuvent pas franchir cette barrière sans visa, comme n'importe quel européen. J'y vois dans cette situation un rapport de force stupéfiant. Je marche longuement sur cette vaste étendue blanche. La glace n'empêche pas les pêcheurs d'exercer leur activité. Nombreux sont installés à différents endroits. Je rejoins l'un d'eux. A l'aide d'une chignole il pratique un trou d'une quinzaine de centimètres de diamètre. Il y plonge une ligne retenue par une canne miniature. Me voyant curieux il m'invite à m'assoir et à prendre la canne. Avec ses conseils je retirerai un poisson de son aquarium géant. Sa femme en fait de même, assise sous une tente qui la protège du vent froid qui fouette le visage. Je rejoins le bord du lac pour marcher le long des villages qui se succèdent. De belles maisons colorées en bois donnent une atmosphère plaisante. Plusieurs kilomètres me ramènent à la station de bus de Mustvee. Je rentre ce soir à Rakvere où Maris me reçois pour la seconde nuit. Son fils a un comportement plutôt étrange et elle ne sait que faire. Il ne communique quasiment pas sauf par quelques mots échappés. C'est le sujet d'une longue conversation. Plus tard, Maris m'imprimera des plans, téléphonera de son propre chef à l'hôtel de Sagadi où j'ai l'intention de me rendre demain, pour vérifier la disponibilité, et me donnera un paquet de Kama, une sorte de poudre de céréales qui sert à préparer un dessert simple et typique. Que dois-je espérer d'autre ? Avant que je puisse aller me coucher, je dois attendre qu'elle et son compagnon terminent d'utiliser l'ordinateur ou de regarder la télévision car je dors dans la pièce principale. Vers minuit Maris, plus noctambule que matinale, prend son ordinateur pour continuer à travailler dans la cuisine. Quant à moi, le disparais sous la couette.
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Altja et la mer baltique

Je serais bien resté davantage au lit, d'autant que le matelas de mousse déployé dans le salon est confortable. Maris est freelance en tant que journaliste pour un journal régional. Ce matin elle fait un effort pour sortir du lit plus tôt car je dois prendre un bus à 9h. Nous bavardons en buvant un café puis, l'heure tournant, je termine de me préparer pour partir. J'aime arriver chez les gens. J'aime en partir. Je rejoins la gare de bus, achète à la hâte de quoi déjeuner, puis monte dans le bus pour Sagadi. La route se perd rapidement au milieu d'un paysage blanc. Il faut tout juste 40 minutes pour apercevoir le manoir devant lequel je me fait déposer. On accède à cet imposant bâtiment du XV ième siècle par une porte bâtie imposante. Je souhaite réserver une chambre de la " guest house " mais on me répond qu'elle est complète On me propose alors une chambre d'hôtel à un tarif minoré. Je doute quelque peu de cette explication mais je n'ai de toute façon pas le choix et pas envie de chercher à comprendre. On me propose 30 euros. Je sous-enchéris à 25 euros. Affaire conclue. J'installe mes affaire dans ma chambre, prend le nécessaire et ressors sans perdre de temps. La neige s'est invitée. C'est donc sous des chutes modérées mais persistantes que je prends la route du nord en direction du village d'Altja. Au bout d'environ 3 kilomètres de route plusieurs sentiers sont indiqués. Je peine à identifier les balisages et après tentatives, je poursuis la route principale qui m'emmènera à l'entrée du village.  Cette zone est située dans le parc naturel de Lahemma. Le village a des airs de village fantôme. Pas une âme ne semble habiter les maisons en bois qui s'approprient élégamment l'espace. A Sagadi on m'a parlé d'une petite épicerie. Je ne vois rien qui ravisse mon appétit. Je fais le tour des ruelles transformée en piste de neige pour mieux sentir encore l'atmosphère de bout du monde qui règne. Je poursuis et gagne la mer. Je suis presque à court de souffle devant le spectacle que je contemple. La mer baltique se tient devant moi, prisonnière d'une chape glacée et recouverte d'une poudre immaculée. Le blanc des berges se prolonge dans les eaux. Je longe la berge. Il règne un silence total, excepté le vent qui s'engouffre dans la forêt. A la question " qu'est-ce que je suis venu faire ici ? " la réponse se trouve devant mes sens en émoi.  Je suis stupéfait, envahi d'une émotion qui place mon respect pour la nature toujours plus haut. Je crois que ma définition du bonheur se trouve là. Un oiseau, échassier inconnu à mon lexique, est posé sur des blocs de glace. Il tient mes hommages dans son long bec. Mon regard a du mal à quitter la mer, mes pas s'enfoncent lourdement dans la poudreuse. Je ne veux rien manquer. En quelques instants j'ai compris ce qui m'a poussé à venir là, j'ai compris que mon futur s'inscrit vers ces océans de glace, ces montagnes de neiges, ces horizons froids. J'emprunte un sentier qui 
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m'éloigne de la Baltique. Il y a une certitude qui apparait. Ma vie m'appartient. Il y a une envie qui s'invite. Celle de chercher un bivouac dans un recoin abrité de la forêt, y déplier ma tente et m'allonger sur le matelas de neige tassée. Je n'ai pas de tente.  Je suis le balisage qui me ramènera vers le village. Trois cerfs me voient avant que je ne les aperçoive. Ils fuient. Je poursuis. Je n'ai toujours pas identifié les sentiers jaune et orange signalés. Je m'enfonce à travers la forêt espérant, d'après l'orientation du plan que j'ai photographié sur un panneau indicateur, couper ce maudit sentier. Je tente de suivre un azimut mais je dévie de ma trajectoire et me retrouve écarté de mon objectif. Je reviens sur mes pas, non résigné mais dans l'espoir de trouver une piste plus loin. Un nouveau chemin s'enfonce. Je l'emprunte et arrive cette fois sur un des balisages que j'espérais trouver. Du coup je ne suis plus où je pensais être. Je suis un magnifique itinéraire qui surplombe une petite vallée ou s'écoule une rivière en partie dégagée de la glace. C'est là que j'aperçois un animal que je peine à identifier. Cela ressemble à un rat géant. Impossible, sa taille est trop volumineuse. Il s'agit probablement d'un castor. La neige continue de chuter. Elle s'engouffre sous une de mes guêtres dont la tige métallique qui passe sous la chaussure a cassé. J'arrive à une zone de stationnement ou un bus d'école est garé. Des enfants sont probablement en sortie nature. De là je trouve un autre itinéraire qui fait réaliser une grande boucle. Les indications sont difficiles à suivre. Je m'enfonce jusqu'aux genoux mais je ne m'égare pas. Par contre je dois manquer une bifurcation et je me retrouve du coup au point de départ. Je reprends alors le sentier initial. Je reviens sur la vallée où j'ai aperçu le castor et conduis dans une direction qui semble légitime. Je marche et soudain repense inévitablement au film " le projet Blair Witch ". Les mêmes éléments, les mêmes marques. J'ai avancé et je me retrouve au même endroit. Pourvu que les sorcières estoniennes ne me jouent pas d'autres tours plus audacieux. Je retourne alors au parking et prend une route. J'arrive enfin à un carrefour que je reconnais. Gauche ? Droite ? Je dirais plutôt gauche ! Parions pour la droite. J'attaque la route à grandes enjambées. Je ne reconnais pas être passé là ce matin. Je m'obstine. Je suis dans mes pensées, le regard pointé vers le sol, lorsque je devine un mouvement. Un sanglier déboule devant moi. Je tente de suivre ses empreintes laissées dans la neige. Vainement.  Je reprends ma route. Je suis maintenant convaincu de ne pas être passé ici mais continue tout de même. Il y a trop longtemps que j'ai quitté l'embranchement. Je vais bien finir par arriver sur une route plus importante qui
me permettra en obliquant à gauche de gagner le manoir. Je surveille ma montre car je tiens à arriver avant la nuit. L'heure tourne. Après un virage, un autre virage. Pas de circulation sinon 2 véhicules en tout et pour tout en sens inverse. Je change de stratégie et décide de revenir sur mes pas. La décision est ferme et il ne faut plus réfléchir car je dois refaire les kilomètres déjà parcourus. Je mange un peu de neige fraiche pour m'hydrater. Les jambes me chauffent. Je reconnais des indices sur la route qui à chaque fois me font penser que j'ai encore un long chemin à faire. Enfin voici la bifurcation. Cette fois je ne me trompe pas. Il reste environ 3 kilomètres de plus. Une voiture arrive sur mes pas alors que j'approche du but. Je ne veux pas abdiquer. J'arriverai seul ! Voici le manoir, grand, imposant, mais surtout synonyme de repos. Je n'ai pas pris de douche depuis 3 jours et celle-ci en devient que meilleure. Aux alentours de 19h15 je vais au restaurant de l'hôtel. 3 touristes terminent de diner. A part ça personne. La salle est à moi ; spacieuse, distinguée. Je commande un savoureux éperlan frit servi avec concombres, tomates, pommes de terre, et une crème aux épices avec des oignons frits. Un vrai régal bien mérité. Un gâteau de carottes comme dessert, le tout arrosé d'une bonne bière fraiche du pays. La chambre est spacieuse. Une pièce avec deux lits simples et un petit séjour avec canapé, table  bar et bureau avec une lampe sur trépied. Deux fenêtres en demi-cercle donnent sur une cours extérieure. Pour la première soirée depuis mon arrivée je suis seul dans ma chambre d'hôtel. J'apprécie de pouvoir œuvrer comme je l'entends, à mon rythme. Je m'installe sur mon lit. C'est le moment pour ouvrir " Les forêts de Sibérie "et de parcourir les pages du mois de février qui me transportent en d'autres lieux, sous d'autres longitudes, mais dans cet esprit que je sens devenir mien.
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Estonie

Palmse et les villages du parc Lahemma

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Le cadre de mon abri douillet est splendide mais le lit de médiocre qualité. Je suis réveillé vers 5h et ne peux me rendormir. J'en profite pour fignoler quelques travaux sur mon ordinateur dont j'inaugure le premier voyage. Je dois reconnaitre qu'il s'agit d'un partenaire assez agréable, toujours prêt à aider pour solutionner un problème. Je prends un petit déjeuner festif dans la salle de restaurant, aussi vide qu'au diner de la veille. Salé, sucré, jus, café. Tout y passe. Je prévois un déjeuner de diète alors je prends des réserves. Je quitte l'hôtel à 10h30. Quelques courbatures viennent avec moi. Nous prenons ensemble la route de Palmse. Après 1 ou 2 kilomètres je tombe sur une intersection non signalée par mon plan peu précis. Kasmu est indiquée à 12 kilomètres. Du coup je change d'orientation et emprunte la route qui mène à ce village. L'envie de sentir l'atmosphère de ce lieu réputé pour son calme où artistes et écrivains viennent chercher l'inspiration. Je suis intrigué. Une voiture s'arrête un instant plus tard. Le conducteur me dépose 6 kilomètres plus loin à une nouvelle intersection qui conduit à Kasmu. Lui file au village plus loin. J'ai quelques craintes quant à la réussite de mon entreprise. Il n'y a que 6 kilomètres à parcourir mais la route n'est pas fréquentée. Je me laisse 30 minutes de marge pour que quelqu'un s'arrête. Pendant ce temps plutôt que de rester sur place, j'avance. 2 voitures en tout et pour tout me doublent sans me prêter attention. A cause de la neige qui crisse sous mes pas, et avec le bonnet vissé sur la tête je n'ai pas entendu arriver la première. J'opte pour marcher tête nue. Cela permettra d'autre part d'avoir une apparence plus distinguable. Je chante à tue-tête ma volonté évidente de me fourrer dans de telles situations. Mon répertoire de chansons d'outre temps y passe, de Mike Brant à d'Aznavour.  Le temps est écoulé, et je fais demi-tour. Je reviens au point de départ. De ce fait j'opte pour le village de Vosu, à 1 kilomètre. Je marche jusqu'au village sans charme et file vers la mer. L'atmosphère a radicalement changé puisqu'à la météo difficile d'hier a succédé le soleil. Je repars et me fait rapidement prendre au auto-stop par un véhicule qui me laisse sur une jonction à direction de Palmse. 7 kilomètres à parcourir. J'anticipe le fait de les parcourir à pied car cette route ne se prête pas à un passage régulier. Pari gagné. J'effectue la totalité du trajet à pied. Pendant ces longs moments de marche mes cellules grises sont aussi actives que mes jambes. Pourquoi s'imposer ces heures de galère ? Parce que l'effort est une valeur en laquelle je crois. Elle prend tout son sens ici. Au bout des réjouissances et des doutes, il y aura toujours la satisfaction meilleure de l'accomplissement. A l'époque où tout est servi sur un plateau
d'argent, le contre-pied justifie mon enthousiasme. J'atteints enfin Palmse et son manoir. Je profite pour en faire la visite. A ce qu'on dit, il s'agit du plus impressionnant d'Estonie. L'extérieur a fière allure dans son ton de pierre orangé et blanc. La première salle que je visite est le bureau de celui qui a construit la première ligne de train du pays. J'oi oublié son nom. Le manoir est emménagé sur 2 étages et un sous-sol. Les nombreuses annexes et dépendances forment un vaste domaine. Je reprends ma route. Je dois rejoindre le village de Viitna. Un jeune de la région m'avancera jusqu'au village et la route principale qui relie Tallinn à Rakvere. Je fais une longue halte dans une auberge, rédigeant des lignes de mon carnet de route, aidé d'une Saku, la bière à laquelle je suis devenu fidèle. Je suis grisé. La récompense de l'attente, la réjouissance de la marche, l'ivresse de l'alcool, et l'annonce d'une soirée nouvelle en perspective. L'inconnu s'invite à chaque instant. La route s'impose. Après les itinéraires à circulations modérées voire inexistantes je m'engage sur une route à trafic intense-tout au moins pour ici- où les voitures et surtout les camions passent à grande allure. Je n'y vois pas là de mauvais augure. J'ai bien raison. Un estonien s'arrête rapidement pour m'amener à mi-chemin. Il ne parle pas l'anglais ce qui rend l'échange drôle. Quasi immédiatement un fourgon de 7 travailleurs de chantier s'arrête. Ils travaillent sur une maison et rentrent à l'hôtel à Rakvere. L'un d'entre eux est charpentier. Lorsque je lui indique que je dois aller à l' " Art Hôtel " il me propose de m'y conduire. L'hôtel n'est pas très loin mais il insiste. Un petit moment après j'entre dans une salle située dans la cours de l'hôtel. 5 personnes sont assises. C'est ici que je dois retrouver Liis. Elle sort du travail et arrivera plus tard. Je sais qu'un film tibétain doit être projeté. Rien d'autre. En réalité il s'agit d'un documentaire sur le Yogi présenté par un moine Ladakhi. Le dernier plan du film montre une vue d'un lac prise depuis un col. Je reconnais ce panorama. Je l'interroge sur le nom du lac et me répond qu'il s'agit du Tsomoriri. J'ai longé les rives de ce lac il y a quelques années. Et voilà comment au nord de l'Estonie en plein hiver on en vient à parler du Ladakh avec un moine du monastère de Lamayaru. J'aime ces moments inopportuns. Avec Liis, le moine et deux autres personnes nous allons boire un thé dans l' " Art Bar " juste en face. Le moine nous parle de méditation, de retraire, de la force intérieure à en puiser, et de la nécessité de communiquer le bien être. Je puise dans ses préceptes. Lorsqu'il nous quitte pour rentrer à Tallinn, nous restons à trois pour bavarder. La femme qui nous accompagne est la principale d'une école qu'elle a ouverte après l'indépendance du pays et sa libération du régime soviétique. Elle est également propriétaire de l'hôtel et du bar où l'on se trouve. Preuve que les choses ont changé. 
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Les rêves estoniens existent aussi. Je commande un plat de poisson- peut être du merlan- avec ses légumes. Nous bavardons longuement de notre société, confrontant la réalité et les illusions. Je suis son invité et me retrouve à quitter le restaurant sans sortir un euro de la poche de mon jean. L'inattendu frappe toujours. Nous rentrons chez Liis. C'est une estonienne native de la région. Elle donne des cours de dance. Son grand appartement est situé dans un vieil immeuble. Les plafonds sont hauts, les murs en pierre abimés, tout est désordonné, un peu chaotique mais l'endroit possède une véritable âme. Nous buvons un thé, faisons une leçon de grammaire pour parfaire ses cours de français. Le chat dont l'humeur oscille finira en vol plané dans le corridor d'entrée. Je termine mes écrits à la lueur d'une lampe d'éclairage qui traine derrière elle une longue rallonge électrique.
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Déjà le départ

J'ai bien dormi même si le matelas était un peu bancal. Liis m'avait prévenue mais cela n'est qu'une question de point de vue. Mieux vaut lui que moi ! Nous prenons un bon petit déjeuner pendant que le chat qui est dans l'évier se fait asperger par l'eau du robinet. Lorsque le temps s'y prête, Liis me décrit la vue depuis la fenêtre de la cuisine comme empreinte de nostalgie. La forêt s'étend au-delà d'un ensemble de maisons. On pourrait se croire dans un village de montagne, alors que nous sommes au second étage d'un immeuble de ville et situés à côté d'une grande école. L'appartement mérite d'être rénové mais son cachet et son style ancien doivent abriter bien des souvenirs de vies multiples. J'ai renoncé à la visite de l'école proposé la veille car je ne dispose pas du temps nécessaire. Liis m'accompagne à la station de bus qu'une petite marche matinale d'une vingtaine de minutes permet de rejoindre. Je quitte Rakvere et salut mon hôte ; ultime rencontre chaleureuse du voyage. Installé sur mon fauteuil, accoudé à la fenêtre, je repense aux 24 heures qui viennent de s'achever. Au stop, à la marche forcée, au moine tibétain, à la principale de l'école, à l'accueil réservé à un inconnu, et à cette dernière soirée qui à elle seule résume la raison véritable de parcourir les routes. Je fixe les champs de neige qui bientôt vont disparaître, emportant avec eux la débâcle de mes pensées. "  La liberté existe à condition d'en payer le prix ". C'est ce que m'écrit Géraldine, un écrivain voyageur en plein tournant dans sa vie, citant Sylvain Tesson. Phrase de circonstance. Réalité absolue. J'arrive à Tallinn, prend un bus et file à l'aéroport. Marko m'y rejoint, ramenant mon gant ! Je quitte Tallinn, l'Estonie, retrouve l'Espagne puis la France, emportant dans mon sac le résumé de ma vie. De quoi lire, et de quoi écrire. Qu'importe l'hiver, désormais j'ai 3 gants. 
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Estonie


Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeuxMarcel Proust